Il y a soixante-dix ans en France : Six Algériens tués un 14 juillet

10/07/2023 mis à jour: 08:33
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Photo : D. R.

En 1953, lors du défilé du 14 juillet, des militants algériens portent des slogans pour l’indépendance. A la fin du cortège, des policiers chargent. Six nationalistes sont tués par balles ainsi qu’un syndicaliste français. On commémore cette année le 70e anniversaire.

Depuis 1936 et jusqu’en 1953, la fête nationale du 14 juillet était marquée par des défilés populaires dans Paris, entre la place de la Bastille et la place de la Nation. La gauche communiste et syndicale célèbre la fête nationale, comme c’est la tradition chaque année. Derrière les organisations françaises des centaines d’indépendantistes algériens marchent sous leur bannière et leurs slogans dont celui demandant la libération du leader Messali Hadj.

Quand ils arrivent place de la Nation, des policiers demandent le retrait du drapeau algérien et des mots d’ordre indépendantistes. Après des péripéties, ils chargent. Des tirs interviennent, tuant six manifestants algériens, ainsi qu’un militant de la CGT*. Et des dizaines de personnes sont blessées dont 40 par balles.

Une plaque commémorative apposée en 2017

Des historiens comme le regretté Maurice Rajsfus, journaliste et écrivain, dans son exceptionnel livre «1953, un 14 juillet sanglant» (2003 réédité en 2021 aux éditons du Détour) et le documentaire suivi d’un livre «Les balles du 14 juillet 1953» par Daniel Kupferstein, ont sorti le «carnage» de l’oubli. 

Une plaque commémorative a été posée par la mairie de Paris en 2017 et chaque année, à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme, un collectif rend hommage aux victimes.

Cette année 2023, l’hommage est plus marqué car ce 14 juillet marquera le 70e anniversaire de cette répression sanglante, moins de dix ans après les massacres du 8 mai 1945 et à quelques mois du déclenchement de la lutte de Libération nationale algérienne le 1er novembre 1954. Depuis le mois de juin, les événements commémoratifs se sont succédé avec des débats et des projections.

L’aboutissement sera le 13 juillet à Paris la commémoration devant la plaque, place de l’Île de la Réunion en présence des familles de victimes, «une commémoration spectaculaire», annonce le collectif organisateur. La maire du 12e arrondissement parisien, des historiens et des militants prendront la parole. 

L’avocat Arié Alimi prononcera le réquisitoire qui «dénonce le scandale de l’impunité : comment instruire le procès d’un procès qui n’a pas eu lieu, quelles conséquences de l’absence de justice ?»

Une exposition sera présentée, retraçant ce drame de la colonisation : «Elle a vocation à illustrer cet évènement. Elle se veut être un outil pédagogique surtout auprès des jeunes générations. Elle restera plusieurs jours au kiosque place de la Nation et pourra être réutilisée à des moments opportuns», expliquent les organisateurs. 

A 20h15 lecture théâtralisée des débats à l’Assemblée nationale du 15 juillet 1953 sur cette manifestation.

Ce sera au kiosque place de la Nation, interprétée par des comédiens et des adhérents de la LDH et mise en scène par le metteur en scène Patrick Karl : «Le débat houleux entre la gauche, la droite et l’extrême droite, qui 70 ans après ne perd pas de son acuité et de son actualité», précise le communiqué du collectif. De 22 h à minuit, une animation musicale suivra pour clôturer la soirée au kiosque place de la Nation.

L’appel à reprendre les défilés du 14 juillet

Ces manifestations, initiées au moment du Front populaire (1936), voyaient les organisations syndicales, associatives et politiques françaises défiler dans les rues, tous les 14 juillet «en l’honneur de la Révolution française et pour défendre ses idéaux qui étaient régulièrement attaqués notamment par les Ligues d’extrême droite. Ces défilés ont été très importants pendant le Front populaire et évidemment interrompus par le gouvernement de Vichy pendant l’occupation nazie.

Ils ont repris après la guerre, jusqu’en 1953», indique un appel à manifester le 14 juillet «pour les valeurs de la République». En effet, celui de 1953 fut le dernier autorisé après «un massacre d’État, jamais reconnu» contre les manifestants algériens. 

A Paris, ce 14 juillet 2023, rendez-vous est pris pour le premier rassemblement le 14 juillet 2023 à 11 heures. Dans le même temps, dans plusieurs villes dans le pays, des pique-niques et regroupement conviviaux sont prévus.

L’appel situe ces rendez-vous dans le contexte actuel notamment des émeutes et de la critique des violences policière et du racisme : «Les valeurs républicaines, exprimées par cette devise Liberté-Egalité-Fraternité sont aujourd’hui bafouées. La liberté est de plus en plus limitée par des interdictions de manifester, un contrôle accru des citoyens et citoyennes, des violences policières très souvent impunies ou encore par des agressions de locaux militants et la répression patronale. L’égalité est de plus en plus mise à mal par l’augmentation des écarts entre riches et pauvres mais aussi par les discriminations envers les populations issues de l’immigration coloniale ou encore la poursuite des inégalités entre hommes et femmes.

La fraternité, enfin, est violemment remise en cause par des débordements de haine raciale contre les personnes migrantes, en particulier les demandeurs d’asile qui fuient les guerres, la faim ou des régimes dictatoriaux au péril de leur vie mais aussi contre ceux et celles qui veulent les aider, pour citer quelques exemples». 

Parmi les très nombreux signataires, citons l’association Histoire coloniale et postcoloniale, l’association Josette et Maurice Audin, l’Institut Tribune Socialiste, Les Amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons ou encore Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples.

LA LISTE DES MARTYRS

Abdallah Bacha (né en 1928 –Alger) ;

Larbi Daoui (1926 – Oran) ; 

Abdelkader Dranis (aucune précision) ; 

Mohamed Isodore Illoul (1933 –Constantine) ; 

Medjen Tahar (1927  - Alger).

Ainsi que le syndicaliste des métaux de Paris, Maurice Lurot.

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