L’économie mondiale est complètement chamboulée depuis l’offensive tous azimuts de Donald Trump sur des droits de douane qu’il cherche à imposer à tous les partenaires commerciaux des Etats-Unis, parfois même à des niveaux ahurissants, voire inimaginables jusque-là.
La première cible est la Chine. En fait, le nouveau locataire de la Maison-Blanche crie sur tous les toits qu’il compte bien mettre fin aux déficits commerciaux de l’économie américaine avec certains pays. La Chine, beaucoup plus que ne l’est encore l’Union européenne, est toute désignée pour cela.
Pour tous ceux qui en doutaient encore, la guerre commerciale a pris cette fois la forme d’un duel entre les deux superpuissances que sont les Etats-Unis et la Chine, respectivement la première et la seconde économies mondiales. Donald Trump a annoncé mercredi qu’il suspendait ses surtaxes douanières mondiales mais augmentait celles de la Chine. Le président américain porta «immédiatement» à 125% la taxe frappant les importations chinoises, qu’il venait déjà de faire monter à plus de 100%. Rebond spectaculaire de Wall Street aussitôt.
La Chine doit cesser de «dépouiller» les Etats-Unis, a-t-il écrit sur son réseau Truth Social. Il assure, par ailleurs, que «plus de 75 pays» se sont manifestés auprès de son gouvernement pour «négocier» une solution en matière commerciale. A ces pays qui n’ont pas «riposté», a-t-il déclaré, il accorde «une pause de 90 jours et des droits réciproques substantiellement réduits durant cette période, de 10%, également effectifs immédiatement».
De son côté, Pékin a annoncé hier relever à 125% les droits de douane sur les importations américaines. Ainsi, la guerre se poursuite et nul ne sait jusqu’où va aller cette escalade. La Chine compte appliquer ces nouveaux tarifs à compter du 12 avril, a annoncé hier le ministère chinois des Finances, en réaction à l’annonce par Donald Trump d’une taxe désormais alourdie à 145% sur les biens chinois.
Dans cette surenchère entre les deux puissances économiques, la Chine, alors que sa riposte a fait plonger les Bourses européennes hier matin, affirme que désormais elle ignorera toute augmentation des tarifs venant des Etats-Unis. Laissant croire qu’à ce niveau de tarifs, les produits américains exportés vers la Chine «n’ont plus aucune possibilité d’être acceptés sur le marché». Selon le ministère chinois du Commerce, «les droits de douane exorbitants» des Etats-Unis contre la Chine «ne sont plus qu’un jeu de chiffres dénués de sens économique» et «sont devenus une farce».
Et d’ajouter : «L’instauration par les Etats-Unis de droits de douane anormalement élevés bafoue les règles commerciales internationales, les lois économiques fondamentales et le sens commun.» Et de dénoncer des «mesures unilatérales d’intimidation et de coercition». La Chine a annoncé le lancement d’une procédure auprès de l’OMC contre les nouvelles surtaxes américaines.
Dans ce face-à-face avec l’administration américaine, le Chine serait-elle donc définitivement isolée ? La question retient l’attention des observateurs de la scène internationale. Peu avant cette nouvelle riposte, le président chinois, Xi Jinping, a appelé l’Union européenne (UE) à se joindre à Pékin pour «résister ensemble» à la «coercition», selon les médias qui citent l’agence de presse Chine nouvelle. Il a tenu ces propos lors d’une rencontre dans la capitale chinoise avec le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, en visite hier dans le pays asiatique. «La Chine et l’UE doivent assumer leurs responsabilités internationales, protéger conjointement la mondialisation économique et l’environnement commercial international, et résister ensemble à toute coercition unilatérale», a déclaré Xi Jinping.
«Cela permettra non seulement de préserver nos droits et intérêts légitimes, mais aussi de préserver l’équité et la justice internationales, et de faire respecter les règles et l’ordre internationaux», a souligné le président chinois.
Que va faire l’UE ? Une nouvelle partie d’échecs vient de s’engager ainsi à la faveur de cette guerre commerciale et au moment où se négocie actuellement l’issue de la guerre en Ukraine entre les Etats-Unis et la Russie. Le prochain sommet entre l’UE et la Chine doit se tenir en juillet en Chine, a annoncé hier un porte-parole du Conseil européen. Ce sommet doit marquer les 50 ans de la relation entre Bruxelles et Pékin.
A l’issue d’une première série d’entretiens, le dirigeant espagnol a déclaré que «l’Espagne considère la Chine comme un partenaire de l’UE», malgré la position officielle de Bruxelles, relèvent certains médias, qui définit officiellement la Chine comme un «partenaire, concurrent et rival systémique». Washington a critiqué l’ouverture de l’Espagne à la Chine, le secrétaire au Trésor, Scott Bessent, ayant déclaré que s’acoquiner avec Pékin revenait à «se trancher la gorge». La partie ne fait que commencer et le jeu d’alliances risque de réserver des surprises. Ali Benyahia