«Faites-moi de bonnes politiques, je vous ferai de bonnes finances», Baron Louis, ministre des Finances français

09/01/2024 mis à jour: 05:30
2909

Notons d’abord, en préalable loin des préjugés, la finance est une matière noble et vaste dans une économie réelle (formelle) et organisée. Tel est le fondement de l’ordre financier mondial que nous vivons aujourd’hui pour construire la nouvelle économie en Algérie.

En effet, la finance est l’ensemble des mécanismes et institutions qui apportent à l’économie les capitaux dont elle a besoin pour fonctionner et que tout dirigeant ou manager d’entreprise se doit de connaître aujourd’hui, en vue d’augmenter leur pouvoir d’action dans les mécanismes des marchés de l’économie et la finance, à l’effet de soutenir et d’ajuster les politiques budgétaires et monétaires du pays qui continuent à dépendre structurellement du prix du baril de pétrole sur le marché international sous la contrainte, en liaison directe avec l’évolution du marché international. La mécanique financière est simple : pour développer un projet ou une activité, il faut y investir de l’argent. 

Oui, un moyen qui doit consacrer la prééminence de l’économique et la liberté d’initiative d’entreprendre, notamment d’investir librement dans une entreprise ou une banque de façon à développer la culture et l’esprit d’entreprise pour bâtir une économie de production, de transformation et de la connaissance dans notre pays, capable de s’ouvrir et de s’intégrer dans les transformations mondiales de la finance et de l’économie. Il est temps que nos entreprises, banques, investisseurs et bailleurs de fonds retrouvent les notions de marché et de concurrence, de performance et de compétitivité pour devenir des sources de création de richesse pour la collectivité nationale et le Trésor public, et non pas l’inverse.

 La «privatisation totale ou l’ouverture partielle du capital social des entreprises et banques via la Bourse d’Alger devrait donc, d’une part, se traduire par un allégement des charges budgétaires de l’Etat et, d’autre part, mieux développer et donner primauté à la fiscalité ordinaire sur la fiscalité pétrolière en faveur d’une meilleure efficacité économique des finances publiques ou encore assurer des rentrées financières substantielles de la cession d’actifs de ces entreprises aux investisseurs potentiels . 
 

Le marché boursier est une notion essentielle en économie. En effet, la Bourse a pour but de financer les entreprises en quête de capitaux, de créer de la richesse pour les actionnaires et de l’emploi pour les travailleurs via le paiement des dividendes et des salaires, de soutenir l’économie en participant à la création de la valeur ajoutée au produit intérieur brut (PIB) et, enfin, de jouer le rôle de baromètre de la situation économique générale et de surveillance des marchés. Un rôle de locomotive dans l’économie du pays est évident pour soutenir les réformes économiques et financières et la possibilité de se doter d’un marché financier aux normes internationales entrant dans les grandes décisions et les grandes orientations du marché de la place bancaire et boursière en Algérie, de façon à créer une synergie forte au service de la concrétisation de nos objectifs et de nos ambitions économiques. 

D’une importance capitale pour le soutien et la valorisation des avancées économiques enregistrées ces dernières années dans notre pays. Il nous semble que là aussi, la nécessité de repenser la mission du Trésor public en Algérie doit devenir, en plus des banques, un intermédiaire financier public de plus en plus tourné vers le marché, il doit trouver ses marques qui lui permettent d’agir sur la liquidité globale de l’économie par la collecte des dépôts et son influence des marchés des titres à long terme. Le poids des émissions des titres de l’Etat sur les marchés financiers et monétaires seront la source de constitution de l’économie de marché de capitaux en Algérie. 

Un des moyens pour rétablir notre pays dans toute sa force socio-économique dans le processus de l’étape de l’après-pétrole et remédier aux risques qui pèsent sur les finances publiques. A ce titre, ces instruments considérés comme acte de commerce doivent intégrer, à notre humble avis, «la loi de la monnaie et du crédit». Et enfin, il faut également prendre comme base une source de financement, en l’occurrence «la caisse de dépôt de consignation» qui recevra le produit des opérations de saisie et de vente aux enchères, les soldes des personnes décédées, etc. Cela devrait attirer notre attention sur l’importance du marché financier (banques, Bourse des valeurs, Trésor public…) en tant qu’acteurs économiques fondamentaux contre la récession socio-économique et servir une politique anti-inflationniste.
 

