Les prix du pétrole étaient cotés le 6 avril 2024 à 15h GMI à 90,86 dollars (83,83 euros ) le Brent, et à 86,73 (80,02 euros) le Wit demeuraient particulièrement élevés, alors que les investisseurs restaient fébriles face à la remontée des tensions géopolitiques et le prix du gaz au 04/04/2024 est à 30 152 euros le /MWh.
Premièrement, l’élément central de la détermination du prix du pétrole/gaz est la croissance de l’économie mondiale qui devrait être, selon le FMI, de 3,1% en 2024, de 3,2% en 2025, contre 4% en 2023, les trois continents, 80% du PIB mondial tirant la croissance de l’économie mondiale étant l’Asie avec le Japon, la Chine, l’inde, accessoirement la Corée du Sud, l’Europe des 27 ( pays pivots, Allemagne -Grande Bretagne- France) et les Etats-Unis d’Amérique, en raison d’une résilience plus forte que prévu où depuis mars 2024 la moyenne de la production mondiale a été de plus de 101,2 millions de bpj et selon l’AIE, la demande mondiale de pétrole augmentera de 2,25 millions de barils par jour (mb/j) en 2024, contre 2,44 en 2023. Pour le gaz, selon l’AIE la demande sur l’année 2024 connaîtra une croissance significative de 2,5% soit 100 milliards de mètres cubes supplémentaires – une hausse plus soutenue qu’en 2023 (+0,5%) par la hausse de la demande européenne et asiatique augmentera de 2,25 millions de barils par jour (mb/j) en 2024, contre 2,44 en 2023. Pour le gaz, selon l’AIE, la demande sur l’année 2024 connaîtra une croissance significative de 2,5%, soit 100 milliards de mètres cubes supplémentaires – une hausse plus soutenue qu’en 2023 (+0,5%),la production ayant atteint 4051 milliards de mètres cubes en 2023, selon le rapport mensuel du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) et étant prévu plus de 4500 en 2030, par la hausse de la demande européenne et asiatique.
Deuxièmement, nous avons les tensions géostratégiques. Depuis début octobre 2023, les marchés redoutent une escalade de la situation géopolitique au Moyen-Orient dont les tensions récentes avec l’Iran qui contrôle le détroit de D’Ormuz ou plus de 20% des produits pétroliers y transitent. A cela s’ajoutent les tensions géostratégiques en Ukraine ( un responsable de l’OTAN ayant déclaré le 04/4/2024 que les attaques continues de drones ukrainiens contre les raffineries russes pourraient avoir perturbé plus de 15 % de la capacité russe, ce qui a eu un impact sur la production de carburant du pays) et les tensions en mer Rouge, plus de 12% du commerce mondial, plus de 1000 milliards de dollars /an avant les tensions, dont le prix du transport a doublé voire triplé, pénalisant le canal de Suez ( baisse de 42% des transactions), toutes ces tensions ayant influencé entre /20/25% sur le cours des hydrocarbures.
Mais aucun expert ne peut prévoir ce qui peut se passer au-delà de deux à trois ans, du fait d’importantes nouvelles mutations du modèle de consommation énergétique et des impacts externes imprévisibles, la majorité des analystes ne prévoyant pas une généralisation du conflit au Moyen-Orient.
Troisièmement, le gaz étant un pour l’instant un marché segmenté géographiquement, l’on ne peut pas pour l’instant de parler d’un marché mondial de gaz, plus de 65% par canalisation, un investissement lourd et à rentabilité à moyen terme, y compris pour le GNL, dépendant surtout des contrats à moyen et long terme. Pour le pétrole, il y a le respect des accords de l’OPEP+. L’OPEP représente environ 35% de la production commercialisée mondiale et si l’on inclut l’OPEP+ plus de 50% de la production de pétrole, les plus gros producteurs étant la Russie et l’Arabie Saoudite qui au . sein de l’OPEP est en mesure de peser sur l’offre mondiale. A l’avenir tout dépendra d’une entente avec l’Arabie saoudite, la Russie dans le cadre de l’OPEP+ pour déterminer le prix plancher.
Pour le Gaz il est utopique pour l’instant de parler d’un marché mondial de gaz, plus de 65% étant des marchés régionaux segmentés se faisant par canalisation, mais avec une percée croissante du GNL Quatrièmement, on doit tenir compte du poids des USA qui sont l’un des plus grands producteurs mondiaux d’hydrocarbures grâce au pétrole et gaz de schiste. Du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) aux USA qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale, où les gisements marginaux les plus nombreux deviennent rentables à un cours du baril supérieur à 60 dollars. Les Etats-Unis, importateur par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut (tenant compte de la consommation intérieure) devant l’Arabie Saoudite et la Russie et ont pénétré fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de gaz naturel liquéfié (GNL.
Cinquièmement, l’on doit tenir compte de la décision du G7 plus de l’Australie de plafonner le prix du pétrole russe par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivés du pétrole russe à compter de février 2023, ainsi que la décision de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure.
Certes, ces plafonnements n’ont de chance de succès que si ces prix se rapprochent de ceux du marché.
Les sanctions occidentales contre la Russie ont remis en cause la stratégie expansionniste russe en direction de l’Europe à travers le North Stream et le South Stream d’une capacité de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, plus de 45% avant les tensions, le North Stream, les livraisons de gaz russe en direction de l’Europe ayant fortement baissé en 2022 de plus de 46%, expliquant d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe à environ 17% fin 2023.
