Essais nucléaires français en Algérie : Crimes imprescriptibles, 64 ans après

14/02/2024 mis à jour: 00:00
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Les retombées radioactives du premier essai nucléaire français dans le Sud s’étendaient à toute l’Afrique de l’ouest et au sud de l’Europe - Photo : D. R.

Le dossier des essais nucléaires, en suspens, constitue l’un des plus sérieux écueils au traitement de la question mémorielle entre l’Algérie et la France.

L’Algérie a commémoré, hier, le 64e anniversaire des explosions nucléaires menées par les autorités coloniales françaises dans le Sud algérien.

Ces essais, effectués dans des zones considérées aujourd’hui comme interdites car radioactives, sont synonymes de crimes contre l’humanité; des crimes imprescriptibles qui engagent pour toujours la responsabilité de l’Etat français.

Entre 1960 et 1966, la France a effectué 57 essais et explosions nucléaires : 4 essais aériens à Reggane, 13 autres souterrains à In Ecker (Tamanrasset), 35 essais complémentaires à Hammoudia et cinq essais sur le plutonium dans une zone à In Ecker, située à 30 km de la montagne où ont eu lieu les essais souterrains.

«Gerboise bleue» était le nom de code donné à la première bombe au plutonium (bombe A) qui a explosé le 13 février 1960 à 7h du matin à El Hammoudia.

La puissance de la bombe était quatre fois plus forte que Little Boy, la bombe à base d’uranium, larguée par les Américains le 6 août 1945 sur la ville japonaise d’Hiroshima. Le dossier des essais nucléaires, qui demeure encore en suspens, constitue l’un des plus sérieux écueils au traitement de la question mémorielle entre l’Algérie et la France.

L’Algérie n’a d’ailleurs de cesse d’appeler la France à indemniser les victimes des essais nucléaires, à livrer les cartes topographiques des lieux d’enfouissement des déchets radioactifs et à engager des opérations de décontamination des lieux où les essais ont eu lieu.

«(…) Ce dossier épineux (essais nucléaires, ndlr) se heurte toujours aux frustrations du passé colonial qui empêchent un traitement responsable et objectif du dossier de la Mémoire, lequel hypothèque l’avenir des relations bilatérales algéro-françaises et repousse toute démarche visant à élargir les domaines de coopération sur une base solide fondée sur la confiance» a souligné, hier, l’APS dans une longue dépêche diffusée en cette date commémorative.

«Toute tentative de traiter les séquelles du génocide commis le 13 février 1960 par la France coloniale s’accompagne de nouvelles complications (…) et dissimule, au plus profond, une volonté politique fluctuante dénuée du courage de reconnaître, de sincérité et de bonnes intentions», a ajouté la même source.

Tebboune : «Les Algériens attendent une reconnaissance totale»

Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait, rappelons-le, affirmé dans l’une de ses déclarations à la presse que les Algériens «attendent une reconnaissance totale de tous les crimes commis par la France coloniale», insistant sur l’impératif pour la France de «nettoyer les sites des essais nucléaires et de prendre en charge les victimes de ces explosions».

Lors des consultations politiques entre les deux pays, la partie française s’est ainsi engagée à «accélérer le processus de restitution des archives et à traiter la question des sites des essais nucléaires devant être réhabilités et aborder ainsi l’avenir avec sérénité et respect mutuel».

La loi française dite «loi Morin» relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes directes des essais nucléaires, promulguée en 2010, n’a cependant prévu aucune disposition pour leurs proches, en termes de préjudices moral, familial ou matériel.

Elle comporte même plusieurs vides juridiques en faveur de la partie française. Dans une déclaration à l’APS, l’expert français Tony Fortin avait affirmé que l’application de la «loi Morin pose un réel problème», estimant que la situation est «complexe» en ce qui concerne les indemnisations qui restent «très limitées par rapport au nombre effectif de victimes».

Il a fait état, en outre, d’une étude réalisée par l’Observatoire des armements sur les déchets des explosions nucléaires françaises en Algérie déplorant le fait que «jusqu’à présent, rien ne semble avoir changé à ce niveau».

Il y a lieu de savoir que,jusqu’à ce jour, les autorités algériennes n’ont reçu aucune carte ou plan des lieux d’enfouissement des équipements utilisés lors de ces explosions, malgré les nombreux appels et initiatives lancés par plusieurs associations pour la prise en charge des victimes, la décontamination des sites des déchets radioactifs et la restitution des archives médicales et techniques.

Des organisations non gouvernementales internationales ont appelé, dans une lettre rédigée en août 2023, les autorités françaises à lever le secret-défense sur les archives des essais nucléaires pour permettre aux organisations internationales chargées de la surveillance et du contrôle de les consulter sans invoquer le secret-défense et la sécurité nationale, à dévoiler et à dépolluer les sites d’enfouissement des déchets, à faciliter le dépôt des demandes d’indemnisation des victimes algériennes et à signer ou à ratifier le traité sur l’interdiction des armes nucléaires. 

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