Alors que le Conseil de sécurité débat, depuis mercredi dernier, des mesures pour faire appliquer la Résolution de cessez-le-feu immédiat adoptée par le Conseil de sécurité mardi et foulée aux pieds par l’entité sioniste, la CIJ a réaffirmé les injonctions imposées à Israël le 26 janvier de l’année en cours, en précisant leur caractère «obligatoire».
La Cour internationale de justice (CIJ) a rendu publique, jeudi en fin de journée, sa décision relative à la requête sud-africaine d’indication de mesures conservatoires additionnelles urgentes ou de modifier l’ordonnance du 26 janvier 2024, déposée le 6 mars, en raison de l’aggravation de la situation à Ghaza.
Ainsi, la CIJ a «observé», depuis le 26 janvier 2024, que «les conditions désastreuses dans lesquelles vivent les Palestiniens de la bande de Ghaza se sont... encore détériorées, en particulier au vu de la privation prolongée et généralisée de nourriture et d’autres produits de première nécessité à laquelle ceux-ci sont soumis», et que «les Palestiniens de Ghaza ne sont plus seulement exposés à un risque de famine, ainsi qu’elle l’a relevé dans son ordonnance du 26 janvier 2024, mais doivent désormais faire face à une famine qui s’installe».
De l’avis de la Cour, les mesures conservatoires mentionnées dans l’ordonnance du 26 janvier 2024 «ne couvrent pas intégralement les conséquences découlant des changements dans la situation..., justifiant ainsi une modification de ces mesures».
De ce fait, elle a rappelé que dans son ordonnance, «qui a un caractère obligatoire», la Cour a voté par 14 voix contre deux – la vice-présidente Sebutinde et le juge ad hoc désigné par Israël – sa réaffirmation des mesures conservatoires indiquées dans son ordonnance du 26 janvier 2024, avant d’ajouter deux nouvelles injonctions à l’entité sioniste.
«Au vu de la dégradation des conditions de vie auxquelles sont soumis les Palestiniens de Ghaza, en particulier de la propagation de la famine et de l’inanition, la Cour et à l’unanimité, lit-on, a ordonné à Israël de prendre toutes les mesures nécessaires et effectives pour veiller sans délai, en étroite coopération avec l’Onu, à ce que soit assurée, sans restriction et à grande échelle, la fourniture par toutes les parties intéressées des services de base et de l’aide humanitaire requis de toute urgence».
La Cour a également exigé de l’Etat hébreu de «veiller, avec effet immédiat, à ce que son armée ne commette pas d’actes constituant une violation de l’un des droits des Palestiniens de Ghaza en tant que groupe protégé en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, y compris en empêchant, d’une quelconque façon, la livraison d’aide humanitaire requise de toute urgence».
La haute juridiction a fait obligation à l’entité sioniste de «soumettre un rapport sur l’ensemble des mesures prises pour se conformer» à l’ordonnance, «dans un délai d’un mois à compter du prononcée de celle-ci». Huit juges sur les 15 qui composent la CIJ, ainsi que le juge ad hoc désigné par Israël ont joint à cette ordonnance des déclarations sur l’affaire.
Des décisions qui interviennent alors qu’Israël a exprimé son intention de fouler au pied la Résolution du Conseil de sécurité qui appelle à un cessez-le-feu immédiat et l’accélération de l’aide humanitaire pour la population de Ghaza, menacée de mort non seulement par les bombardements aériens, les exécutions sommaires, mais aussi la famine.
Les images et les enregistrements vidéo fuités par des soldats israéliens documentent la guerre génocidaire que mène l’Etat hébreu contre la population de Ghaza. Les décisions de la CIJ interviennent aussi au lendemain de la remise du rapport accablant de la rapporteuse spéciale de l’Onu sur la situation des droits de l’homme en Palestine occupée, Francesca Albanese, au Conseil des droits de l’homme à Genève.
«Camouflage humanitaire pour dissimuler un génocide»
Dans ce document, la responsable a déclaré qu’Israël «a détruit» Ghaza en cinq mois d’opérations militaires. Et d’ajouter : «Le nombre effroyable de morts, le préjudice irréparable causé à ceux qui survivent, la destruction systématique de tous les aspects nécessaires à la vie à Ghaza – des hôpitaux aux écoles, des maisons aux terres arables et le préjudice particulier causé à des centaines de milliers d’enfants, ainsi qu’aux femmes enceintes et aux jeunes mères – cela ne peut être interprété que comme constituant une preuve prima facie d’une intention de détruire systématiquement les Palestiniens en tant que groupe.»
Pour la responsable, «le seuil indiquant la commission d’un génocide par Israël» avait été «constaté suite à une analyse des actions et des schémas de violence d’Israël lors de son attaque contre Ghaza, étayés par une rhétorique déshumanisante de la part de hauts responsables israéliens et souvent reflétés dans les actions des soldats sur le terrain».
Albanese a conclu son rapport en affirmant : «Les dirigeants exécutifs et militaires et les soldats israéliens ont intentionnellement déformé les règles fondamentales du droit humanitaire international – distinction, proportionnalité et précaution – dans le but de légitimer la violence génocidaire contre le peuple palestinien.
