Fertial Algérie - Le départ de l’Espagnol Grupo Villar Mir officiellement scellé : Séparation à l'amiable après une alliance enténébrée

19/06/2024 mis à jour: 00:14
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Le groupe Asmidal reprend désormais les actions détenues par le partenaire espagnol GVM dans Fertial - Photo : D. R.

Le litige opposant depuis 2018 le Groupe industriel Asmidal, filiale à 100% de Sonatrach et le groupe espagnol Grupo Villar Mir (GVM), autour de Fertial, société de droit algérien, Fertial qui est spécialisée dans la production d’engrais et d’ammoniac, est désormais un vieux souvenir.

Pour une fois, depuis bien des années, l’Algérie que différents organismes et institutions spécialisées classaient au premier rang à l’échelle de la région MENA (Moyen-Orient Afrique du Nord ) en  matière de provenance des affaires d’arbitrage international, qui perdait près de 95 % de ces affaires devant la Cour internationale d’arbitrage de Paris ou de Londres et qui mobilisait, au cours des dernières années, l’équivalent de plus d’une dizaine de milliards de dollars, au titre de compensations financières au profit des entreprises étrangères plaignantes, pourrait enfin se voir offrir un "bon point" de la Global Arbitration Review (GAR), le plus important organisme au monde au chapitre des actualités juridiques en matière d’arbitrage international.

Le litige opposant depuis 2018 le Groupe industriel Asmidal, filiale à 100% de Sonatrach et le groupe espagnol Grupo Villar Mir (GVM), autour de Fertial, société de droit algérien, Fertial qui est spécialisée dans la production d’engrais et d’ammoniac, est désormais un vieux souvenir. Une issue heureuse a été trouvée dans le cadre de ce litige, le 12 juin courant et l’ex-partenaire GVM a fini par céder au groupe Asmidal ses 49 % de parts restantes dans le capital de Fertial.

Avec ou sans l’aide d’un tiers, les deux ex-associés «sont arrivés à un règlement amiable de leur désaccord, né en 2018 suite à la volonté de GVM de céder ses actions dans Fertial. Ce qui a conduit à une procédure arbitrale opposant les deux parties depuis mars 2021 dont la sentence a été rendue en juin 2023», se réjouit Sonatrach dans un communiqué publié le 13 juin.

Se révélant inconciliables, faut-il le rappeler, leurs prétentions respectives ont nécessité le recours aux instances arbitrales. C’était au début avril 2021 de cette année, GVM avait actionné une procédure d’arbitrage devant la Cour Internationale d’Arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) de Paris pour manquement à l’accord portant sur le rachat par Sonatrach des 49% des actions qu’il contrôlait à la coentreprise Fertial.

En juin 2023, il obtiendra gain de cause, la Cour arbitrale ayant tranché en sa faveur, condamnant Sonatrach à lui payer 129 millions d’euros. Depuis, rétabli, avec ou sans l’aide d’un tiers, le dialogue entre les deux parties «a abouti à la signature d’un protocole d’accord transactionnel engageant, qui a mené à la formalisation, en date du 12 juin 2024, de la cession de la totalité des actions que détient GVM dans Fertial au Groupe Asmidal, mettant ainsi un terme définitif au différend les opposant en arbitrage international», se félicite-t-on dans le même document.

Aujourd’hui qu’il s’apprête à quitter définitivement l’Algérie et que le contrôle total du tour de table de Fertial - plus de 1 750 000 actions- est revenu au Groupe Asmidal ; le transfert à son profit de la propriété des actions confisquées par décisions judiciaires, soit 17% de parts que le groupe ETRHB Haddad avait rachetées en novembre 2016 auprès de GVM, étant intervenu en mai 2022, ce dernier – GVM-, l’un des colosses mondiaux des fertilisants, s’en trouve ainsi fortement estropié car amputé de ses deux "membres". 

En effet, outre Fertial, sa désormais ex-filiale algérienne phare avec ses deux usines, Annaba et Arzew (Oran), totalisant une production annuelle de 1,68 million de tonnes d’engrais et 900 000 tonnes d’ammoniac, Juan Miguel Villar Mir, propriétaire de GVM, avait, contre toute attente, décidé de se séparer de son hautement stratégique Groupe Fertibéria, officiellement cédé, mi-février 2020, à Triton-Partners, un puissant fonds d’investissements européen, basé à Francfort (Allemagne).

Alliances obscures et séparation compliquée

Une transaction qui n’avait pas laissé indifférent l’Etat algérien, surtout lorsque près d’une année auparavant, soit en mars 2019, le partenaire espagnol et l'ETRHB Haddad avaient convenu de la cession de la totalité de leurs actions respectives au profit d’Asmidal. Un accord aurait même été trouvé lors d’une réunion tenue à Alger, fin de l’été 2019, et à laquelle, outre les actionnaires, étaient présents des représentants du gouvernement.

