Le métier d’influenceur tend à se professionnaliser dans le monde à l’heure de l’essor du marché d’influence marketing. Coup de projecteur sur un phénomène à réglementer. Il convient de s’interroger entre autres sur la nature contractuelle de la relation entre l’influenceur et la marque qu’il promeut.
L’affaire d’escroquerie de «Future Gate», qui a arnaqué pas moins de 75 étudiants algériens, a fait la une de nombreux journaux algériens et étrangers, et est devenue le sujet le plus controversé sur les réseaux sociaux. Des dizaines d’entre ces derniers, croyant aveuglement en leurs influenceurs préférés, se sont retrouvés abandonnés, errants dans les aéroports ou les rues de Kiev, d’Istanbul ou de Moscou !
Cette affaire a relancé le débat sur le rôle des influenceurs dans la société et surtout de leur statut juridique. Le métier d’influenceur tend à se professionnaliser dans le monde à l’heure de l’essor du marché d’influence marketing. Coup de projecteur sur un phénomène à réglementer. Il convient de s’interroger entre autres sur la nature contractuelle de la relation entre l’influenceur et la marque qu’il promeut.
Certains parlent carrément d’un nouveau business, mais qui n’est pas à l’abri de l’escroquerie. En général, les influenceurs parlent de leurs journées, de leurs aventures et expériences et sont surtout assez suivis.
Cela a commencé avec la beauté, destinée aux adolescentes et aux jeunes, maintenant, il y a des personnalités publiques qui parlent non plus à travers leurs médias mais à travers leurs propres pages, tels que des journalistes, comme Khaled Drareni, présentateur du CPP sur radio M et très actif sur Twitter.
En Algérie, cela a commencé avec les podcasters (petites vidéos assez humoristiques). Lorsqu’ils sont ramenés à des événements, ils interviennent en général en direct et instantanément pour faire passer des messages. Plusieurs entreprises y ont recours, telles que Jumbo, Coca-Cola, Fanta, Amor Benamor, Afia, Bel Algérie, Lotus Conseil, Oppo, Samsung et MediAlgeriA.
C’est devenu extrêmement intéressant pour les marques de s’associer à «ces ambassadeurs» qui savent s’adresser efficacement à des audiences de consommateurs. Certains influenceurs vont s’associer dans un but commercial, mais ce sont aussi des personnes qui ont un poids réel sur des sujets de société.
Leurs paroles et leurs actions peuvent contribuer à faire avancer les choses. Les influenceurs sont généralement des jeunes passionnés par tout ce qui est TIC. Les exemples sont nombreux et les profils aussi.
De simples vidéos au marketing d’influence
Ines Abdelli, accusés dans le cadre de l’affaire «Future-Gate» et mise sous contrôle judiciaire, est une influenceuse de 16 ans, qui a fait ses premiers pas devant les caméras dès l’âge de 3 ans, avec une publicité pour l’ancien opérateur de téléphonie mobile Nedjma (actuellement Ooredoo). Véritable phénomène des réseaux sociaux, elle prodigue notamment ses conseils pratiques sur sa chaîne YouTube Just Ines (chant, voyages...), c’est l’influenceuse dont le taux d’engagement est l’un des plus importants du pays et sans doute d’Afrique, avec 170 000 likes en moyenne par publication Instagram.
Celle qui crève littéralement l’écran avec ses magnifiques yeux bleu-vert a débuté une carrière d’actrice (Camélia dans la série humoristique Darna Show).
Shirine Boutella s’est fait connaître par ses tutos beauté et mode postés sur YouTube à partir de 2015, sous le pseudo de Mademoiselle S. Elle a reçu le prix de la meilleure Youtubeuse beauté au «Algerian Youtubers Awards2017».
Titulaire d’une licence de cinéma et audiovisuel, elle n’a pas eu de mal à maîtriser les codes de la vidéo en ligne. Repérée par des producteurs de télévision, elle joue dans deux séries algériennes, Casbah City et surtout une cheffe d’entreprise autoritaire et hautaine dans deux saisons d’El Khawa.
Pour comprendre ce phénomène en Algérie, il faut d’abord jeter un coup d’œil aux indicateurs du paysage numérique. L’Algérie comptabilise 43,92 millions d’abonnés à internet dont 91% (39,97 millions) sont connectés avec un téléphone mobile.
Les pages écrites (web et réseaux sociaux), les images et les vidéos représentent 65 % du contenu consulté par les internautes algériens et la télévision sur IP (Netflix et autres abonnements de même type) représente 25%.
L’Algérie compte, aujourd’hui, plus de 24 millions d’utilisateurs Facebook, soit 55% de la population. Internet et les réseaux sociaux ont pris une place centrale dans le quotidien des Algériens. Autant de potentiels «acheteurs» qui exhortent les sociétés à recourir dans leur stratégie marketing aux influenceurs. Mais le scandale du «Futur Gate» ouvre les yeux sur la nécessité d’un encadrement juridique du métier d’influenceur.
