Treize villages répartis sur 195 km de montagnes pour une population qui avoisine les 11 000 âmes. C’est Ighil-Ali chef-lieu de commune et de daïra à la pointe sud de la wilaya de Bejaia. Cette cité médiévale fondée il y a plusieurs siècles a longtemps été une place commerciale réputée pour le travail de ses orfèvres et de ses armuriers.
Une importance qui lui a valu d’être érigé en centre administratif très tôt, en 1946 pendant la période de la colonisation. «La forêt constitue 70 % de la superficie de la commune et pratiquement tous nos village n’ont pas de route digne de ce nom», explique d’emblée Amirouche Hafsi, fraîchement élu président de l’APC en décembre dernier.
Bien avant de s’engager pour ces nouvelles responsabilités, ce chercheur en sciences politiques et relations internationales, détenteur d’un doctorat en sciences politiques, connaissait tous les manques en matière d’organisation et de moyens dont souffrent les communes enclavées de la région comme Ighil-Ali, Ait Rzine et Boudjellil, éternels oubliés du développement car situés trop loin du chef-lieu de wilaya. «Pour tout résumer, disons que nous manquons de tout mais spécialement d’infrastructures pour les jeunes, d’aides pour l’agriculture de montagne et pour développer des projets liés au tourisme car la commune dispose d’un fort potentiel touristique», dit-il.
Avec ses villages anciens, joyaux d’architecture kabyle authentique et l’historique cité de la Qalaa nath Abbes, la région peut devenir un pôle touristique important. Pour rappel, au 15e siècle, la Qalaa nath Abbes a été la capitale d’un royaume qui a longtemps défié les Ottomans. Son histoire, le fait qu’elle renferme le tombeau d’un héros national en la personne d’El Mokrani, martyr et leader de l’insurrection de 1871, son site pittoresque de forteresse érigée au sommet d’une montagne font qu’elle reçoit régulièrement des groupes de visiteurs et de touristes.
Elle pourrait bien devenir un pôle touristique important pour peu que la route qui y mène soit un jour praticable. Par ailleurs, les casbahs de montagne à l’architecture typique de la région comme Ighil-Ali, Tazayart, Qalaa, Azrou, Moka, Aydassen, etc., sont un indéniable atout pour le tourisme durable qu’il faudra un jour valoriser. «La commune a un besoin de routes. Actuellement, l’urgence est le revêtement pour 37 kilomètres car nos villages se situent presque tous loin de la route principale et n’ont pas d’accès.
A titre d’exemple, Tazla, Belayel, El Qalaa ont bénéficié de projets mais ils sont restés dans le tiroir jusqu’à présent. A cela, il faut ajouter le chef-lieu de commune dont les routes ont été complètement défoncées par l’arrivée du gaz de ville et la réfection du réseau d’AEP. Nous sommes en train de rafistoler avec les modestes moyens de l’APC», dit Amirouche Hafsi. En réalité, il est aisé pour le visiteur de constater que le chef-lieu est laissé à l’abandon.
Les routes défoncées, les trottoirs absents ou squattés, le stationnement anarchique et il y a un manque flagrant d’aménagement. «Tout reste à faire. Nous réfléchissons à une opération d’aménagement et d’embellissement du chef-lieu et de ses quartiers en créant des espaces verts, des fontaines publiques, en pavant les ruelles. Cela se fera avec le concours du mouvement associatif bien entendu», dit encore le jeune P/APC.
Un CET pour les trois communes des Ath Abbes
Au chapitre de l’environnement, le grand problème des déchets ménagers que connaît la commune depuis des années n’a toujours pas été résolu. «Nous sommes toujours contraints d’évacuer nos ordures au CET d’Ahnif. C’est loin et cela nous coûte beaucoup d’argent. Il faut absolument trouver une solution car avec nos 195 kilomètres carrés, on se doit de trouver un site pour la construction d’un centre d’enfouissement technique et pour cela nous devons sensibiliser la population sur ce point quitte à faire des conférences», dit-il. Jusqu’à présent et depuis des années, tous les sites proposés pour la réalisation d’un CET se sont heurtés à l’opposition d’une frange de citoyens.
Comme dans les communes environnantes de Boudjellil et Ait Rzine. L’idéal selon notre interlocuteur est que les responsables des trois communes relevant du «aarch nath Abbes» se rencontrent pour essayer de dégager un lieu commun pour ce fameux CET dont l’absence est en train de transformer la région en un vaste dépotoir et en décharge à ciel ouvert. «Mieux, les deux daïras, Tazmalt et Ighil-Ali, dont relèvent les communes de Boudjellil, Ath Mellikeche, Tazmalt, Ighil-Ali et Ait Rzine, peuvent très bien associer leurs efforts et trouver une solution globale pour leurs déchets ménagers. Les pouvoirs publics se doivent de trouver une solution aux communes du sud de la wilaya de Bejaia qui sont à très forte densité de population», dit-il. Le problème de l’environnement se pose aussi à «Adrar», la montagne qui surplombe la commune.
