Au plan international, l’engagement de l’Algérie en faveur de la préservation des ressources récifales en Méditerranée est perceptible.
Ces dernières années, s’est considérablement accrue la mobilisation des pays méditerranéens pour la protection des écosystèmes coralliens, la sauvegarde de la biodiversité ainsi que pour une gouvernance multi-échelle et une gestion durable des récifs de corail, eu égard aux dommages irréversibles qui leur sont causés par l’homme.
Vient, en effet, d’entrer en vigueur la décision d’interdiction de toutes formes de pêche de fond, y compris la pêche destructrice, comme le chalutage de fond, dans une zone de 400 km2 autour du Banc de Cabliers, un mont sous-marin situé dans la mer d’Alboran, entre l’Espagne et le Maroc.
Cette décision où, est-il utile de le souligner, le leadership de l’Algérie, du Maroc et de la Commission européenne a, «particulièrement, été salué» par Oceana, la plus grande Organisation internationale de conservation marine ayant pour but la protection des océans, a été prise lors de la 46e réunion annuelle de la Commission générale des pêches pour la Méditerranée (CGPM), tenue début novembre 2023 à Split, en Croatie.
L’enjeu majeur étant de protéger le Banc de Cabliers, «le seul récif corallien d’eau froide connu qui continue de croître en Méditerranée et étudié pour la première fois par Oceana».
Le caractère unique, la richesse de la biodiversité et la forte biomasse halieutique présentes autour de ce monticule de corail, vieux de plus de 400 000 ans, sera confirmé au terme de la campagne internationale de recherche, menée il y a tout juste une année -début mars 2023-, par le Conseil national espagnol de la recherche (ICM-CSIC).
D’où la nécessité impérieuse de le protéger à travers la décision de la CGPM qui œuvre à «promouvoir, dans la Méditerranée et la mer Noire, la mise en valeur, la conservation, l’aménagement rationnel et l’utilisation optimale des ressources marines». Laquelle décision, apprendra Oceana Europe, devrait être suivie d’une autre expédition de recherche internationale, prévue avant la fin de l’année en cours, aux fins de «contribuer à définir une zone de fermeture permanente, de façon à ce que la CGPM adopte enfin une zone de pêche à accès réglementé (FRA) en 2024».
Si au plan international, l’engagement de l’Algérie en faveur de la préservation des ressources récifales en Méditerranée est perceptible et son leadership d’influence au sein de la CGPM, dont elle fait partie des 23 Etats membres, est, aujourd’hui, affirmé, qu’en est-il des préparatifs aux plans législatif, administratif et techniques, en vue de la levée de l’interdiction de la pêche au corail ?
Qu’en est-il aussi des dispositions prises pour la mise à l’abri de nos récifs coralliens de ce qui s’apparente à un carnage écologique dont ils sont victimes, depuis au moins deux décennies ? Les conséquences en étant lourdement ressenties ici mais également de l’autre côté de la Méditerranée.
En effet, à en croire des océanologues associés au projet Enact du Programme des Flux Illicites Globaux de l’Union européenne, visant à réduire l’impact de la criminalité́ transnationale organisée sur le développement, la gouvernance, la sécurité́ et l’état de droit en Afrique, au moins 15 tonnes de corail rouge illégalement récoltées ont été saisies, du début des années 2000 à 2023, par les services des garde-côtes algériens.
Trois tonnes font, bon an, mal an, l’objet d’un trafic au départ de l’Algérie pour être revendues, après un court transit par la Tunisie, à Torre del Greco, ville italienne, située près de Naples, point de chute des récoltes de corail rouge issu des quatre coins du monde.
Outre les lourdes conséquences économiques, les dangers latents auxquels de telles pratiques exposent l’écosystème et l’humain sont, aujourd’hui, bien réels : «Jusqu’à 2 millions d’espèces vivent dans les récifs coralliens.
Un corail mal prélevé ou le non-respect de sa zone de vie entraîne des conséquences désastreuses pour le corail lui-même mais aussi pour l’ensemble des espèces végétales et animales qui s’épanouissent à sa périphérie.