Partenariat avec les influenceurs : que dit la loi ?
«Le marketing d’influence est une pratique très vaguement abordée par la loi algérienne, comme dans beaucoup d’autres législations. Elle est cependant reconnue comme un métier à part entière. Cette activité répandue aujourd’hui dans tous les pays du monde, est assimilée à celle de l’entrepreneuriat, puisqu’elle induit une véritable stratégie de communication et surtout de marketing», souligne la start-up Legaltech, éditrice de la plateforme legal-doctrine.com.
Il est difficile de déterminer à partir de combien de «vues» ou de «likes» ou d’abonnés une personne peut être qualifiée d’influenceur devant répondre à un régime particulier qui le différenciera d’un simple internaute lambda. La loi algérienne ne détermine pas non plus de seuil et reste muette sur ce sujet pour le moment. Cependant, en pratique, le statut d’influenceur est traditionnellement obtenu à partir de 1000 à 10 000 followers (internautes suiveurs) sur le profil de la personne suivie, précise la même source.
Les influenceurs bénéficient, désormais, d’un statut légal reconnu. Le Centre national du registre du commerce (CNRC) a ajouté, en avril 2021, une nouvelle nomenclature d’activité permettant à cette catégorie de créateurs de contenus, sur les différents réseaux sociaux, d’exercer leur activité dans un cadre légal et régi par les lois.
Le métier reste insuffisamment encadré par la législation qui a omis de faire référence à plusieurs points, tels que le manque de détermination de la relation contractuelle entre les influenceurs et les marques, la rémunération et le régime fiscal. Certaines publicités peuvent faire l’objet d’arnaques et d’escroqueries de tout genre, si elles ne sont pas bien encadrées.
S’exprimant sur le sujet dans une récente déclaration, l’expert algérien dans le domaine des technologies de l’information et de la communication, Younes Grar, a déclaré, pour sa part, que les influenceurs qui sont suivis par des millions d’internautes en Algérie et qui gagnent de l’argent grâce à leurs activités «n’ont aucun statut juridique» et que «leur activité commerciale n’a pas de présence explicite».
Les lois américaines obligent les influenceurs à divulguer combien ils sont payés et à écrire que le contenu qu’ils diffusent est sponsorisé par telle ou telle entreprise, tandis qu’en Grande-Bretagne, il existe un accord volontaire pour que les influenceurs se conforment aux règles en vigueur sur «la protection des consommateurs».
Il existe de nombreuses études sur le degré de confiance vis-à-vis des influenceurs. Les avis divergent, mais en général, la majorité indique qu’il existe toujours un certain degré de confiance entre les influenceurs et leurs abonnés et une demande accrue de la part des entreprises dans les domaines du marketing.
Les influenceurs sont de plus en plus souvent payés par des marques pour faire la promotion de leurs produits en vidéo. Parmi les produits mis en avant, on retrouve principalement des vêtements, des gadgets électroniques et des produits de beauté, mais aussi quelques arnaques.
Colis jamais livrés ou produits non homologués qui ne sont pas conformes à la photo. L’utilisation croissante des réseaux sociaux a permis aux influenceurs d’apparaître au-devant de la scène : ils ont un ou plusieurs comptes et gagnent des dizaines de milliers de followers, et ils se caractérisent surtout par leur capacité d’influencer et de persuader le public.
Compte tenu de la baisse de l’audience de la télévision et de la radio, la publicité via ce média est devenue quelque peu inutile, en particulier les produits destinés aux jeunes et aux adolescents qui ont tendance à utiliser le multimédia, les appareils intelligents et internet, et à partir de là, de nombreuses entreprises ont eu tendance à faire de la publicité via les réseaux sociaux.
L’influenceur teste directement le produit et tente de convaincre ses followers de sa qualité et de la nécessité de l’acheter. Certains pensent que l’influenceur numérique est désormais en concurrence illégale avec les agences de publicité, légalement actives, qui paient des impôts et disposent d’un registre du commerce, et en concurrence avec les chaînes médiatiques qui sont les premières touchées par le phénomène.
La publicité doit passer par des étapes juridiques, dont la première est la signature d’un contrat légal entre la société propriétaire du produit et l’influenceur numérique, contenant le sceau des deux parties et si le montant est important, il doit être payé via un compte bancaire ou postal, pour contrôler les transactions et en déduire la taxe.
L’activité de l’influenceur sur les réseaux sociaux est une profession encadrée légalement, mais seulement en théorie. Les vides juridiques existants favorisent la circulation de fonds importants en dehors des cadres légaux.