En précisant qu’ il est important de prendre comme base la monnaie scripturale, c’est-à-dire que les chèques, les cartes monétiques, la lettre de change, le billet à ordre soient en réalité de la monnaie. Il faut que le dinar soit une monnaie convertible, autrement dit une valeur échangeable sur le marché financier, de façon à pouvoir libérer toutes les initiatives en matière d’investissement et d’épargne. Globalement, le marché financier où l’on négocie (vente et achat) des valeurs mobilières telles que les actions, les titres de créance, les titres participatifs, enfin, du marché des valeurs du Trésor, sur lequel seront négociées les obligations du Trésor public…, il va sans dire que le marché financier est considéré comme l’âme de la vie économique des entreprises et joue un rôle stratégique en tant que puissant levier pour le développement socio-économique, d’une part, sachant que le marché financier constitue principalement la contre-partie de la masse monétaire, d’autre part. 

C’est dire que l’entreprise constitue la structure de base de la vie socio-économique d’un pays. Mais force est de constater, à ce propos, les importants retards accumulés par l’économie nationale au niveau des marchés obligataire, boursier, bancaire, capital-investissement, leasing, actionnariat ou participatif dans les entreprises via le marché boursier. 

Nous n’avons pas encore un marché bancaire et boursier suffisamment impliqué dans l’économie nationale, structuré, concurrentiel et dynamique avec un taux de pénétration élevé, alors que le financement du monde de l’entreprise a beaucoup évolué au cours de ces dernières décennies dans l’économie mondiale. En effet, le recours aux mécanismes du marché financier se traduit par une introduction en Bourse des valeurs. Le marché boursier est un marché sur lequel des personnes physiques ou morales, notamment des entreprises privées, publiques ou des institutions publiques peuvent négocier des titres cotés auprès d’investisseurs institutionnels ou individuels et autres actifs financiers à des prix qui reflètent l’offre et la demande . 

A cet égard, la question du marché boursier des valeurs en Algérie est une étape importante qui devrait améliorer la qualité de service, renforcer les performances du système bancaire et contribuer davantage à soutenir les objectifs de croissance du pays. Et développer l’activité économique et les conditions pratiques de l’activité des banques et des entreprises qui ne sont pas encore, à notre humble avis, en parfaite harmonie avec l’environnement et le contexte international. 

En conséquence, promouvoir notre transition à la nouvelle économie, à savoir favoriser l’émergence d’une classe d’entrepreneurs capables de prendre des risques et de relever les défis technologiques et managériaux pour s’internationaliser et devenir les piliers de notre économie pour être en mesure de corriger les grandes faiblesses structurelles de notre économie pour la financiarisation de l’économie national car près de 90% proviennent via les banques publiques et le Trésor public. 

En effet, dans cette conjoncture difficile, il faut nécessairement réformer l’économie et la gouvernance de nos entreprises, dans la mesure où notre culture économique est restée figée sur l’économie de rente pétro-gazière qui est, par nature, une négation de bonne gouvernance et de management. Pourquoi, parce que l’économie n’est qu’une stratégie d’entreprise et de marché et rien ne s’oppose à toute forme de gestion qui aurait, pour effet, de rendre la vie économique aux entreprises pour que notre pays puisse bénéficier d’une envergure internationale de production et d’exportation hors hydrocarbures et, enfin, génératrice d’impôts pour conforter le budget de la nation. 

On oubli ainsi que l’économie d’entreprise, c’est le marché, et le marché c’est l’entreprise, car le marché doit être au service des intérêts stratégiques du pays et préserve les intérêts du Trésor public pour permettre à l’Etat de dépenser l’argent public de façon judicieuse et de faire donc un bon usage des finances publiques au profit de la collectivité nationale. Pour ce faire, il faut instaurer davantage les règles et les mécanismes de l’économie de marché, afin de construire la nôtre et la rendre performante, à l’instar des pays émergents. 