Cependant, l’opération ne sera pas menée à son terme, conduisant le Groupe ibérique à recourir à l’arbitrage international. Des sources proches du dossier ayant requis l’anonymat du fait, nous a-t-on dit, de son «caractère ultrasensible», ont parlé de l’existence d’un probable rapport entre le trio GVM/ Fertiberia/Fertial et la réticence de l’Etat algérien : «Tout porte à croire qu’avant de céder Fertiberia à Triton-Partners, GVM aurait procédé, dans une totale discrétion, à une fusion des deux filiales.

Ce qui explique, peut-être, la suspicion de la partie algérienne à l’égard de cette cession des 49% que cherchait à exécuter rapidement GVM». La question qui s’impose : concrètement, y a-t-il eu lieu un quelconque transfert "silencieux" par GVM  de ses actions  restantes en Algérie vers le Groupe Fertiberia, préalablement à la vente de celui-ci à Triton-Partners ?

Contacté début janvier 2022, la représentante du Fonds allemand, Anja Schlenstedt, était catégorique. «Fertiberia n’a jamais détenu une seule action de Fertial. L’actionnaire espagnol détenant une partie du capital de Fertial a toujours été directement Grupo Villar Mir, jamais Fertiberia. Triton a acquis Fertiberia en février 2020 auprès du Grupo Villar Mir.

Triton a acquis Fertiberia exclusivement, et non Fertial, qui est restée la propriété de Grupo Villar Mir», rétorquait-elle lorsque nous lui avions demandé si après le rachat de Fertiberia, Fertial aurait basculé dans le portefeuille de Triton. «Fertial est restée   "de GVM", alors que depuis novembre 2016, ce dernier n’y avait plus le contrôle de la majorité du tour de table.

Et à la question de savoir si ce fonds européen, qui compte 180 investisseurs institutionnels et 48 sociétés en portefeuille, en Europe du Nord, en Italie et en Espagne, était directement ou indirectement concerné par le litige Fertial opposant Alger et Madrid, Mme Schlenstedt était tout aussi formelle : «Fertiberia n’a aucun litige ou arbitrage à l’encontre de quiconque en Algérie, puisqu’elle n’a jamais détenu d’actions Fertial.

Depuis la vente en février 2020, elle n’a plus aucune relation avec le Grupo Villar Mir. En conséquence, ni Fertiberia ni Triton ne sont parties aux litiges présumés sur lesquels vous cherchiez des informations, ni ne possèdent d’informations actuelles à leur sujet». A noter, Javier Goñi del Cacho, avait, pendant bien des années, présidé  le Conseil d’administration (CA) de Fertial et de Fertiberia, en même temps.

Jorge Requena Lavergne, ex-administrateur et directeur général de Fertial, lui aurait succédé, en 2020, à la présidence du CA de… Fertial. Après son retour à Madrid, M. Requena était conseiller du président et membre du CA de… Grupo Fertiberia.  A en croire notre interlocutrice de Triton, l’existence d’affinités entre Fertial et Grupo Fertiberia serait donc "infondée".

Pourtant, si l’on se réfère à Africa-Intellience, média professionnel dédié à l’actualité économique souterraine en Afrique, le trouble irait grandissant : «Il -GVM- a pourtant confirmé, le 13 février 2020, la cession de son pôle «fertilisants», Fertiberia, à un fonds d’investissement européen, Triton Partners. Or c’est Fertiberia qui détient la participation de GVM dans Fertial.

Et Triton devait initialement en prendre le contrôle, seulement une fois le groupe entièrement désengagé de Fertial!», apprenait-il dans son édition du 27/02/2020. Juridiquement parlant, faut-il le souligner, à l’inverse de la filiale (plus de 50% du capital), il y a participation lorsque «la part du capital détenue est située entre 10% et 50% des actions de la société». Mieux encore : dans différents rapports d’activités, Fertial Algérie était souvent affiliée, voire présentée comme étant une filiale du Groupe Fertiberia.

Y a-t-il eu manquement à des engagements ?

Quelle en pourrait être l’interprétation ? «(..)Les déclarations selon lesquelles Fertial serait une filiale de Fertiberia sont d’autant plus graves qu’elles continuent à figurer dans les rapports d'activité, de l’exercice 2018, par exemple, que j’ai pu consulter. Alors qu’à cette date, le Groupe Villar MIR a perdu sa position majoritaire.

Il est inconcevable qu’on puisse se tromper à ce niveau, d’autant plus que les assertions sont revenues à plusieurs reprises. A mon avis, Fertiberia cherchait, peut-être, à améliorer son image et gonfler sa valeur commerciale en faisant comprendre qu’elle dispose de ses propres installations de production, de  commercialisation et de représentation en Algérie qui est un pays économiquement et stratégiquement important.

