Le PP d'Alberto Nunez Feijoo ne compte pas reconduire le cavalier seul de son concurrent sur les options diplomatiques stratégiques, encore moins assumer son parti pris sur le Sahara occidental. En cas de victoire, il annonce un retour à la position antérieure de l’Espagne sur le dossier, fondée sur le triptyque de «la neutralité, l'équilibre et la transparence».
Dans une semaine, le 23 juillet, Pedro Sanchez et son gouvernement socialiste, issus du parti PSEO, se soumettront au verdict des urnes lors d’un scrutin législatif, qui s’annonce, selon les sondages, en faveur du rival de droite, le Parti populaire (PP), mené par Alberto Nuñez Feijoo. Des élections anticipées, décidées par le gouvernement espagnol au lendemain d’une cuisante défaite de la gauche au double scrutin municipal et régional, tenu en mai dernier, et ayant tourné au triomphe de la droite.
Le PP d'Alberto Nuñez Feijoo avait recueilli plus de 7 millions de voix, avec un peu plus d’un million de voix d’écart favorable sur le Parti socialiste. L’extrême droite espagnole, incarnée par le parti Vox, a elle également bénéficié de cette poussée globale des forces traditionalistes, doublant ses scores électoraux en quatre ans et engrangeant plus de 1,5 million de voix aux municipales. Ce regain politique de la droite populaire devrait se confirmer dans une semaine, parient sans hésiter les spécialistes, et placer l’Espagne dans un nouveau cycle politique, avec son lot de changements et de revirements, comme l’a clairement annoncé Alberto Nunez Feijoo au soir de la victoire de son parti en mai dernier.
Lors d’un récent débat télévisé ayant mis en confrontation les deux principaux animateurs des joutes du 23 juillet, Pedro Sanchez est apparu tendu et peu sûr de ses moyens face à un concurrent plus confiant, selon des comptes rendus de presse. Le Premier ministre sortant a dû puiser dans le registre de la peur que suscite généralement l’extrême droite pour avertir les Espagnols contre les risques d’une alliance du Parti populaire avec les radicaux de Vox pour gouverner en cas de victoire dans une semaine.
Globalement, l’inévitable usure du pouvoir, ainsi que la pression inflationniste sur les ménages sont citées comme les éléments desservant l’objectif d’un nouveau mandat au profit de la coalition de gauche, dont le leader, Pedro Sanchez, aurait fait l’erreur de surtout miser sur une action à l’international, estime-t-on encore.
Une gouvernance face à laquelle l’ambitieux Alberto Nunez Feijoo oppose le contre-modèle de la proximité avec «le peuple» et ses préoccupations. Mais au-delà des enjeux strictement espagnols et les craintes européennes de voir un nouveau foyer d’émergence de la droite avec des radicaux au pouvoir, le scrutin de la semaine prochaine retient naturellement l’attention au sud de la Méditerranée.
L’homme qui a provoqué le courroux d’Alger
Le gouvernement espagnol a pris la responsabilité, dès mars 2022, de s’aligner sur la position marocaine concernant le Sahara occidental, mettant fin à sa position de neutralité et cédant à une pression continue du makhzen, via notamment l’instrumentalisation des flux migratoires.
Ce repositionnement, suivi de tentatives maladroites de justifications, fait réagir crescendo Alger, avec un couperet diplomatique qui tombe le jour où Pedro Sanchez confirme le revirement devant le Parlement espagnol. «Les autorités espagnoles se sont engagées dans une campagne tendant à justifier la position qu'elles ont adoptée sur le Sahara occidental, en violation de leurs obligations juridique, morale et politique de puissance administrante du territoire qui pèsent sur le royaume d'Espagne jusqu'à ce que la décolonisation du Sahara occidental soit déclarée accomplie par les Nations unies», note la présidence de la République algérienne le 8 juin 2022 dans une déclaration.
«Ces mêmes autorités, qui assument la responsabilité d'un revirement injustifiable de leur position depuis les annonces du 18 mars 2022, par lesquelles le gouvernement espagnol actuel a apporté son plein soutien à la formule illégale et illégitime de l'autonomie interne préconisée par la puissance occupante, s'emploient à promouvoir un fait accompli colonial en usant d'arguments fallacieux», ajoute encore la Présidence, annonçant dans la foulée «la suspension immédiate» du Traité d’amitié de bon voisinage et de coopération, conclu le 8 octobre 2002 avec le royaume d'Espagne.
Les sanctions imposées par Alger entraînent la baisse immédiate des exportations espagnoles vers l’Algérie à hauteur de 80%, selon des recoupements. Les contrats gaziers sont néanmoins honorés par la compagnie nationale selon ses engagements contractuels, mais avec cette mise en garde renouvelée que tout acheminement de «quantités de gaz naturel algérien livrées à l’Espagne, dont la destination est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels et, par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant Sonatrach à ses clients espagnols».
Des bruits avaient couru des semaines auparavant sur le transfert «clandestin» de quantités de gaz algérien vers le Maroc, via l’Espagne, dans le propos du rapprochement intéressé entre le gouvernement Sanchez et celui de M6.
La suspension des relations commerciales et du partenariat économique coûtent énormément aux fournisseurs traditionnels espagnols, généralement dans la moyenne industrie (céramique, papiers, pièces auto), force de frappe de l’économie du pays. Une situation qui a élargi la base des critiques de la gestion de Pedro Sanchez et qui va certainement s’ajouter au bilan qui fera sa défaite annoncée par les tendances, le 23 juillet.
Alberto Nunez Feijoo, quant à lui, ne compte pas reconduire le cavalier seul de son concurrent sur les options diplomatiques stratégiques, encore moins assumer son parti pris sur le Sahara occidental. En cas de victoire, il annonce un retour à la position antérieure de l’Espagne sur le dossier, fondée sur le triptyque de «la neutralité, l'équilibre et la transparence».