En arpentant certaines rues des grandes cités de la capitale, l’on est choqué par les monticules de pain rassis jeté par ceux qui en achètent plus ce qu’ils en consomment.
Ce pain bénit que d’aucuns portent à leurs lèvres en signe de déférence, avant qu’ils ne s’en séparent au bas de leurs immeubles, jonche par-ci, par-là les coins de rue, sur le trottoir ou devant les bennes à ordures ménagères que les agents de Netcom vident sans trop s’en soucier du geste irresponsable du citoyen, devenu à la longue banal à leurs yeux.
Ces agents de Netcom ou ces ‘‘neqayine’’ des espaces publics ont comme tâche de collecter les ordures ménagères et non les millions de baguettes de pain balancées par ceux qui se plaignent, faut-il dire le rappeler, du faible pouvoir d’achat.
Une piètre image aussi que celle que nous renvoient chaque jour que Dieu fait les tonnes de pain abandonnées par ceux aussi qui laissent exploser leur ire lorsque le boulanger du coin met le valet sur le maillet.
En décembre 2022, le président de la Fédération nationale des boulangers tenait à faire savoir que sur les 50 millions de baguettes de pain que produit chaque jour l’Algérie, plus de 20%, soit 10 millions, finissent dans les poubelles. Si on fait nos comptes, à raison de 10 DA l’unité, pas moins de 100 millions de DA de farine panifiable, finissent, à notre grande peine, par atterrir journellement dans les poubelles...
Un chiffre ahurissant qui donne froid au dos et fait dresser les cheveux sur la tête. On croit récupérer cette grande perte via les collecteurs de pain qui sillonnent avec leur camionnettes ‘‘Herbin’’ les quartiers de la mégapole, avant qu’ils ne le refilent aux éleveurs d’espèce herbivore.
L’on s’interroge si ces moutons et vaches, qui se distinguent par leur régime alimentaire composé exclusivement de matière végétale, ne sont pas en passe, par notre geste désinvolte, de devenir des… «panivores».
Autrefois, nos grands-mères se gardaient de faire dans le gaspillage et la démesure, surtout lorsqu’il s’agit de cette denrée alimentaire de base. La ménagère savait gérer sa ‘‘panetière’’ avec ce sens de l’épargne en concoctant des plats traditionnels succulents avec ce quignon qu’une bonne partie des foyers impudents n’hésitent pas à mettre à la poubelle.