Le chanteur et pianiste martiniquais, Maher Beauroy, accompagné de sa bande, étaient de passage à Oran, samedi dernier, où ils ont offert au public un show musical des plus époustouflants.
Aux airs de jazz afro-caribéens, qu’exsudaient des instruments, tels que la contrebasse, le piano, la percussion et même le oud, se mêlait la voix de la chanteuse Florence Baudin, dite «Flo», qui avait déclamé, ou plus précisément «slamé» des morceaux choisis de l’œuvre de la grande figure anticoloniale qui a pris fait et cause pour la Révolution algérienne, le dénommé Frantz Fanon.
Le résultat en était bluffant. Maher Beauroy et son orchestre étaient surtout venus à Oran présenter leur dernier album, où ils rendent un hommage solennel, par le truchement de la déclamation des extraits de sa pensée, à Frantz Fanon, lui-même d’origine martiniquaise.
Un projet qui aboutit enfin bien que datant de plus d’une décennie, comme l’avait expliqué Maher Beauroy dans une interview donnée dernièrement à une télévision martiniquaise. «Le projet est né au début des années 2010 quand je rencontre le musicologue franco-algérien Reda Benabadallah. Lui venant d’Algérie et moi de Martinique, on a essayé de mélanger nos traditions musicales», avait-il alors expliqué.
C’était aussi à une époque (2010) où il s’éveillait à la politique, et l’histoire de la Martinique, de facto l’intéressait beaucoup, de même que les hommes qui ont façonné son histoire. «Je me plonge dedans et j’apprends que Frantz Fanon est aussi un héros national en Algérie», dira-t-il. D’ailleurs le morceau qui ouvre leur album, et qui a été déclamé lors de la prestation de samedi dernier, est B Natural (Sois toi-même) dans lequel Florence Baudin déclame ce texte fanonien si poignant.
«Oui à la vie, oui l’amour, oui à la générosité. Mais l’homme est aussi un non. Non au mépris de l’homme, non à l’indignité de l’homme, à l’exploitation de l’homme, au meurtre de ce qu’il y a de plus humain dans l’homme : la liberté», et de slamer encore, plus loin : «Ce n’est pas le sol qui est occupé, ce n’est pas le port ni les aérodromes.
Le colonialisme français s’est installé au centre même de l’individu algérien et y a entrepris un travail soutenu de ratissage, d’expulsion de soi-même, de mutilation rationnellement poursuivis.» Samedi dernier, Maher Beauroy était au piano, tout en secondant Florence Baudin dans le chant. Ils étaient accompagnés par Qaïs Saadi au oud, Sélène Saint-Aimé à la contrebasse, qui chantait également, Adriano Ténorio aux percussions, le tout combiné dans un vortex mirifique grâce aux soins de l’ingénieur son Julien Bassères. «A la vérité, c’est notre deuxième tournée en Algérie, nous explique Maher Beauroy en marge du concert. Il y a quelques années, on était venus avec une autre formule, et en plus petit comité (ne formant alors qu’un trio), mais c’est la première fois qu’on vient à cinq en déclamant des textes.
La première fois c’était uniquement de la musique, tandis que là, on rend un hommage à Franz Fanon, qui se veut plus concret, plus réel, plus palpable pour les gens.» Oran a été la première destination de ce groupe qui s’est envolé par la suite à Tlemcen avant de poursuivre sa tournée dans les villes d’Annaba, Alger et Constantine.