Jugurtha Abbou. Spécialiste en psychologie sociale, écrivain : «Hocine Aït Ahmed était un semeur d’espoir»

31/10/2023 mis à jour: 06:41
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Jugurtha Abbou est spécialiste en psychologie sociale. Il est écrivain et militant politique. Il a été membre du Conseil national puis Secrétaire national à la communication du FFS, ce qui lui a permis de s’imprégner de la pensée de Hocine Aït Ahmed. Il revient dans cet entretien sur son ouvrage intitulé «La pensée de Hocine Aït Ahmed». A travers cette œuvre, Jugurtha Abbou se fixe le but de représenter de façon succincte la vision de Hocine Aït Ahmed et sa pensée politique, économique et identitaire.
 

 

Propos recueillis par Nabila Amir

 

-Vous étiez programmé pour animer une rencontre au Salon du livre autour, notamment de votre ouvrage : La pensée d’Aït Ahmed face aux tragédies algériennes. Quel est le message que vous voulez véhiculer à travers ce livre ?

Tout d’abord je tiens à remercier El Watan pour m’avoir donné l’occasion de parler de mon quatrième livre intitulé «La pensée d’Aït Ahmed face aux tragédies algériennes», édité en décembre 2022 aux éditions Tafat. J’aurais tant souhaité animer une rencontre autour de ce livre à l’occasion du SILA. Mais pour des questions de programmation, ladite rencontre n’a pas eu lieu. Ceci dit, j’ai animé une vente-dédicace, celle-ci a connu un bon engouement et un échange riche et fructueux, avec notamment, des lecteurs qui veulent connaître davantage sur le parcours et la pensée du défunt Aït Ahmed. C’est justement l’objectif visé par l’écriture d’un tel livre, à savoir tenter de comprendre et d’expliquer ce qui a mu chacune des positions prises par Hocine Aït Ahmed et d’englober tout cela dans un cadre assez clair, qui permet, au-delà des enjeux et des conjonctures, de définir la ligne politique de l’homme.

-Avez-vous connu de près le défunt Aït Ahmed ?

Je n’ai pas eu cet honneur de le connaître de près, mais ayant été membre de la commission de préparation du cinquième congrès du FFS, en 2013, chargé de la communication, j’ai eu à travailler avec le défunt Aït Ahmed en transmettant les rapports et les différents procès-verbaux de nos différentes réunions de préparation. Lui nous envoyait ses propositions et recommandations. J’ai décelé à l’époque, malgré les aléas de l’âge, une lucidité politique impressionnante. Si bien que, m’étant beaucoup intéressé à son œuvre, à ses écrits et à ses positions, j’ai toujours relevé une cohérence à même de définir ce que j’ai appelé dans mon livre, La pensée d’Aït Ahmed.
 

-Vous êtes jeune et vous étiez militant du FFS. N’avez-vous pas trouvé des difficultés à écrire un livre cernant la pensée d’un monument historique tel que Hocine Aït Ahmed ?
 

Je savais, dès l’entame de son écriture, que ce projet n’allait pas être une mince affaire. Écrire sur un tel homme qui a, rappelons-le, d’abord lutté pour la libération du pays, puis pour l’instauration de la démocratie en Algérie, en se distinguant, lors de chacune de ces étapes, par une production immense et continue, a fait que mon travail se devait d’être méthodologique et pointilleux. Il faut rappeler que pendant le mouvement national déjà, Aït Ahmed a laissé son empreinte, à travers le rapport de Zedine et les manuels qu’il a façonnés lorsqu’il a pris la direction de l’OS, ce qui constituait déjà une ébauche de ce qui allait être sa pensée. Sans oublier les rapports qu’il a adressés à partir de la prison, préconisant notamment la création du GPRA, puis proposant une feuille de route des négociations pour l’indépendance. 

Ceci dit, le livre «La pensée d’Aït Ahmed» n’est pas une digression chronologique de ces actes, mais une tentative de cerner l’ensemble de ses réflexions sur le plan politique, économique, social, sociétal, culturel et cultuel. A titre d’exemple, tout le monde sait que Hocine Aït Ahmed a joué un grand rôle durant la conférence de Bandung, mais il fallait pour nous comprendre les contours de son intervention, basée essentiellement sur le droit des peuples du Maghreb à l’autodétermination. 
 

C’est ce même principe que nous retrouvons dans sa lettre écrite de prison, exhortant les leaders de la Révolution à accélérer la proclamation d’un gouvernement provisoire. Tout cela a nécessité, l’avouais-je, un travail titanesque de notre part. L’œuvre a nécessité non seulement une recherche bibliographique, mais également des rencontres avec des militants qui l’ont côtoyé et qui ont essayé d’expliquer le pourquoi de telle ou de telle position et les principes sur lesquels Aït Ahmed a fondé sa vision.
 

-Dans votre ouvrage vous dites que les positions d’Aït Ahmed n’ont pas fait l’unanimité parmi les acteurs politiques et sociaux, mais vous dites qu’il était un semeur d’espoir et vous appelez dans ce sens les jeunes générations à s’imprégner de son parcours…
 

Il est vrai que Hocine Aït Ahmed a été mal compris par certains et calomnié par d’autres, ce qui a fait que ses positions ont été parfois sujettes à polémique, voire dénigrement. Je cite à titre d’exemple sa rencontre avec Ben Bella en 1985, le contrat de Rome et son appel à prendre part aux municipales de 2002. Justement, le livre que j’ai publié est une tentative de recadrer le débat sur les principes qui ont conduit à de telles prises de positions. Aussi, beaucoup d’Algériens n’ont pas cerné, faut d’un climat politique défavorable et d’un champ médiatique quasi fermé, l’évolution de sa pensée politique. 

A titre d’exemple, beaucoup pensent encore qu’Aït Ahmed n’a prôné que le socialisme comme option économique, or que sa pensée a connu une évolution au gré des situations nationale et internationale, passant de l’autogestion vers la social-démocratie. Mais qu’on soit d’accord ou pas avec lui, nous ne pouvons lui denier cette qualité de semeur d’espoir. N’était-ce pas lui qui, en plein décennie noire, martelait que les Algériens devaient, un jour ou l’autre, renouer avec la paix civile ? N’était-ce pas lui, qui à l’ère du parti unique, ne cessait pas de mobiliser les militants autour de la revendication démocratique ? 

Il disait à chaque fois que l’Algérie possède un grand peuple, et que ce peuple, qui a survécu à plusieurs épreuves, mérite de vivre dans la prospérité et le développement. Je considère que mon modeste travail pourrait enclencher un débat et un travail de recherche plus approfondi, déjà que des étudiants le choisissent parmi leurs références dans l’élaboration de leurs thèses universitaires. 

Tout comme il permettrait au lecteur de mieux cerner la pensée d’Aït Ahmed. Les questions de l’Etat, du pouvoir et du système trouvent leurs réponses dans les discours et les interventions de Hocine Aït Ahmed. Beaucoup de jeunes militants gagneraient à s’y imprégner.

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