L’absence de poubelles et de bacs à ordures fait que les abords des routes, des villages, des champs et même des écoles croulent sous les ordures et les bouteilles d’eau et de bière. «Sur le plan des infrastructures sportives, le stade communal en cours de réalisation ne sera malheureusement pas homologué faute de vestiaires et de gradins», dit le P/APC. Le fait est que le budget actuel ne permet pas de construire des gradins et des vestiaires.
«Nous avons donc besoin d’une rallonge budgétaire pour finir le stade sinon il ne sera pas homologué et notre équipe communale ne pourra pas y recevoir. Selon la fiche technique que nous avons établie, les travaux d’achèvement nécessitent une enveloppe de plus de 5 milliards de centimes», dit-il encore. Il serait également judicieux aux communes de Boudjellil et Ighil-Ali de s’associer pour aménager le stade d’Ath Wihdane, idéalement situé en altitude et en forêt. Ce serait un plus pour toute la région.
infrastructures absentes ou inachevées
«En matière d’infrastructures sportives, les pouvoirs publics nous ont également promis la réalisation d’une salle omnisports. On a préparé une assiette de terrain à Ighil Wenres mais rien n’a été fait encore. On attend également les stades de proximité pour les villages», dira le maire. L’attente et le blocage sont les deux états qui caractérisent presque tous les projets de la commune. Les travaux du marché couvert, au centre-ville, sont également à l’arrêt depuis deux ans et nécessitent une rallonge budgétaire pour la finition. Le siège de l’APC est dans le même état et nécessitent une rallonge budgétaire pour l’achèvement.
Il y a quelques années, Ighil-Ali a bénéficié d’une annexe de CFPA au lieu-dit les «12 classes», mais, depuis, aucune amélioration n’est venue apporter un plus. Les classes sont dans un état de quasi abandon, pas de nouvelles sections ni nouvelles formations ni nouveaux matériels. Les garçons et filles de la région qui désirent acquérir une formation quelconque doivent aller en ville dans les centres de formation privés ou étatiques. Concernant l’habitat, la commune n’est guère mieux lotie.
Le projet des 24 logements RHP (Résorption de l’habitat précaire), en cours de réalisation à Ighil Ali dans le but d’éradiquer les logements vétustes du lieu-dit «la Cité», est à l’arrêt depuis 2015. «Cela nécessite de revoir les prix car tout a augmenté et à chaque ouverture des plis des appels d’offres les soumissions s’avèrent infructueuses.
L’argent du projet est bloqué et l’État se doit d’intervenir pour trouver une solution», se désole encore le P/APC. Le projet des 50 logements LPA, quant à lui, va être débloqué incessamment puisque le promoteur est connu et l’assiette de terrain vient d’être intégrée dans les domaines publics. «Même les 50 logements LPA d’Aït Rzine vont peut-être être réalisés sur le même site», précise-t-il.
Concernant les 100 logements en cours de réalisation à Boni, le problème du manque de locaux commerciaux se pose avec acuité. «On pourrait recevoir une vingtaine de logements à réaliser sur le même site. On espère que cette fois-ci, ils seront pourvus de locaux commerciaux», dit-il. Implanter des immeubles d’habitation dans un lieu désertique où la seule infrastructure existante est une station-service renseigne sur la vision d’ensemble de ceux qui décident de tels projets.
Le futur d’Ighil-Ali passe par la nouvelle ville de Boni
«Je pense que l’extension d’Ighil-Ali qui souffre de manque de terrains passe obligatoirement par Boni. Le problème que nous rencontrons là-bas est vis à vis de l’administration des forêts qui refuse de nous céder des terrains, même pour des équipements publics. Nous espérons qu’ils feront preuve d’un peu plus de compréhension car nous sommes bloqués et nous n’avons pas d’autre alternative», dit-il.
Malheureusement, c’est au moment ou l’administration des forêts se montre intransigeante vis-à-vis de la commune que l’on assiste à de multiples opérations de défrichement de larges parcelles de la forêt par des privés qui les accaparent au vu et au su de tous.
«Nous avons également l’intention de développer un tant soit peu le solaire, du moins pour l’éclairage public et les écoles pour être moins dépendants de la Sonelgaz auprès de laquelle nous avons 3 milliards de dettes, et qui menace de nous couper le courant», précise-t-il.
Pour l’alimentation en eau potable, Ighil-Ali attend d’être raccordée au réseau du barrage de Tichy-Haf dans le cadre des 6 communes du Sahel si toutefois ce barrage ne soit pas à sec cet été à cause de la sécheresse Les travaux y sont à près de 65% d’achèvement pour la commune d’Ighil Ali mais ils accusent beaucoup de retard ailleurs car, comme d’habitude, il y a des oppositions.
A moins de réaliser un barrage sur le cours de Tassift de Tigrine ou Tassift de Belayel si les services de la direction de l’hydraulique veulent bien se déplacer pour prospecter ces sites.
«En été, nous sommes obligés d’alimenter le village de Belayel avec des citernes et je dois dire que le budget de la commune est consacré presque entièrement à la gestion des ordures ménagères et de l’eau potable», conclut Amirouche Hafsi.