L’Agence note que Benyamin Netanyahu a fait pratiquement le consensus contre lui, en Israël et ailleurs, au fil des près des plus de cinq mois de guerre contre la bande de Ghaza.
La Central Intelligence Agency (CIA) estime que la carte Netanyahu à la tête du gouvernement israélien est consommée et que la passibilité de le voir camper plus longtemps les premiers rôles politiques au sommet de l’Etat hébreu est de moins en moins «viable».
Dans son rapport annuel sur les menaces sur la sécurité nationale des Etats-Unis – le rapport, dont un segment non secret a été présenté lundi dernier devant les membres du Congrès – série chaque année les risques et menaces dans le monde susceptible de représenter un danger pour la première puissance internationale, en s’appuyant sur un dense réseau de renseignements.
Selon des médias spécialisés, c’est la première fois que la communauté du renseignement américain lève le caractère confidentialité sur des contenus critiques envers Israël et son personnel politique de premier plan.
Une démarche pas du tout appréciée à Tel-Aviv, selon des médias israéliens. Ledit rapport, selon de larges extraits repris par la chaîne CNN, note que Benyamin Netanyahu a fait pratiquement le consensus contre lui en Israël au fil des près des plus de cinq mois de guerre déclenchée contre la bande de Ghaza, même si la société adhère en majorité à l’objectif d’«anéantir le Hamas».
Le Premier ministre israélien, dont la cote de popularité n’était pas au beau fixe avant les attaques du 7 octobre, a essuyé des critiques nombreuses et sévères pour l’incapacité de son gouvernement à anticiper l’offensive du Hamas et à lui faire face.
Les critiques sont par ailleurs de plus en plus nombreuses concernant la manière de mener la guerre depuis plus de cinq mois et les doutes tout aussi nombreux sur la possibilité de réaliser ses objectifs. En l’occurrence, l’Agence de renseignement américain ne croit pas trop, pour sa part, à la possibilité d’un anéantissement des capacités d’action du Hamas.
Le document reprend sur ce chapitre ce qui est présenté comme le point de vue de l’administration américaine s’agissant de la lutte contre le «terrorisme», à la base des expériences de lutte contre l’organisation de l’Etat islamique (EI) et Al Qaïda, et selon lequel des ripostes disproportionnées et n’épargnant pas suffisamment les civiles représentaient les meilleurs moyens d’élargir les bases de recrutement des organisations combattues.
Joe Biden avait lui-même conseillé, il y a quelques mois, ses protégés israéliens de ne pas commettre «les erreurs» commises par les Etats-Unis dans leurs interventions en Irak et ailleurs. Les massacres de civils palestiniens se sont, cela dit, poursuivis à Ghaza et cela n’a pas empêché l’administration américaine de continuer à fournir des munitions et des armes à la machine de guerre israélienne.
Lobbying toujours aussi puissant
En tout état de cause, le récent rapport de la mythique CIA suggère que la «menace terroriste» non seulement n’est pas écartée par la guerre contre Ghaza et ses méthodes, mais qu’elle déborde désormais pour s’étendre jusqu’aux Etats-Unis, allié inconditionnel de Tel-Aviv, où l’on signale une augmentation substantielle du risque attentat.
Le scepticisme à l’égard de la capacité de Netanyahu à gouverner s’est aggravé et élargi dans l’opinion publique par rapport aux niveaux déjà élevés d’avant la guerre, statue le rapport de la CIA en substance, ajoutant que le scénario de grandes manifestations exigeant sa démission et de nouvelles élections était plus que plausible à court et moyen terme.
La conclusion table sur l’émergence d’un gouvernement moins extrémiste à Tel-Aviv. Ceci se croise encore avec une préférence née au sein de l’administration américaine, en décembre dernier, sur la nécessité de démanteler l’attelage d’extrême droite qui est aux manettes en Israël pour permettre une marge de manœuvre moins minée pour Washington dans la région du Moyen-Orient.
La présentation du rapport lundi dernier au Congrès a été perçue comme une nouvelle séquence de la tension qui caractérise les relations entre la primature israélienne et la Maison-Blanche depuis des semaines.
La démarche de la CIA a bien entendu fortement déplu à Tel-Aviv : un ministre de l’extrême droite a ainsi répliqué qu’il était attendu des Etats-Unis de démanteler le Hamas et pas le gouvernement israélien.
Le lendemain, Benyamin Netanyahu s’adressant à une réunion des délégués de l’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee), puissant lobby américain créé en 1963 pour soutenir Israël, a signifié, dédaigneux, qu’il ne prêtait pas beaucoup d’attention à l’histoire du désamour présumé de la Maison-Blanche à son égard.
«L’écrasante majorité des Américains et du Congrès sont à nos côtés», a-t-il lancé dans une pique que des médias ont interprétée comme s’adressant en premier lieu à Joe Biden.
La séquence résume parfaitement la conjoncture, ainsi que la nature des liens entre l’Etat hébreu et la puissance américaine. Les acteurs strictement politiques et institutionnels peuvent bien marquer des distances avec les options prises à Tel-Aviv, la puissance des réseaux de lobbying pro-israélien sont là pour en neutraliser les effets.