Plus d’un million de personnes ont déjà quitté leurs foyers dans ce territoire de 362 kilomètres carrés placé en état de siège et coincé entre Israël, la Méditerranée et l’Egypte.
Partagés entre la peur des bombardements et la perspective d’un exode sans retour, les habitants de Ghaza fuient, plongés dans le chaos et la panique, face aux bombardements continus d’Israël. Cette situation rappelle cruellement celle vécue il y a 75 ans, lorsque les Palestiniens ont été expulsés de leurs maisons et dépossédés de leurs terres.
Cependant, la question demeure : partir, mais où ?Plus d’un million de personnes ont déjà quitté leurs foyers dans ce territoire de 362 kilomètres carrés, placé en état de siège et coincé entre Israël, la Méditerranée et l’Egypte. Ghaza, souvent qualifiée comme la plus grande prison à ciel ouvert, dispose actuellement d’un seul point de passage, celui de Rafah, comme ultime issue de secours.
Des centaines de Palestiniens étaient massés, hier, dans le sud de la bande de Ghaza, dans l’espoir d’une ouverture du point de passage de Rafah qui leur permettrait d’échapper à la guerre.
L’option reste généralement rejetée tant elle rappelle de douloureux souvenirs, et les pays arabes environnants ne connaissent que trop bien la signification d’un «accueil temporaire». Aussi, le président égyptien, Abdel Fattah Al Sissi, a aussitôt souligné que les habitants de Ghaza doivent rester «présents sur leur territoire».
«Erreur grave !»
De l’autre côté, tout porte à croire qu’Israël cherche à vider Ghaza de sa population. L’idée fait son chemin en Israël où les hommes politiques israéliens ont proposé de repousser les Palestiniens vers l’Egypte voisine.
L’ancien vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Daniel Ayalon, a appelé l’Egypte à coopérer et à installer des camps de tentes pour les Palestiniens, affirmant qu’il y avait «un espace presque infini» dans le Sinaï, une vaste région désertique autrefois occupée par Israël. Encouragée par le soutien des pays occidentaux et la léthargie des pays arabes, l’entité sioniste semble trouver là une occasion en or d’étendre son territoire.
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, a averti le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, vendredi dernier, que chasser la population de Ghaza équivaudrait à une «seconde Nakba».
Officiellement, Anthony Blinken a annoncé, hier, son rejet de la possibilité que les Palestiniens soient expulsés de la bande de Ghaza, «une idée vouée à l›échec», a-t-il déclaré, estimant que les Ghazaouis devraient pouvoir rester pendant qu’Israël combat le Hamas : «Nous avons entendu, j’ai entendu directement du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et de chaque autre leader auquel j’ai parlé dans la région, que cette idée était nulle et non avenue, donc nous ne la soutenons pas.» Un appel au calme réitéré par Joe Biden, qui a averti qu’une nouvelle occupation par Israël de la bande de Ghaza serait une «grave erreur».
Par ailleurs, le chef de la Ligue arabe a exigé, hier, «l’arrêt immédiat des opérations militaires» dans la bande de Ghaza et la mise en place de «corridors» humanitaires pour aider la population. «L’armée d’occupation (l’armée israélienne, ndlr) a annoncé, dès le début, que ni la nourriture, ni l’eau, ni le carburant ne pourraient entrer dans Ghaza, privant ainsi les Palestiniens de leur humanité et ouvrant la voie à un nettoyage ethnique», a poursuivi Aboul Gheit.
Au point de passage de Rafah, qui représente la seule ouverture de la bande de Ghaza sur le monde extérieur, contrôlé par l’Egypte, «un camp de fortune a été installé», a déclaré, hier, William Schombug, un responsable du Comité international de la Croix-Rouge, cité par l’AFP.
Plus de 2800 martyrs
Au poste-frontière de Rafah, l’aide humanitaire afflue de plusieurs capitales, mais ne passe toujours pas. Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukry, a déclaré, hier, que le gouvernement israélien «n’a pas pris de position qui mènerait à l’ouverture du poste-frontière de Rafah du côté de Ghaza», soulignant que l’Egypte avait entamé des négociations avec les Nations unies sur ce sujet.
La coordonnatrice humanitaire de l’ONU pour les Territoires palestiniens, Lynn Hastings, a regretté qu’Israël «associe l’aide humanitaire à Ghaza à la libération des otages». «Ils (Israël, ndlr) ont dit qu’ils voulaient détruire le Hamas, mais leur approche actuelle va détruire Ghaza», s’est-elle alarmée.
Ce seul passage entre Ghaza et l’extérieur qui ne soit pas sous contrôle uniquement israélien reste fermé, bombardé à plusieurs reprises par la chasse israélienne. Pour l’heure, peu de voix se sont élevées pour dénoncer ces crimes de guerre commis par Israël et la nécessité du respect du droit international, lui donnant ainsi toute latitude pour massacrer la population et réduire Ghaza en cendres.
En plus de l’aide militaire américaine, l’Union européenne – si l’on s’en tient aux propos de la présidente de la Commission – donne l’impression de s’aligner également sur la position israélienne, au mépris du droit international. Les Vingt-Sept se réunissent en urgence aujourd’hui, en visioconférence, pour décider d’une position commune. En attendant, l’armée israélienne ne fait aucune trêve, indiquant seulement qu’elle s’«abstiendrait» de frapper en matinée les couloirs d’évacuation reliant le nord au sud de la bande de Ghaza, au moment où elle prépare une offensive terrestre.
Mais il serait peu judicieux de se fier aux promesses de l’armée d’occupation tant celle-ci se montre cynique et d’une barbarie inégalée. N’avait-elle pas fait une promesse similaire, exhortant les habitants du nord de Ghaza – environ 1,1 million de personnes – à se diriger vers le Sud, en empruntant une route sécurisée, pour ensuite bombarder cette même voie, entraînant la mort de femmes et d’enfants ?
En tout et pour tout, le bilan des agressions menées depuis le 7 octobre par les forces d’occupation sionistes dans la bande de Ghaza et en Cisjordanie occupée s’est élevé, hier, à 2808 martyrs et 10 950 blessés parmi les Palestiniens, a annoncé, hier, le ministère palestinien de la Santé cité par l’agence Wafa. En Cisjordanie occupée, le nombre de martyrs palestiniens s’est élevé à 56, tandis que le nombre de blessés s’est élevé à plus de 1200, d’après la même source. Selon Wafa, plus de 1000 Palestiniens sont ensevelis sous les décombres.