Le centre du Maghreb et la porte de l’Afrique. Les centres de production et de commercialisation sont à proximité de deux ports commerciaux, Annaba à l’est Arzew à l’Ouest.  Pareils atouts peuvent peser pour valoriser les actions, obtenir des financements et soutenir des partenariats dans le monde», explique Me Nasr Eddine Lezzar, avocat d’affaires et expert en arbitrage international.

Autant dire que, pour connaitre les véritables dessous et décoder au moins une partie des non-dits de pacte algéro-espagnol initial, il faudrait, peut-être, faire appel à Abdelhamid Temmar, l’ancien ministre de la Participation et de la Promotion des investissements.

Lui qui fut instruit par le défunt Abdelaziz Bouteflika, lors de sa visite d’Etat en Espagne, début octobre 2002, de prendre en charge le dossier de cession d’Asmidal, devenu Fertial, au profit de GVM, ou à Yahia Hamlaoui qui, succédant à Temmar, en 2004, prendra le relais en tant que ministre délégué à la Participation et à la Promotion de l’investissement.  En août 2005, feue groupe Asmidal  sera privatisé et GVM en deviendra l’actionnaire majoritaire (66%).

Quels qu’en soient ces non-dits, c’est le grand ouf de soulagement qui a retenti chez les travailleurs, un millier, après l’annonce de la reprise définitive de Fertial par le Groupe Asmidal. Les négociateurs algériens étant parvenus, non sans peine, à leur restituer le fleuron de l’industrie pétrochimique nationale, "offert" par l’ancien régime à GVM.

D’autant que, faut-il le rappeler, des démarches de prospection furent déployées par le groupe espagnol en 1996, avec dans son viseur le complexe Asmidal. Pour convaincre les responsables d’Asmidal d’alors, il promettra, en mars 1999, de mobiliser une bonne partie des deux milliards de dollars nécessaires au projet de mise sur pied d’un mini-holding Engrais pour les besoins de développement de la filière des engrais en Algérie.

Projet censé associer des banques, les assurances, feu Ferphos Group et Sonatrach, avec la participation de grands groupes européens, nord-américains et asiatiques. Les zones industrielles de Skikda, Tébessa et Arzew devaient abriter cette plateforme pétrochimique intégrée.

Le projet ne verra, malheureusement, jamais le jour. Grâce à la «générosité» de la haute administration de l’époque, Villar Mir finira, tout de même, par s’implanter en Algérie avec la reprise puis la fusion des deux filiales phares d’Asmidal, Alzofert Arzew et Fertial Annaba, en l’occurrence, qui faisaient la notoriété de l’Algérie sur le marché mondial des fertilisants.

Pour ce faire, il s’engagera dans une prise de participation par l’augmentation du capital à hauteur de 160 millions de dollars, à injecter 167,5 millions de dollars au titre de nouveaux investissements devant s’étaler sur trois ans ainsi qu’à construire, pour quelque 460 millions de dollars, une nouvelle unité de production d’ammoniac d’une capacité de 1,1 million de tonnes.

Projet resté lettre morte ! Mieux, en plus du problème se rapportant à une provision, des prix plus qu’insignifiants du gaz, une main d’œuvre bon-marché, le désormais ex-associé  aurait, judicieusement, profité des avantageuses dispositions du code de commerce encadrant la constitution de sociétés par actions, notamment en matière de libération des apports en numéraires.

Apports pouvant être libérés par tranche de 25% et le capital en numéraires entièrement libérable dans un délai ne dépassant pas cinq ans. C’est ainsi qu’il avait pu profiter de cette aubaine en procédant à la libération du quart, soit 40 millions de dollars sur les 160 millions prévus. Un engagement financier qui lui avait suffi pour s’assurer le contrôle des actifs des deux filiales, Fertial Annaba et Alzofert Arzew, appartenant au groupe Asmidal.

A l’époque de son "bradage", ce dernier qui alliait les capacités d’une véritable organisation ; 1 million de tonnes d’ammoniac, 825 000 t de nitrate d’ammonium, 240 000 t d’UAN, 800 000 t d’engrais phosphatés et 40 000 t de STPP, un chiffre d’affaires de plus de 130 millions de dollars, occupait les 3e et 7e place sur les marchés arabe et mondial de l’ammoniac et autres intrants fertilisants et qui avait son mot à dire au sein des puissantes International Fertilizer Industry Association (IFA) et Arab Fertilizer Association (AFA) où il était un membre très influent, sera réduit à une simple entité rentière incapable de participer à une quelconque prise de décision.

En somme, bien que quelque peu tardive, la récupération à 100 % de Fertial, cet exploit à saluer et à célébrer, marque la fin d’une saga algéro-espagnole qui aura duré bien des années.                                                                                                     
 

 

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