La Russie se tourne actuellement vers l’Asie et vend son gaz à la Chine et à l’Inde à des prix préférentiels où un accord sur le gigantesque projet de gazoduc Force de Sibérie 2, afin de réorienter l’économie russe vers l’Asie Avec la mise en service d’un gazoduc d’une capacité de transport de 50 milliards de mètres cubes de gaz sur 2600 kilomètres de long qui reliera la Sibérie au Xinjiang chinois (nord-ouest), via les steppes de Mongolie, Force de Sibérie, qui part lui de l’Extrême-Orient russe, les quantités attendues de livraisons à terme représenteront autant que Nord Stream, l’objectif d’ici 2030 étant de livrer au total à la Chine environ 98 milliards de mètres cubes de gaz et 100 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié. Sixièmement, sous réserves de al résolution des conflits internes, souvent alimentés par les rivalités des grandes jouissances et leurs sous traitants, il faut prévoir le retour à terme de certains producteurs pénalisés par des conflits internes ou de sanctions internationales : par exemple de la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique qui dispose de des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour. Il y a aussi l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour et l’Iran, ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 5/7 millions de barils jour, et possédant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35 000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45 000 et avant le Qatar 20 000, sans oublier la plus grande réserve de pétrole du monde avant l’Arabie Saoudite, le Venezuela qui possède les premières réserves de pétrole du monde ( certes du pétrole lourd ) avec 298,353 milliards de barils, 17,7% au niveau mondial et les huitièmes de gaz naturel avec 197,089 de pieds cubes.
Septièmement, nous avons les nouvelles découvertes dans le monde en offshore en Méditerranée orientale où selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (US Geological Survey), estimées 3500 milliards de mètres cubes de gaz aiguise l’appétit des pays riverains (Chypre, Turquie, Syrie, Liban, Israël, Égypte, Libye), ravivant les tensions géopolitiques autour de la délimitation des frontières maritimes, en n’oubliant pas les champs gaziers de Ghaza Marine 1 et 2, identifiés depuis 1999, possédant des réserves estimées à 25 milliards de mètres cubes gazeux.
Nous avons également les réserves en océan Arctique où si on rapporte ces calculs à l’échelle mondiale, l’Arctique contiendrait 13% des réserves de pétrole et 30% des réserves de gaz naturel mondiales, expliquant en partie les tensions au niveau de ces régions, leur exploitation étant fonction du coût élevé. N’oublions pas l’Afrique où au total les réserves de pétrole du continent s’élèvent à 77 milliards de barlus, dont 42 en Afrique du Nord et 34 en Afrique de l’Ouest et dans le pourtour du golfe de Guinée. La production du continent atteint 7,8 millions de barils par jour (soit un peu plus de 10% du total mondial) et collectivement, neuf pays détiennent plus de 15.000 milliards de mètres cubes de réserves prouvées de gaz, la production totale de gaz naturel de l’Afrique en 2022 était de 8 294,79 milliards de pieds cubes, soit une augmentation de 3,43% par rapport à 2021) où nous avons le Nigeria, l’Egypte, l’Algérie, la Libye, la Quinée équatoriale, la Tanzanie, l’Angola, et l’important champs gazier Mauritanie-Sénégal en exploitation fin 2024.
Huitièmement, les politiques de la transition énergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui influe sur les prix des hydrocarbures transitionnels. D’ici à 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde devraient dépasser les 4000 milliards de dollars et les grandes compagnies devraient réorienter progressivement leurs investissements dans ces segments rentables à terme, les industries de la vie pour reprendre l’expression de Jacques Attali.
Les USA/Europe représentent actuellement plus de 40% du PIB mondial qui dépasse le seuil des 100 000 milliards de dollars en 2023, pour une population inférieure à un milliard d’habitants.
Et si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique, il faudrait cinq fois la planète pour répondre à leurs besoins. Il est prévu en Europe la diminution de 50% de la consommation des hydrocarbures traditionnels en 2030, avec une plus grande efficacité énergétique, le développement des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert, bleu et blanc. Neuvièmement, les fluctuations des stocks américains et chinois ainsi que la cotation du dollar notamment par rapport à l’euro, toute hausse ou baisse du dollar pouvant entraîner un écart sur le prix des hydrocarbures, en précisant que l’euro, selon le FMI, représentait 20,5% des avoirs officiels de réserves de change dans le monde en 2022 (part mesurée à taux de change constants), tandis que la part du dollar américain s’établissait à 58,4% et que 31,6% des paiements dans le monde étaient effectués en euro et 47,6% en dollar américain soit au total près de 80% et selon le pointage du système de transaction SWIFT, en septembre 2023 la part du yuan dans le commerce international était de 2,077% contre 1,81% en 2022 .
En conclusion, la rente des hydrocarbures est une rente éphémère et comme nous l’ont enseigné les grands penseurs, dont le grand sociologue Ibn Khaldoun qui, dans son cycle des civilisations, lorsque l’immoralité gangrène la cité dans son ensemble et dévalorise la vertu du travail, c’est la décadence de toute la société.
Une nation n’est forte et une diplomatie écoutée que si son économie est concurrentielle au niveau mondial devant s’insérer dans le cadre de la transition énergétique.
Car le monde devrait connaître un bouleversement inégalé depuis des siècles , d’un côté des pluies diluviennes, des inondations et de l’autre côté, sécheresse et incendies. Le réchauffement climatique n’est pas une vue de l’esprit, étant une question de sécurité mondiale et les dirigeants sont appelés à avoir une autre gouvernance. Fondamentalement, si nous échouons à passer à un monde à faible émission de carbone, c’est l’intégrité globale de l’économie mondiale qui sera menacée, car le climat mondial est un vaste système interconnecté.
Pour les pays en voie de développement qui aspirent au bien-être, des stratégies d’adaptation avec l’aide des techniques nouvelles des pays développés sont nécessaires, car pour ne citer qu’un exemple, l’Afrique n’est responsable, selon les rapports de l’ONU, pour moins de 5% des émissions à effet de serre.
Par Abderrahmane Mebtoul , Expert international
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