Elkeurti Mohamed. Ecrivain : «Mes personnages ne sont pas gâtés»

20/02/2024 mis à jour: 01:35
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Dans l’entretien qu’il a accordé à El Watan, Mohamed Elkeurti parle de son recueil de nouvelles qui a rencontré un joli succès public. Il précise que ses personnages «ne sont pas gâtés, du fait que les situations dans lesquelles ils se trouvent ne sont rien moins qu’angoissantes, sinon étranges, et c’est l’‘essence même de la littérature fantastique qui suppose l’intrusion de l’irrationnel, du macabre quelquefois dans un quotidien ordinaire».
 

 

Propos recueillis par  Nadir iddir

 

 

-Vos récits ne s’éloignent pas de la réalité. L’épisode de l’épidémie de Covid, par exemple, est présent dans la première nouvelle du recueil, Covidum. Un auteur de la littérature fantastique peut ne pas s’éloigner de la vie de tous les jours…
 

Tout auteur s’exprimant dans n’importe quel genre littéraire peut prendre comme point de départ un fait réel dont il est témoin ou qu’il a ouï-dire pour extrapoler afin d’en faire sortir une œuvre littéraire. Dans le cas de l’épidémie (la pandémie) de la Covid, elle ne pouvait qu’inspirer un auteur auparavant lecteur de dystopies et de récits post-apocalyptiques pour imaginer des lendemains incertains et pas du tout roses.
 

-Vos personnages connaissent parfois des situations tragiques. Ces moments ne nous rendent-elles pas plus «acceptables» l’intrusion de la mort, omniprésente dans le recueil ?

Il est indéniable que mes «héros» ne sont pas gâtés, du fait que les situations dans lesquelles ils se trouvent, ne sont rien moins qu’angoissantes, sinon étranges, et c’est ‘essence même de la littérature fantastique qui suppose l’intrusion de l’irrationnel, du macabre quelquefois dans un quotidien ordinaire. Mais l’issue de mes histoires n’est pas toujours fatale. Souvent, mon héros en réchappe. De justesse, peut-être, mais il en réchappe.
 

-L’influence des pionniers de la littérature d’épouvante, comme E. A. Poe et H. P. Lovecraft, est évidente. Comment s’est faite votre rencontre avec ces auteurs ?

Alors que je suis un grand lecteur de SF, un recueil de nouvelles de Lovecraft est tombé entre mes mains (Dagon et autres nouvelles – collection J’ai Lu) ; je l’ai «essayé» et je fus bouleversé par les mondes qu’il m’offrait : macabres, merveilleux, sordides… il était impossible que je ne sois pas fasciné. Et je revendique plus une filiation avec Lovecraft (que j’ai plus lu) qu’avec Edgar Poe mais ce dernier reste une référence incontournable.

 

-D’autres écrivains plus contemporains vous ont probablement aidé à cheminer, «parmi cette forêt incroyablement luxuriante - où les plantes néfastes poussent plus dru que les arbres fruitiers», comme le dit si joliment Jacques Finné, dans son Panorama de la littérature fantastique américaine. Lesquels ?

Oui, il y a u aussi - et encore plus - l’influence d’un auteur qui oscille entre le fantastique et la SF : Richard Matheson ; dont quelques ouvrages sont un mélange réussi entre ces deux genres littéraires : SF et fantastique. Je pense à son chef d’œuvre Je suis une légende qui est un sommet du genre.

Stephen King également, mais que j’ai surtout connu à travers les adaptations au cinéma : The Shining ( Kubrick) ; Misery ( Rob Reiner), The Green Mile ( Frank Darabont), Christine ( John Carpenter, The Mist). Cependant, question style, je revendique aussi la filiation avec des auteurs de littérature mainstream, comme John Steinbeck et Romain Gary. 
 

-La littérature algérienne ne s’est pas beaucoup intéressée à ce genre littéraire : de très rares textes ont été publiés ces dernières décennies. Pourtant, la littérature orale (contes, poésie) et même la tradition religieuse regorgent de récits qui aurait pu aider les auteurs à exceller dans ce genre…

Lors de mes différentes rencontres avec le public, c’est un point que je ne manque jamais de citer. Je martèle à chaque fois - notre patrimoine oral et religieux est d’une richesse inouïe en matière de récits fantastiques et de mythes (les ghouls, les djinns, l’exorcisme, les sorcières en plus des récits que portés par des écrits comme Les Mille et une Nuits, L’Ane d’or d’Apulée et bien d’autres et ceux véhiculés par le Livre Sacré : l’Ascension (Israa wel Mi’raj), les Gens de la Caverne…), un patrimoine dont l’Occident a bien profité pour nourrir son imaginaire et créer un courant littéraire très prisé par les adolescents et les adultes. Il n’y a qu’à voir les blockbusters au cinéma ou la télévision dans ce genre littéraire : Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, Games Of Thrones…

Cette lacune n’est pas propre à l’Algérie mais à tout le monde arabe. Cependant, il semble que certains jeunes auteurs commencent à «investir le créneau» : Ahmed Gasmia, Sarah Rivens (un véritable phénomène récupéré par l’édition française), Abdelaziz Otmani…
 

-D’autres projets en vue ?

Pour les projets, pêle-mêle, il y aura probablement un deuxième recueil de nouvelles fantastiques (pratiquement prêt) ; un ou 2 recueils de poésie, deux romans en littérature mainstream… Le reste, on verra en fonction de la disposition des éditeurs et du Destin.

 

 

Bio-Express
Elkeurti Mohamed est natif de Mascara (1957). Licencié d’anglais à Oran (1979) et PES d’anglais de 1979 à 89, il a été à la tête d’une délégation d’étudiants dans le cadre du jumelage avec la ville d’Elkader, Iowa, USA, en 1987. Président de l’association culturelle Emir Abdelkader depuis fin 1987 qui anime le plus ancien ciné-club d’Algérie depuis. (En pause depuis 3 ans dans l’attente d’une reprise). Il a collaboré à un recueil de nouvelles collectif et à plusieurs concours de nouvelles. Nouvelles de l’Infra- monde chez Casbah est son premier ouvrage en solo. 

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