La Covid-19, par le truchement de ses deux variants, Delta et Omicron, continue de contaminer un nombre considérable de personnes à Oran et de facto à faucher plusieurs vies.
Les deux structures sanitaires dédiées à la lutte contre la propagation du virus, à savoir l’hôpital 240 lits de Chteibo et celui de 60 lits d’El Kerma, sont quasi saturées, et ce, depuis plusieurs semaines. A l’hôpital de Chteibo, le personnel soignant reçoit une moyenne de 150 consultations par jour, la plupart venant avec des symptômes avérés de Covid-19.
Le Dr Sabrina Benissad, médecin pneumologue travaillant au sein de cette structure, a bien voulu nous donner quelques éclaircissements. Pour elle, il y a quelque chose d’assez particulier avec le pic que nous sommes en train de vivre actuellement. Il faut savoir, pour schématiser, qu’auparavant, depuis le début de la pandémie, la courbe a toujours été claire : ça commence par une augmentation de la consultation avant que la hausse des hospitalisations suive.
«Ce qui est particulier dans cette quatrième vague, c’est qu’il y a eu augmentation de la consultation vers fin novembre, ensuite augmentation des cas d’hospitalisation, par la suite explosion des cas d’hospitalisations, et enfin saturation (là, on est à fin novembre). Normalement, il y a une baisse de la consultation et s’ensuit celle des hospitalisations (ça descend ensemble).
Là, ce qui est très particulier, c’est qu’on a eu saturation puis une baisse des deux, puis une réascension des cas de consultations, mais pas celle des admissions», développe-t-elle. Depuis une semaine, explique le Dr Benissad, on observe une augmentation de la consultation, mais sans hausse des cas d’hospitalisation.
Cela va dire qu’il y a une possibilité qu’on est dans le chevauchement de deux épidémies, celles du Delta et de l’Omicron (comme c’est arrivé lors du troisième pic en France entre le Delta et l’Alfa). «Il y a en fait deux possibilités, souligne le Dr Sabrina Benissad, ou bien que ça serait la cinquième vague qui commence ou bien c’est l’Omicron qui gagne du courant, lui qui est connu pour son fort potentiel contaminant mais de moindre sévérité, ça pourrait être ça.»
Et de rappeler qu’au début de cette vague, on avait plus de Delta, donc toujours beaucoup de cas sévères, «mais là on constate beaucoup de cas, mais un peu moins de cas sévères, même si c’est trop tôt pour en attester, parce que ça ne fait qu’une semaine qu’on a observé cette ré-augmentation des cas. Donc, il est possible qu’on aille vers une grosse épidémie, parce que la situation, en terme épidémiologique est aussi inquiétante qu’en été.
Cependant, pour l’instant, les cas d’admission ne suivent pas. Ou bien c’est juste un décalage de deux semaines (entre le début de l’explosion des contaminations puis le début de l’explosion des hospitalisations, parce que c’est la deuxième semaine qu’on commence à avoir des problèmes) ou bien c’est un virus qui est moins virulent». Actuellement, l’hôpital de Chteibo est saturé à 90% et les lits de réanimation sont constamment occupés depuis 3 mois.
Par contre, seulement 10% des patients hospitalisés sont vaccinés, les 90% restants ne le sont pas. «Sachant que 39% de la population d’Oran sont vaccinés et que vous avez que 10% de gens hospitalisés vaccinés, on peut déduire qu’effectivement, il y a une protection. Elle est certes imparfaite, mais elle n’est pas négligeable», dit le Dr Benissad. Par ailleurs, l’hôpital de Chteibo déplore une moyenne de 5 à 6 décès par jour.
Pour la question de l’oxygène, là encore, il faut savoir que la situation n’est pas la même qu’en été. Le Dr Benissad explique : «Entre la citerne d’oxygène et l’oxygène qui arrive au patient, il y a plusieurs éléments. D’abord, la citerne elle-même, il faut qu’elle soit remplie et la tuyauterie doit acheminer l’oxygène au patient sans compter les manomètres d’oxygène, ces appareils branchés aux patients.
Les citernes sont bien remplies à présent, il n’y a plus du tout de problème de production par rapport à l’été, l’approvisionnement est régulier, suffisant en quantité d’oxygène. Par contre, le problème réside dans les baisses de pression. Imaginez un système de robinetterie dans un hôtel où on s’amuserait à ouvrir tous les robinets en même temps. Il y aurait forcément une baisse de pression de votre eau.
C’est le cas dans les centres Covid, où vous avez des structures qui n’ont pas été conçues pour avoir tous les robinets ouverts d’un coup et qui se retrouvent justement à l’être, car il y a beaucoup de malades.
Quand on dépasse un certain nombre de patients, les normes ne sont plus respectées en terme de pression, et comme le soir les besoins en oxygène des patients commencent à augmenter, c’est la psysio-pathologie de la maladie, c’est le soir qu’on se sent le plus mal, donc on a tendance à augmenter un petit peu le débit pour chaque malade et les pressions baissent.
On met trop de malades au même endroit, on avait suggéré de multiplier les centres d’accueil au lieu de tous les placer au même endroit pour diminuer la charge sur les mêmes sites», soutient-elle en conclusion pour finir.