Bruxelles veut interdire toute affirmation qui ne serait pas soutenue par des bases factuelles et scientifiques, accessibles via QR code ou site internet. Le projet enjoint aux Etats de «veiller à ce que les allégations environnementales concernant des produits et entreprises soient justifiées sur la base d’une méthodologie» fondée «sur des preuves scientifiques reconnues», identifiant aussi les impacts environnementaux négatifs et tenant globalement compte du «cycle de vie» (composants, usage, recyclage...).
Affirmations trompeuses, labels verts fantaisistes, bilans carbone douteux : la Commission européenne a présenté hier son plan pour éliminer l’écoblanchiment des étiquettes et des publicités, avec des sanctions «dissuasives» pour les entreprises faisant des déclarations infondées.
«Zéro carbone», à base de matériaux recyclés, empreinte climatique réduite... Dans sa proposition législative attendue à la mi-journée, qui sera ensuite négociée par les Etats membres et les eurodéputés, Bruxelles veut endiguer la prolifération des formules destinées à happer le consommateur soucieux de l’environnement.
Sur 150 allégations vertes (emballages, publicités) examinées par la Commission en 2020, la moitié (53%) contenaient des informations vagues, trompeuses ou non étayées: textile, cosmétiques, électroménager... aucun secteur n’était épargné.
Et l’examen de 232 «labels écologiques» européens montrait que la moitié étaient accordés avec des vérifications faibles ou inexistantes. «Les consommateurs manquent d’informations fiables, ils sont confrontés à des pratiques commerciales trompeuses et au manque de transparence et de crédibilité des labels environnementaux», déplore l’exécutif européen dans un projet du texte consulté par l’AFP.
Après avoir proposé en mars 2022 de bannir les allégations environnementales génériques et vagues (produit vert, éco-responsable...), Bruxelles veut interdire toute affirmation qui ne serait pas soutenue par des bases factuelles et scientifiques, accessibles via QR code ou site internet.
Le projet enjoint aux Etats de veiller à ce que les allégations environnementales concernant des produits et entreprises soient justifiées sur la base d’une méthodologie fondée sur des preuves scientifiques reconnues, identifiant aussi les impacts environnementaux négatifs, et tenant globalement compte du cycle de vie (composants, usage, recyclage...).
Les systèmes de certification environnementale seraient soumis aux mêmes critères, avec des règles de transparence, d’indépendance et de supervision. Les Etats seraient tenus de faire contrôler le bien-fondé des allégations des entreprises par des vérificateurs indépendants accrédités et, en cas d’infraction, d’infliger des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.
«Resquilleurs»
Les nouvelles dispositions s’appliqueraient aux produits et services non couverts par d’autres textes européens à visée similaire -- les investissements «verts» étant ainsi déjà réglementés par une taxonomie dévoilée fin 2021.
L’objectif est salué par les ONG : «La prolifération du ‘‘greenwashing’’ empêche les consommateurs de faire des choix éclairés, et rend plus difficile pour les entreprises qui s’efforcent de réduire leur impact environnemental de se distinguer des resquilleurs», observe Blanca Morales, du Bureau européen de l’environnement (BEE).
«Les consommateurs ne font pas confiance aux revendications environnementales, qu’ils ne comprennent pas, la proposition de Bruxelles pourra les conduire à des modes d’achats plus durables», abonde Dimitri Vergne, du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC).
Pour autant, alors qu’une méthode de référence (PEF) permet déjà de mesurer l’empreinte environnementale des produits, aucune méthodologie unique ne serait imposée aux entreprises qui disposeraient d’une marge de manœuvre. «Nous sommes inquiets d’une ouverture excessive, car nous ne voulons pas que chaque entreprise développe dans son coin sa propre évaluation», commente M. Vergne, appelant à un cadre de gouvernance robuste impliquant la société civile.
Il plaide aussi pour un traitement préférentiel des labels très fiables faisant autorité de longue date, comme l’Ecolabel officiel conçu par l’UE, l’«Ange bleu» allemand ou le Nordic Swan scandinave.
Les ONG sont unanimes à vouloir à interdire complètement toute allégation de neutralité carbone. Dans son projet, la Commission prévoit seulement d’obliger les entreprises se revendiquant «zéro carbone» à détailler clairement si elles achètent des crédits sur le marché du carbone ou plantent des arbres pour compenser leur propre impact environnemental.
«Écran de fumée»
«Ces allégations trompent les consommateurs en suggérant que les produits ou services n’ont aucun impact climatique, une impossibilité scientifique», insiste le BEE, redoutant une occasion manquée.
Pour le BEUC, c’est particulièrement vrai dans l’agro-alimentaire. «Il n’existe pas de banane ou bouteille d’eau neutre en CO2, c’est de l’écoblanchiment pur et simple, un écran de fumée (...) Planter des arbres mettant des décennies à pousser est beaucoup plus facile et moins cher, mais nettement moins efficace que de réduire ses émissions», s’indigne sa directrice générale Monique Goyens.