Peut-on considérer le ramadan comme une détox ?
Le jeûne est effectivement reconnu pour aider à détoxiquer le corps. N’oublions pas que le foie a pour fonction de nettoyer le corps. Il devient fatigué, voire malade lorsqu’il y a trop de nettoyage à faire et qu’il ne peut plus nettoyer lui-même. Avec le jeûne, il y a détoxination du corps. Il n’y a plus de toxines qui arrivent par le tube digestif. Par ailleurs, le jeûne peut aider à éliminer la graisse corporelle, tout en préservant voire en augmentant la masse musculaire quand une bonne hygiène alimentaire est observée. Des études scientifiques ont montré que pour bénéficier de ces bienfaits du jeûne, il faut que ce dernier dure entre 16 et 20 heures. La surconsommation durant cette période peut entraîner des complications de santé chez les malades chroniques, car l’appareil digestif est forcé au-delà de sa capacité maximale.
Quelles sont les pathologies que vous avez dû soigner durant le mois sacré ?
Durant le mois de ramadan, quand les mesures d’hygiène alimentaire ne sont pas observées, on peut s’attendre à rencontrer des cas de déshydratation chez les personnes qui oublient de boire abondamment le soir ou qui abusent de café ou de thé, ces boissons ayant un effet diurétique. Cela peut se ressentir par de la fatigue ou parfois même des crampes musculaires. On peut aussi retrouver des hypoglycémies ou des hyperglycémies, surtout quand on abuse de la consommation des sucres rapides.
De même, on peut observer un amaigrissement ou une prise de poids selon les habitudes alimentaires ; des troubles du sommeil, une inversion du rythme jour-nuit avec des conséquences sur la vigilance et l’endurance, de la constipation ou parfois même des coliques néphrétiques chez les personnes prédisposées et qui ne boivent pas assez d’eau. Quant aux personnes souffrant de maladies chroniques, telles que le diabète ou les maladies cardio-vasculaires, et généralement dispensées de jeûner, elles peuvent effectivement voir leur pathologie déséquilibrée si toutefois elles persistent à observer le jeûne contre avis médical. Le jeûne prolongé représente un changement de rythme radical. Le système digestif et les intestins sont mis en pause et adoptent un tout autre mode de fonctionnement.
Une fois le ramadan terminé, beaucoup jeûnent six jours supplémentaires pendant le mois de chawal. Que leur conseillez-vous ?
Il est important de commencer par se réhydrater dès la rupture du jeûne et juste avant la reprise le lendemain en buvant jusqu’à un litre et demi d’eau par jour. Idéalement prendre un verre de lait tiède, cela permet un «ressucrage en douceur» tout en se réhydratant rapidement. Les dattes sont traditionnellement le premier aliment consommé pour rompre le jeûne, car elles sont riches en sucres naturels, en fibres et en potassium. Il est important de rompre le jeûne avec des aliments saints et nutritifs pour éviter les troubles digestifs. Il faut organiser le repas de l’iftar en deux temps pour ne pas «brusquer» le tube digestif par une alimentation copieuse après une période de jeûne longue. Par exemple, après la prise d’un verre de lait avec quelques dattes, observer un temps de latence de 5 à 10 minutes, ne serait-ce que pour aller faire sa prière et reprendre son repas avec une soupe traditionnelle. Je leur conseille également de manger des aliments riches en protéines, en glucides, en vitamines et en minéraux, tout en veillant à boire suffisamment d’eau.
Durant le ramadan, la nourriture était plus riche et abondante qu’en temps normal et surtout consommée à des heures habituellement dévolues au sommeil. Que recommandez-vous pour retrouver un rythme normal ?
Durant le ramadan, on appelle toujours à ce que la nourriture soit variée et donc équilibrée autant que possible et ne pas abuser des boissons excitantes, comme le thé ou le café afin de ne pas trop veiller et ne pas trop diminuer son temps de sommeil. On conseille aussi de manger lentement pour ressentir la satiété sans pour autant manger beaucoup. Et pour diminuer la quantité d’aliments à ingérer, il suffit juste de prendre le repas en 20 à 30 minutes et pas moins. Quand on mange lentement, on mange moins, car on laisse le temps suffisant pour ressentir la satiété. La satiété est ressentie avec la durée du repas et non avec la quantité ingurgitée. Si ces conseils qui précèdent le ramadan sont si importants, c’est pour éviter l’abondance, et le retour à un rythme normal ne sera que plus aisé.
Que préconisez-vous afin d’éviter de possibles maux d’estomac, ballonnements, constipation ou diarrhées post ramadan ?
Manger rapidement, ne pas prendre le temps de mastiquer lentement et suffisamment ses aliments contribue à la mauvaise digestion de ces derniers. A ce moment-là, se crée le processus de fermentation bactérienne. Ce phénomène génère des gaz qui, en s’accumulant, sont responsables de la sensation de ballonnement et de flatulence. Ces troubles digestifs peuvent induire en plus de la fatigue et des maux de tête. Pour éviter la constipation, il faut manger suffisamment de fibres que l’on retrouve dans les légumes et les fruits. Les diarrhées, quant à elles, sont souvent dues à la consommation excessive d’épices pimentées. Enfin, se rappeler toujours que les ballonnements peuvent être dus aussi aux boissons gazeuses consommées sans modération durant le ramadan.
Est-il vrai qu’il faut reprendre progressivement son alimentation pour une durée au moins égale au nombre de jours jeûnés ?
Reprendre progressivement son alimentation après l’Aïd El Fitr est important. Bien que certains préconisent de réintroduire progressivement les différents groupes alimentaires sur une période d’un mois, cela reste du domaine d’une théorie peu partagée, car difficilement mise en pratique. La reprise d’une alimentation normale peut se faire en quelques jours. D’ailleurs, on recommande toujours de prendre un repas très léger avec soupes de légumes, œufs et fruits le premier jour de l’Aïd et éviter la consommation excessive de gâteaux.
Qui dit fin de ramadan, dit retour à la consommation de boissons gazeuses et excitantes, comme le thé ou le café tout au long de la journée. Quelles peuvent être les conséquences sur l’organisme ?
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la consommation excessive de boissons gazeuses, café et thé tout au long de la journée peut créer des désordres digestifs assez incommodants tels que les gaz, ballonnements, flatulence, voire même des troubles du transit. Tout ceci retentira sur l’équilibre général de l’organisme.
Quels sont les aliments qu’il faut privilégier durant ce post-ramadan ?
Il faut réajuster le système digestif sans précipitation. Afin de faciliter la transition vers le régime alimentaire habituel, il faut envisager une reprise modérée. Eviter la consommation excessive de sucres dès le petit déjeuner et limiter les aliments riches en féculents, gras et calories. Privilégier les aliments faciles à digérer : poisson à la place de la viande par exemple. Préférer les légumes cuits aux crus. Sélectionner des fruits mûrs. Limiter les boissons gazeuses, café ou thé et boire beaucoup d’eau, c’est essentiel.
Propos recueillis par Sofia Ouahib