Guerre civile au Soudan : Les combats gagnent Wad Madani, épargnée jusqu’ici par les violences

16/12/2023 mis à jour: 18:16
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Le Soudan est le théâtre d’une guerre par procuration - Photo : D. R.

Depuis le début de la guerre, les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de bombarder des zones résidentielles et de s’en prendre aux civils. Le 15 avril, le chef de l’armée, le général Al Burhane et son second, le général Hamdane Daglo, patron des FSR, ont retourné leurs armes l’un contre l’autre.

Les combats entre l’armée soudanaise et les paramilitaires ont gagné hier la périphérie de Wad Madani, ville épargnée jusqu’ici par les violences où des centaines de milliers de Soudanais ont trouvé refuge. L’armée soudanaise a empêché les civils d’entrer dans la ville, survolée hier par des avions de chasse et où le bruit des explosions était perceptible.

Depuis le début de la guerre, le 15 avril, entre l’armée et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), Wad Madani, chef-lieu de l’Etat d’Al Jazira, située à 180 kilomètres au sud de Khartoum, est devenue un refuge pour un demi-million de déplacés fuyant les combats dans la capitale, selon les chiffres des Nations unies.

Mais ces derniers mois, des combattants ont été petit à petit mobilisés dans la région, établissant des points de contrôle le long des villages entre Khartoum et Wad Madani. Hier, la presse a fait état de bruits d’explosions provenant de la périphérie nord de la ville. Sur les réseaux sociaux, des internautes qui avaient déjà été déplacés de Khartoum ont partagé des photos de colonnes de fumée noire, exprimant les craintes de devoir à nouveau fuir les combats.

Les magasins et les commerces ont été rapidement fermés hier, alors que des familles sont descendues dans les rues à la recherche de moyens de transport pour se rendre plus au sud, cherchant encore une fois à se mettre à l’abri.

Dans un communiqué, les FSR ont indiqué hier qu’elles cherchaient à «assurer aux chers citoyens» d’Al Jazira et de Wad Madani que «l’objectif de nos forces est de détruire les bastions» de l’armée. Depuis le début de la guerre, les deux camps rivaux s’accusent mutuellement de bombarder des zones résidentielles et de s’en prendre aux civils.

Le 15 avril, le chef de l’armée, le général Abdel Fattah Al Burhane, et son second, le général Mohamed Hamdane Daglo, patron des très redoutés paramilitaires des FSR, ont retourné leurs armes l’un contre l’autre. Ces huit mois de guerre ont fait 12 000 morts d’après l’ONU, un chiffre sûrement très sous-estimé tant des zones entières du pays sont coupées du monde. La situation humanitaire y est par ailleurs catastrophique.

Situation  humanitaire catastrophique

Le Programme alimentaire mondial (PAM) a prévenu mercredi de la «catastrophe alimentaire» qui guette le Soudan s’il ne parvient pas à distribuer une aide alimentaire vitale aux personnes prises au piège de la guerre, qui ravage le pays depuis huit mois.

«Si l’aide alimentaire à destination des personnes piégées dans les zones où les combats sont les plus intenses, la capitale Khartoum, le Darfour (ouest) et le Kordofan (sud), n’augmente pas de manière significative d’ici la période qui précède les récoltes en mai, ces zones pourraient sombrer dans un état de catastrophe alimentaire», a prévenu le PAM dans un communiqué.

En l’absence de récoltes satisfaisantes ainsi que des déplacements de population dus au conflit – sept millions de déplacés y sont recensés par l’ONU – la faim menace d’emporter des pans entiers du pays. Une famine «catastrophique» risque de s’abattre sur les Etats du Darfour, où l’ONU soupçonne un «génocide», et sur ceux du Kordofan, autre région où les combats sont intenses mais aussi la capitale, Khartoum, où les premiers tirs ont eu lieu le 15 avril, toujours inaccessible alors que des millions d’habitants y sont encore piégés.

Le nombre de Soudanais souffrant «d’une faim aiguë a plus que doublé en un an, atteignant 18 millions de personnes», alerte le PAM. Le pays, autrefois considéré comme le «grenier de l’Afrique de l’Est», a enregistré, selon une récente étude du PAM les «plus hauts niveaux de faim enregistrés pendant la saison des récolte (d’octobre à février), habituellement une période durant laquelle le plus de nourriture est disponible».

Dimanche, la patronne des opérations humanitaires de l’ONU au Soudan tirait la sonnette d’alarme sur le sort des 20 millions des quelque 48 millions de Soudanais, soit plus de 40% de la population, auxquels son organisation n’a aucun accès et prévenait que l’aide humanitaire pourrait cesser faute de fonds. «L’ensemble des parties au conflit doivent permettre une pause humanitaire et garantir un accès sans entrave (à l’aide) afin d’éviter une catastrophe», a prévenu jeudi Eddie Rowe, le directeur du Programme alimentaire mondial (PAM) au Soudan.

Mais asseoir les deux camps à la table des négociations est toujours un objectif lointain. A la demande des autorités soudanaises, le Conseil de sécurité a mis un terme le 1er décembre à la mission politique de l’ONU qui recensait notamment les violations des droits humains qui se multiplient depuis le début de la guerre. 

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