La Birmanie un an après le coup d'état : Une grève silencieuse pour défier le pouvoir

02/02/2022 mis à jour: 18:30
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Les opposants au régime birman organisent une grève silencieuse

A l’appel à la grève silencieuse des opposants au régime de la junte birmane, les rues de plusieurs villes de Birmanie sont restées vides hier, et les habitants, retranchés dans leur domicile, rapporte l’AFP.

 Ce mouvement de protestation intervient pour marquer le premier anniversaire du coup d’Etat du 1er février qui a renversé le gouvernement de Mme Aung San Suu Kyi. Il a été suivi à travers tout le pays, à l’exemple de l’Etat Shan, à l’est l’Etat Kachin (nord) et Mandalay (centre). La capitale économique Rangoun est restée déserte, de nombreux magasins gardant porte close.

En fin d’après-midi, des applaudissements ont retenti dans plusieurs villes pour marquer la fin de la grève silencieuse. Les autorités ont averti que de telles actions pourraient être qualifiées de «haute trahison», un crime passible de longues années de détention. A Rangoun, dix personnes ont été arrêtées, selon des médias locaux. 

De son côté, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis d’organiser des élections «libres et équitables (...) dès que la situation serait pacifiée et stabilisée». 

Le 1er février 2021, l'armée birmane destitue la cheffe du gouvernement civil, Aung San Suu Kyi. Elle est arrêtée avec le président de la République, Win Myint, et le gouvernement démis. L'armée juge le coup d’Etat nécessaire pour préserver la «stabilité» de l'Etat et promet de nouvelles élections «libres et équitables», une fois l'état d'urgence d'un an levé. Elle a accusé la Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d’Aung San Suu Kyi, d’irrégularités électorales «énormes», après sa victoire au mois de novembre 2020. Les militaires dénoncent, déjà depuis plusieurs semaines, des millions de cas de fraudes et font planer le spectre d’un coup d’Etat. 

En fait, l’élimination de la cheffe du gouvernement obéit à une raison liée à l’avenir de l’armée dans le pays. Les militaires se sentent menacés par la défaite en novembre du Parti de la solidarité et du développement de l’union (PSDU), formation qui sert les intérêts de l’armée. La LND y a obtenu 396 des 476 sièges du Parlement, soit 82% des députés, tandis que le PSDU a dû se contenter de 33 élus en plus des 25% de sièges attribués à l’armée par la Constitution birmane de 2008. Les résultas du scrutin sont validés par la Commission électorale.

Avec sa grande majorité, Mme Suu Kyi compte modifier la Constitution. Intention manifestée en 2019. La Constitution de 2008 interdit à toute personne ayant des enfants étrangers d’accéder à la présidence de la République, c’est le cas d’Aung San Suu Kyi, dont les deux fils sont de nationalité britannique. Le texte garantit à l’armée un quart des sièges au Parlement ainsi que trois ministères stratégiques (l’Intérieur, la Défense et les Frontières). En plus, l’armée ne dépend pas du gouvernement, mais directement du commandant en chef des forces armées.

Un projet de modification de la Constitution a généré des tensions entre les pouvoirs civil et militaire. Des propositions en question sont issues d’un comité de 45 parlementaires que le gouvernement d’Aung San Suu Kyi a fait adopter au Parlement en janvier 2019. Une des principales propositions des députés de la LND serait de réduire le quota des 25% de sièges alloué aux militaires en plusieurs phases. Ce qui peut permettre à Mme Suu Kyi de devenir enfin Présidente et de réduire le pouvoir des généraux et d’œuvrer à son élimination définitive de l’échiquier politique birman. Un sort que l’armée ne peut admettre.

Répression

Depuis son coup d’Etat contre Aung San Suu Kyi, plus de 1500 civils ont été tués et près de 9000 sont détenus dans les geôles du régime, d’après un observatoire local qui dénonce des cas de viols, de torture et d’exécutions extrajudiciaires. Face à cette répression, la communauté internationale a accru, lundi, la pression sur les généraux. Ainsi, les Etats-Unis ont imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières. Sont notamment ciblés les plus hauts responsables judiciaires du pays, le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême Tun Tun Oo et le chef de la commission anticorruption Tin Oo. 

Depuis le putsch qui a mis fin à une décennie de transition démocratique, Aung San Suu Kyi est assignée à résidence dans un endroit tenu secret. La prix Nobel de la paix est visée par une multitude de chefs d’accusation (violation d’une loi sur les secrets d’Etat datant de l’époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption, entre autres). Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée cette fois d’avoir fait pression sur la commission électorale lors des législatives de 2020. Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de détention au terme de son procès. De son côté, la rébellion, menée par des milices citoyennes et des factions ethniques, s’intensifie, poussant la junte à encore durcir sa répression. Ces violences ont déjà fait plusieurs centaines de milliers de déplacés. 

Pays du Sud-Est asiatique, ancienne colonie britannique, occupée par le Japon de 1942 à 1944, la Birmanie a proclamé son indépendance en 1948. La même année, Sao Shwe Thaik est élu premier président de la Birmanie indépendante. Il aura deux successeurs, en 1952 et 1957. En 1962, le général Ne Win, commandant en chef de l'armée, prend le pouvoir par un coup d'Etat. En 1992, le général Saw Maung est renversé par un putsch du général Than Shwe. La junte est officiellement dissoute en 2011. 

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