Le manque de moyens de manutentions spécifiques aux produits vraquiers est un sérieux handicap qui freine l’essor prodigieux que connait la filière des ciments et clinker. La situation a tendance à tourner au cauchemar pour les grandes cimenteries de l’Est.
Une surproduction et des carnets de commandes pleins à ras bord n’est pas synonyme d’exportation systématique. Et cela est visiblement applicable à la filière cimentière, laquelle, grâce aux grands efforts déployés tous azimut, a pu recouvrer, ces dernières années la pleine forme. Bien que très prisé, le clinker, issu des cimenteries publiques et privées peine à aller à pas sûrs vers la conquête de nouveaux marchés.
La cause n’étant pas liée ni à la disponibilité de quantités échangeables suffisantes ni à la qualité du produit. Les capacités de production totalisent plus de 42 millions de tonnes (MT) alors que les besoins nationaux sont estimés à 22 MT, soit un excèdent exportable de l’ordre de 20 MT.
Sur le terrain, les ventes du clinker algérien à l’international demeurent embolisées par des facteurs de toute autre nature. D’abord la chaîne logistique et infrastructurelle qui s’enraye faute de moyens adéquats. Contraintes fortement pénalisantes pour les cimentiers de l’Est algérien, surtout, qui sont en mesure de se frayer une place de choix sur les marchés d’Europe, d’Afrique de l’Ouest et de certains pays arabes, en appétit féroce pour lesproduits semi-finis Clinker, issus des usines de Skikda (2 MT), Constantine (1MT) Tébessa (1MT), Oum El Bouaghi (2MT), Biskra (7 MT), M’sila (8MT) et Batna (1MT), notamment.
En effet, sur les 20 MT exportables, 6 MT peuvent être expédiés depuis le port de Annaba, le reste, soit 14 MT, à partir des ports d’Oran, Mostaganem, Jijel et Skikda. Or, «actuellement, avec les capacités logistiques disponibles et le modèle organisationnel jusque-là adopté, le port de Annaba peine à traiter 2 MT, voire moins. Le manque de moyens de manutentions spécifiques aux produits vraquiers est un sérieux handicap qui freine l’essor prodigieux que connait la filière des ciments et clinker. La situation a tendance à tourner au cauchemar pour les grandes cimenteries de l’Est. Elle fait perdre 6h/jour aussi bien aux intervenants portuaires qu’aux opérateurs économiques», s’offusquent certains cimentiers privés, dans une déclaration à notre rédaction.
A cela, faut-il ajouter les obstacles d’ordre opérationnel : «Le traitement des produits vraquiers comme le ciment et clinker est censé s’effectuer en continu, 7/7 et 24h/24, conformément aux standards internationaux des procédés d’exploitation au sein des infrastructures portuaires. Et ce, aux fins de la fluidification et la célérité du trafic portuaire ainsi que l’augmentation des rendements journaliers de manutention», soulignent nos interlocuteurs.
Dit autrement, «le déploiement et le maintien de l’ensemble des shifts est un facteur déterminant dans la mesure où cela assure aux cimentiers et autres opérateurs économiques des gains substantiels en termes de temps et d’argent. Les horaires de travail des exploitants portuaires doivent être respectés et maintenus tout au long du processus de chargement. 1er shift de 7h à 13h, le 2e de 13h à 19h, le 3e de 19h à minuit et le dernier de minuit à 7h.
La suppression de l’un des quatre shifts risque de ralentir l’élan à l’export». Autre contrainte, autre impact : les «hésitations inexpliquées», selon les mêmes sources, des pouvoirs publics à larguer les amarres pour mener à bon port le projet de développement des certains ports industriels, notamment, par l’acquisition de moyens de chargement plus robustes et modernes, tels que les load-ships.
Sont concernés par ce projet, dont les travaux de génie civil devaient être lancés en décembre 2022, les ports de Annaba, Oran, Arzew, Skikda et Jijel, et ce, afin d’améliorer la performance de leurs chaines d’exploitation et fluidifier les cycles de chargement. «Actuellement, les capacités des installations de chargement disponibles sont plus que limitées. Elles ne peuvent aller au-delà de 7000 à 8000 tonnes/jour alors qu’ailleurs, les normes oscillent entre 20 000 et 25 000 tonnes/jour. Le port de Annaba en est un exemple frappant. Les besoins des filières vraquiers à l’export sont pourtant non négligeables ; plus de 2 millions de tonnes de phosphates, 6 MT de clinker et plus de 200 000 tonnes de laitiers sidérurgiques...», soulignent nos sources.
Et d’exhorter, dans la foulée, les plus hautes autorités du pays à «exhumer» le projet se rapportant à la mise sur pied d’un village portuaire à Draouch (wilaya d’El Tarf), zone maritime se distinguant par la grande profondeur de ses eaux, atout majeur pour l’accueil de navires gros tonnages : «Ce projet est parti avec son initiateur, le défunt Boudjemaa Talai, ancien ministre des Transports et des travaux publics. Tout était fin prêt pour le lancement de ce grand projet, destiné aux filières industrielles àl’import/export. La finalité étant de débarrasser le port de Annaba, situé en plein centre-ville, des activités polluantes (phosphates, ciments et dérivées, produits sidérurgiques…) et permettre aux populations de respirer mieux. Le port d’Annaba pourrait ainsi être réservé au seul trafic marchandises/passagers».
C’est dire que bien que l’Algérie soit bien partie pour préserver la désormais place de premier exportateur de ciment et produits semi-finis clinker en Afrique et deuxième à l’échelle méditerranéenne, beaucoup reste à faire en termes infrastructurel et logistique pour «bétonner» cette place, difficilement ravie à certains concurrents immédiats.
Le Groupe industriel des ciments d’Algérie (GICA) avec ses 14 cimenteries assurant 60% de la production nationale, et le Groupe Serport seraient, d’après d’autres sources, en pourparlers avec des logisticiens et équipementiers étrangers à des fins de partenariats et transferts de technologies en vue d’une meilleure expansion de la filière à l’international et d’amélioration des conditions d’acheminement des produits cimentiers par route, rail ou bateau, ou encore par voie multimodale vers les marchés africains et européens déjà ciblés.