Belle initiative que cette soirée dédiée au jazz, plus précisément le jazz latino, concoctée vendredi 5 mai par l’Institut Cervantès d’Oran.
Une occasion pour les amateurs de cette musique phare du XXe siècle et dont l’aventure se poursuit toujours et de se replonger dans l’ambiance. «Ce programme comportant un film, une exposition et un concert live a été initialement préparé pour la célébration de la journée internationale du jazz correspondant au 30 avril, mais, pour des raisons de calendrier, la manifestation a été décalée», explique Juan Manuel CID Munoz, le directeur l’institut.
Un léger décalage qui n’ôte rien au charme de la manifestation. L’exposition concerne une série de photographies, des portraits, représentant des musiciens qui ont participé au Festival international de jazz de Grenade, un des plus importants rendez-vous au monde et qui se déroule habituellement en automne (novembre) et cela depuis 1980.
Il s’agit ici de donner un aperçu visuel des figures marquantes qui continuent de perpétuer l’héritage de cette musique qui a conquis le monde. Le choix concerne un large éventail d’instruments privilégiés mais aussi, en filigrane, une idée sur l’évolution des mœurs avec l’émergence, dans le domaine instrumental justement, des femmes qui étaient, pendant longtemps, cantonnées dans les prouesses vocales.
C’est le cas pour les pianistes-femmes de jazz mais surtout pour la trompette, instrument fétiche qui fait remonter aux origines du genre. Quant au film en question, il s’intitule Chico et Rita, et si, comme son titre le suggère, il relate une histoire d’amour parfois houleuse entre un jeune pianiste et une jeune chanteuse tous deux cubains, c’est bien de l’univers du jazz dont il s’agit.
C’est un dessin animé musical d’un réalisme poignant et particulièrement bien servi par une bande son à couper le souffle. Cela se comprend quand on sait que c’est Bebo Valdès qui a signé la musique originale. C’est un pianiste de jazz et un compositeur cubain qui n’est pas né de la dernière pluie car ayant vécu entre 1918 et 2013, le film étant sorti vers 2011.
C’est lui qui donne également sa voix au protagoniste principal du film. Celui-ci est coréalisé par le dessinateur espagnol Javier Mariscal et son compatriote le cinéaste FernadoTrueba à qui on doit, précédemment en 2000, Calle 54, un documentaire sur le jazz latino. L’exactitude des gestes des personnages notamment musiciens sont remarquables.
Les dessins relatifs aux décors urbains des villes de la Havane, New York et, dans une moindre mesure, Las Vegas, lieux où se déroule l’intrigue située en flash back dans le milieu des années 50, le sont tout aussi bien. La représentation de musiciens réels et célèbres à l’instar de Dizzy Gillepsie, Charlie Parker ou ChanoPozo rehausse la dimension musicale d’un film à découvrir et à redécouvrir.
Le clou de la soirée reste le spectacle donné sur le toit de la bâtisse abritant l’Institut Cervantès et qui a été animé par une nouvelle formation, Covalawa (déformation linguistique Cueva Del Agua), une crique en contrebas de la falaise située du côté est de la ville et du port d’Oran. Elle est animé par Amine, trompettiste et dont les musiciens aguerris pour avoir cumulé diverses expériences viennent d’Oran, d’Alger, Kabylie et Sidi Bel Abbes. Tous sont animés par la passion de la musique qu’ils veulent partager avec le public.
Celui-ci a répondu présent vendredi soir le temps d’une soirée colorée, joyeuse et festive. «Nous avons créé cette formation Covalawa Jazz band pour animer la scène oranaise en jazz latino avec des musiciens expérimentés et c’est pour répondre à la demande des gens qui nous disent ‘’nous boulons écouter de la bonne musique’’», indique Amine, profitant de l’invitation de Cervantès pour faire connaître ce groupe qui, en tant que tel, performe pour la première directement devant un public.
Un public séduit par autant de talents avec, à titre illustratif pour les musiciens d’Oran. Lakhal à la guitare qui, avant de se tourner vers le jazz, a eu l’occasion de se produire avec le célèbre groupe pop oranais, les Students, et qui a contribué à la formation de cette troupe, qui, selon lui, «ambitionne également, en plus des compositions propres, de revisiter le patrimoine algérien» ou alors avec Samir, un excellent batteur qui a contribué à faire les beaux jours du groupe Liberté ayant, durant de années, accompagné les chanteurs de raï lors des différentes éditions du festival dédié organisé au théâtre de verdure. Il y a également Fares au saxophone et le contrebassiste Sofiane (à la guitare-basse pour l’occasion), ancien élève de l’IRFM.
La particularité de Covalawa réside dans la richesse de sa section des cuivres avec l’introduction heureuse d’un autre saxophoniste, Hamza, accessoirement à la flûte traversière et un tromboniste Bakliqui, comme Amine qui a accompagné ou accompagne des stars et vedettes algériennes comme Khaled, le regretté Idir ou Takfarinas ont pour leur part également accompagné les deux derniers.
La percussion (un autre Amine) et le piano avec Rami complète ce «band» qui promet d’autres rencontres avec le public. «Je joue de la musique depuis mon enfance, j’ai fait de la trompette classique à l’IRFM d’Oran mais la découverte du jazz m’a fait rendre compte que c’est ce style-là qui me permet de mieux exprimer mes émotions», explique Amine. La célébration de la Journée internationale du jazz est venue à point nommé pour booster la culture jazz à Oran.