Dans cette optique, le rôle de l’Etat est de réguler et d’encadrer l’économie en passant de la régulation administrative à la régulation économique et en mettant en œuvre un plan d’ajustement structurel au niveau macro-économique et micro-économique. D’où la nécessité et l’importance d’aller vers «la création d’un super ministère de l’Economie couplé à celui des Finances», afin de se mettre à un niveau mondial pour la mise en œuvre d’une économie prônant l’initiative et l’action entrepreneuriale consacrant la prééminence de l’économique et la liberté d’entreprendre se basant sur les règles et les mécanismes du marché pour construire une économie d’entreprise émergente en Algérie. 
 

A titre d’exemple, «la Chine, pays socialiste ‘‘pur et dur’’, est membre de l’OMC et s’accommode parfaitement du libéralisme économique qui lui permet aujourd’hui de devenir la plus grande usine au monde. Elle se conforme parfaitement aux standards internationaux, dont ceux des règles et mécanismes de l’économie de marché». 
Le recours aux mécanismes du marché financier se traduit par une introduction en Bourse des valeurs ou résulte d’une offre publique de vente d’actions. La tendance étant vers la diversification des moyens de financement des entreprises avec l’apparition des modes de financement modernes. 

Il va sans dire que le financement de l’économie nationale nécessite, au-delà de l’importance des crédits accordés pour libérer le pays du tout-pétrole, afin de développer leurs activités sur les marchés et de diversifier leurs sources de financement. En effet, tous les pays ayant atteint un haut niveau de développement, à l’instar des pays développés et émergents, ont reconnu la nécessité et l’intérêt grandissant d’une économie de marché. On a besoin aujourd’hui d’un droit privé adapté à l’initiative et l’action qui libère les entreprises ou les investisseurs pour l’initiative entrepreneuriale se basant sur les règles et les mécanismes du marché pour conquérir les espaces géoéconomiques et financiers. 

Ce marché est un outil de financement complémentaire au développement des entreprises, du fait qu’il permet de drainer l’épargne et de capter les capitaux pour diversifier l’économie nationale et booster les modes alternatifs de financement de nos entreprises qui vise à donner un nouveau souffle à la Bourse d’Alger, ce qui permettra de faciliter l’acte de levée de fonds sur le marché financier à tout émetteur coté en Bourse d’Alger. La Bourse d’Alger, qui s’apprête à enregistrer de nouvelles introductions à compter de ce début d’année 2024, l’entrée de deux banques publiques, CPA puis la BDL, à travers l’ouverture de leur capital social à hauteur de 30%. 

C’est un saut qualitatif dans la conduite des réformes structurelles quand on sait que le nombre d’entreprises cotées à la Bourse d’Alger n’a pas beaucoup évolué, se limitant à cinq cotations seulement. Il s’agit d’Alliance Assurances, de Biopharm, d’El-Aurassi, de Saidal et d’une PME, AOM Invest SPA. Ce qui fait que le marché algérien des actions reste des plus faibles au monde, ne suscitant ainsi guère l’intérêt des investisseurs et des épargnants. Pendant que nos entreprises et banques publiques restant encore totalement dépendantes de l’Etat comme actionnaire unique et des tutelles administratives. 

Ce qui limite leur horizon, dans les stratégies des marchés financiers, notamment en matière d’introduction en Bourse des valeurs, de partenariat ou d’alliances, absorption-fusion, de croissance potentielle, d’expansion, d’investissement. Nous sommes un des rares pays où le cadre dirigeant d’une entreprise ou d’une banque publique économique (EPE) est observé comme un agent public. Cela, bien que nous ayons adopté constitutionnellement une économie de marché régie par le droit privé (droit commercial/droit civil) depuis l’adoption de la fameuse Constitution du 23 février 1989.

 Comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises dans nos contributions où nous n’avons cessé de plaider à mettre en place le dispositif nécessaire, à même de permettre «à l’Etat de se consacrer à son rôle de puissance publique et de régulateur stratégique dans l’économie nationale».