En redéfinissant délibérément les catégories de boucliers humains, d’ordres d’évacuation, de zones de sécurité, de dommages collatéraux et de protection médicale, Israël a utilisé leurs fonctions de protection comme un ‘‘camouflage humanitaire’’ pour dissimuler sa campagne génocidaire.»
Lors de la conférence de presse qu’elle a animée, elle a présenté son rapport comme «un appel au monde» afin de «s’assurer qu’Israël et les Etats tiers respectent leurs obligations indérogeables en vertu de la Convention sur le génocide, pour prévenir de nouvelles pertes de vies humaines (…)».
Ces déclarations ainsi que le contenu de son rapport lui ont valu des menaces. «Israël a estimé que mon rapport faisait partie d’une campagne visant à saper l’établissement même de l’Etat juif, et les USA ont dit n’avoir aucune raison de croire qu’Israël ait commis des actes de génocide à Ghaza.
Je ne remets pas en cause l’existence de l’Etat d’Israël, mais je fais partie d’un mouvement qui veut la fin de l’apartheid», a-t-elle souligné, avant de plaider pour une présence internationale de protection et des mesures contre Israël dont des sanctions économiques et un embargo sur les armes.
Hier, c’était au tour du haut commissaire onusien aux droits de l’homme (HCDH), Zeid Ra’ad Al Hussein, de faire son réquisitoire contre Israël, en raison du «recours excessif» à la force létale : «Chaque semaine, nous assistons à des exemples de recours à la force létale contre des manifestants désarmés.
Des dizaines de milliers de Palestiniens de la bande de Ghaza se rassemblent chaque vendredi depuis fin mars pour revendiquer le droit des Palestiniens à retourner sur les terres dont ils ont été chassés ou qu’ils ont fuies à la création d’Israël en 1948.»
«Assassinats délibérés de civils»
En outre, a ajouté le responsable onusien, 233 enfants ont été blessés par des balles réelles, avec des lésions qui se traduiront par des incapacités permanentes, notamment par l’amputation des membres.
«Il est difficile d’imaginer que des enfants, même ceux lançant des pierres, puissent constituer une menace de mort imminente ou de blessure grave pour des membres des forces de sécurité lourdement protégés», a ajouté le commissaire onusien, tout en se référant «au cas de Mohammad Ayyoub, 14 ans, qui a été tué d’une balle dans la tête le 20 avril dernier».
Le haut commissaire a regretté, en outre, que les «avertissements de l’Onu et d’autres soient apparemment restés lettre morte, car l’approche des forces de sécurité de semaine en semaine ne semble pas avoir changé», a-t-il dit.
De plus, a noté M. Zeid, «beaucoup de ceux qui cherchent un traitement à l’extérieur de Ghaza se sont vu refuser par Israël la permission de partir, ce qui a aggravé leurs souffrances. Ces morts pourraient constituer des assassinats délibérés de civils, en violation flagrante de la quatrième Convention de Genève, par laquelle Israël est lié en tant que puissance occupante».
Pour ce dernier, les morts et les blessés survenus à Ghaza au cours des dernières semaines soulignent également l’importance d’une solide structure d’obligation redditionnelle pour tout crime présumé, comme l’a souligné le secrétaire général lorsqu’il a appelé à une enquête indépendante et transparente sur les assassinats récents.
Dans ces conditions, Zeid Ra’ad Al Hussein estime que «chaque pays a l’obligation, au nom des droits de l’homme, de s’assurer que tout décès et blessure grave fassent l’objet d’une enquête et que les responsables répondent de leurs actes devant la loi».
En conclusion, M. Zeid a exprimé sa vive préoccupation par le fait «qu’à la fin de la journée, et les vendredis à venir synonymes de jour traditionnel de protestations, plus de Palestiniens seront tués simplement parce qu’ils se seraient approchés d’une barrière en exerçant leur droit de manifester», a fait remarquer le chef des droits de l’homme de l’ONU.
Rapatriement de 45 enfants palestiniens et 6 Algériens blessés
Quarante-cinq enfants palestiniens et six Algériens blessés ont été rapatriés jeudi soir, à partir de l’aéroport du Caire (Egypte), à bord de deux avions médicalement équipés des forces aériennes algériennes, pour une prise en charge au niveau des hôpitaux militaires et cercles de l’armée en Algérie, et ce, en exécution de l’initiative du président de la République, Abdelmadjid Tebboune.
L’initiative du président de la République vise à prendre en charge 450 enfants palestiniens blessés pour bénéficier de soins, suite aux blessures et aux traumatismes dus aux bombardements sionistes barbares ayant ciblé des civils palestiniens dans la bande de Ghaza.
A cet effet, tous les moyens ont été mobilisés pour la réussite de cette opération à caractère humanitaire, qui sera suivie d’opérations d’évacuation ultérieures au profit d’autres catégories de blessés, notamment ceux amputés de leurs membres, ce qui témoigne clairement du soutien inconditionnel de l’Algérie au peuple palestinien frère dans cette dure épreuve qu’il traverse.
Par ailleurs, l’Algérie poursuit ses efforts incessants pour prendre en charge le rapatriement des ressortissants algériens bloqués dans la bande de Ghaza, en dépit des difficultés et des entraves rencontrées, et ce, en coopération avec les autorités égyptiennes, le Croissant-Rouge palestinien et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR).