Les enfants atteints de cancer ainsi que leurs parents sont confrontés, en Algérie, à une double peine : en plus du drame qu’ils subissent, ils doivent composer avec des ruptures cycliques d’approvisionnent des traitements essentiels à leur rétablissement et subir l’absence de services équipés, notamment dans les régions intérieures, et la difficulté de décrocher un rendez-vous pour la radiothérapie.
A l’occasion de la Journée internationale du cancer pédiatrique, célébrée le 15 février, Nabila Bouterfas, cheffe de service oncologie pédiatrique à l’Etablissement hospitalier universitaire (EHU) Hassani Issaad, a appelé à la création de centres régionaux spécialisés dans la prise en charge du cancer de l’enfant à travers le pays, soulignant que les grands hôpitaux ne sont plus en mesure de satisfaire la demande croissante.
«Il est devenu extrêmement difficile de prendre en charge cette catégorie dans les grands établissements hospitaliers face au nombre croissant de malades, notamment en raison du manque de lits», a déclaré le Pr Bouterfas citée par l’APS. Insistant sur la création de «centres régionaux spécialisés», la spécialiste a précisé que les wilayas du Sud sont parmi «les régions les plus désavantagées en matière de prise en charge des enfants cancéreux», imputant cela à l’absence d’établissements hospitaliers de proximité dédiés à ce volet.
Les Centres anticancer (CAC) répartis à travers le pays «ne disposent pas de services équipés pour la prise en charge du cancer pédiatrique, notamment en matière de chirurgie, de chimiothérapie et de radiothérapie», a-t-elle fait savoir. Le Pr Bouterfas a, par ailleurs, déploré l’absence d’un service de greffe de la moelle osseuse pour les enfants qui souffrent d’une déficience immunitaire et de leucémie.
Pour les rendez-vous de radiothérapie et bien qu’une «toute petite» catégorie soit concernée, le Pr Nabila Bouterfas a souligné la difficulté d’obtention de ces rendez-vous qui entraîne parfois la perte de bénéfice des traitements reçus auparavant. Revenant à l’unité d’oncologie pédiatrique à l’EHS Pierre et Marie Curie d’Alger, la spécialiste a indiqué que la structure «ne dispose pas d’un nombre suffisant de lits et de fauteuils pour l’hôpital de jour», soulignant la nécessité de lancer un «plan national d’oncologie pédiatrique».
De son côté, le Pr Fatiha Gachi, cheffe de service oncologie pédiatrique à l’EHS PMC, a fait état de 2000 nouveaux cas de cancer de l’enfant enregistrés chaque année en Algérie, dont la leucémie, le lymphome, les tumeurs du cerveau et des os, ainsi que d’autres tumeurs bénignes, la plupart étant guérissables si elles sont diagnostiquées et prises en charge à temps.
Le Pr Gachi explique que la prévalence du cancer chez l’enfant est principalement due à des facteurs génétiques, alors que chez l’adulte, les facteurs environnementaux et d’autres liés à l’hygiène de vie sont en cause.
Saluant le lancement, par l’Institut national de santé publique (INSP), du Registre national d’oncologie pédiatrique en 2016, dans le cadre du premier plan national de lutte anticancer 2015/2019, la spécialiste a toutefois souligné que la pandémie de Covid-19 a été préjudiciable aux patients, regrettant que leur prise en charge intervienne à un stade avancé de la maladie. De plus, les cancéreux souffrent fréquemment de ruptures médicamenteuses, malgré les efforts déployés par la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), mais qui restent «insuffisants», selon elle.
Avec l’ouverture prochaine d’un service d’oncologie pédiatrique au CHU Lamine Debaghine (ex-Maillot), le Pr Gachi prévoit une atténuation de la pression sur les services des structures hospitalières en charge de cette pathologie, quand bien même les prestations demeurent «en deçà du niveau requis, vu le nombre de cas enregistrés chaque année», a-t-elle conclu.
Ces dernières années ont été marquées par des pénuries cycliques de certains médicaments indiqués dans le traitement des cancers pédiatriques, tels que les leucémies, les tumeurs du cerveau, le cancer des os et les lymphomes. Elles ont pour conséquences de créer chez les familles des malades une angoisse permanente de voir leur enfant privé de soins.