 Il importe, désormais, que la nouvelle gouvernance en question de nos entreprises et banques soient non seulement équilibrées mais dégageant également un excédent destiné pour partie sous forme de distribution de dividendes à être versés à l’Etat en tant qu’actionnaire unique ou majoritaire. En effet, la banque, la Bourse, l’investisseur ou actionnaire n’acceptent de continuer de prêter de l’argent ou de souscrire à une quelconque participation financière dans une entreprise sous-capitalisée, déficitaire ou accumulant un actif net négatif, que si l’entreprise est en bonne santé.
 

D’où l’importance, aujourd’hui, de consolider les assises de fonctionnement et de gouvernance du système bancaire pour l’adapter à l’ampleur des défis et des objectifs du marché financier national et international. En effet, il devenait plus impérieux que jamais d’adapter nos banques et nos entreprises au droit privé (codes du commerce et civil) au progrès de l’économie et des réalités d’aujourd’hui, afin de sortir du schéma classique actuel pour passer aux nouveaux rouages fondés sur la spécialisation, selon la forme juridique de groupe ou de holding financier (société-mère et ses filiales). L’organisation des sociétés en groupes s’est accélérée au cours des cinq dernières décennies, avec le développement du nombre de prises de participation et de la mise en place d’entités mono-activité liées entre elles par des liens en capital. 

Ceci traduit la recherche d’une organisation de l’entreprise adaptée aux mutations structurelles de tous ordres, technologique, économique, financière et institutionnelles. En vue de développer et de professionnaliser les activités de nos banques et entreprises pour une meilleure pénétration et diversification des instruments du marché financier et aller vers plus de transparence dans la gestion de ces dernières pour passer dans les meilleures conditions aux mécanismes de la financiarisation de l’économie face aux nouvelles évolutions mondiales. 

C’est désormais à travers l’évolution d’un système bancaire et boursier que l’optimal va être atteint en matière de croissance, de création d’emplois et d’attrait des investisseurs directs (IDE). A cet effet, les normes comptables internationales et d’information financière doivent être appliquées rigoureusement et utilisées pour préparer les états financiers et comptables de toutes les entreprises cotées en Bourse des valeurs. 

Dans ce nouveau contexte, nos entreprises et nos banques ont besoin de profondes réformes pour répondre aux besoins de la nouvelle dynamique économique nationale. Une mesure importante devant être inscrite dans une stratégie globale dans le programme d’action du gouvernement, dont notamment le projet de privatisation (ouverture partielle du capital social), peut revêtir plusieurs procédés tels que, entre autres, la définition de la propriété publique et la propriété privée, afin de faire la distinction entre les intérêts de l’entreprise et les intérêts de la famille concernant le secteur privé. 

En effet, l’ouverture du capital des entreprises publiques et privées, qu’il faut évaluer à travers, notamment, le marché financier, la Bourse des valeurs ou appels d’offres à la concurrence. Le capital social et l’entrée d’investisseurs correspondent en pratique à des objectifs stratégiques variant d’une entreprise à l’autre ou d’investisseur à l’autre, pour évoluer vers des stratégies de croissance économique interne et externe potentielles. 

Les actionnaires d’une entreprise sont toutes les personnes physiques ou morales qui détiennent les actions dans le capital social d’une entreprise. Sur la base de ce principe, il n’y a aucune réserve à formuler sur la participation des travailleurs et cadres au capital social de leur entreprise. 

La détention de 10% des actions par les travailleurs et cadres dans le capital social est un bon moyen pour améliorer leur pouvoir d’achat et renforcer la cohésion et le lien social dans l’entreprise, notamment les motiver un peu plus en leur donnant un droit de regard sur la marche de leur entreprise parce que ces derniers seront concernés par sa gestion et son contrôle pour lutter contre la mauvaise gestion et la corruption. 

Il suffit, à ce sujet, de rappeler «les dispositions prévues dans l’ordonnance n°95-22 du 26 août 1995 relative à la privatisation des entreprises publiques (Journal officiel de la République algérienne n°48 du 3 septembre 1995)».

 

Par M’Hamed Abaci 
Financier et auteur

 

 

Copyright 2024 . All Rights Reserved.