En bonne santé, les récifs coralliens peuvent protéger les communautés contre les conséquences des changements climatiques, comme l’érosion des côtes, les inondations et les ouragans mortels», s’accordent à estimer les scientifiques.
Cette fois-ci sera-t-elle la bonne ?
Quelle est la date exacte de laquelle ont convenu les autorités nationales pour la reprise de l’exploitation des ressources corallifères et mettre ainsi un terme aux actes de prédation sauvage ? Personne ne le sait, y compris à l’Agence nationale de développement durable de la pêche et de l’aquaculture (ANDPA), mise en place dans cette perspective en 2020.
Plus d’une fois différée pour des raisons inexpliquées, «avant fin 2012, avant fin 2014, avant fin 2015, avant fin 2016, avant fin 2017,.., début 2021», s’engageaient, vainement, les responsables du département de la pêche, la reprise ne serait, désormais, plus un vœu pieux. «Cette fois-ci sera la bonne», assurent des membres de l’Association des plongeurs professionnels de Annaba (APPA) qui compte aujourd’hui une dizaine de corailleurs, contre une soixantaine des années auparavant.
Les textes d’application déjà prêts et les préparatifs techniques finalisés, la relance effective devrait, officiellement, intervenir début 2024, ont encore annoncé les officiels.
Interrogé à ce propos, fin février dernier, au forum quotidien «Echaab», le ministre de la Pêche et des Productions halieutiques, Ahmed Badani, avait déclaré que l’opération requérait «la disponibilité des chambres hyperbares», que son département «s’est employé à assurer, à travers des actions pluridisciplinaires et intersectorielles, toutes les conditions nécessaires pour une prise en charge adéquate des plongeurs» et qu’«une réunion interministérielle sera tenue prochainement pour statuer sur ce dossier».
Or, d’après des sources proches de l’ANDPA (Ain Assel, El Tarf), les chambres hyperbares en question seraient déjà disponibles et prêtes à être opérationnelles. «Il y a déjà eu l’acquisition de trois chambres hyperbares. Deux d’entre elles ont été installées au niveau des hôpitaux d’Alger et d’Oran.
Pour Annaba, l’appel d’offres y afférent, annulé en décembre 2023, pour non-conformité au cahier des charges, a été relancé récemment et est en cours». De leur côté, certains plongeurs de l’APPA, affirment que «la chambre hyperbare d’Oran est déjà opérationnelle. Celles d’Alger et de Annaba ont été acquises mais attendent la mise en service».
Ce type d’installations médico-techniques de décompression, particulièrement destinées à secourir les plongeurs victimes d’accidents en grandes profondeurs, et dont l’Algérie a décidé de se doter, est plus que vital.
Au moins une dizaine de décès et plusieurs graves accidents ont été recensés parmi les plongeurs corailleurs professionnels et des braconniers surtout, selon d’autres sources de l’Ecole de formation technique de la pêche et d’aquaculture (EFTPA) d’El Kala (wilaya d’El Tarf).
L’école qui a relancé, à travers le dégel du budget spécial, initialement affecté, en 2017, la formation de plongeurs, intéressés par la pêche professionnelle du corail, devrait acquérir, dans quelques semaines, un grand navire, en construction à Bouharoun, exclusivement dédié à cette activité et devant être doté de son propre caisson hyperbare.
C’est dire que les pouvoirs publics n’ont, apparemment, pas tort en décidant de fixer, de manière plus stricte et rigoureuse, les nouvelles modalités et conditions de pêche au corail, axées sur «la durée, les moyens utilisés, les périodes, les normes scientifiques et techniques relatives à la nature du corail ainsi que les plongeurs professionnels chargés de la pêche et de la formation», et en mettant les garde-fous nécessaires, avant de donner le coup de starter à la ruée vers l’or rouge qui se profile à l’horizon.
D’autant que notre pays dispose du plus important gisement de corail rouge à l’échelle méditerranéenne. Pas que. Le corail rouge issu de nos profondeurs est fortement prisé ; en termes de qualité, il serait même l’un des meilleurs au monde.