Si quelques interrogations se posent pour décoder ce scrutin 2022, les favoris que les sondages déterminent parmi douze candidats sont loin d’être des inconnus. Le cœur politique de la France balance entre trois avenirs : la reconduction du président sortant ; l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite incarnée par Marine Le Pen (troisième candidature) ou le retour du balancier vers la gauche avec l’accession au pouvoir du leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon (troisième candidature, Union populaire).
Si la prédiction sondagière est respectée, Emmanuel Macron qui brigue sa réélection à la Présidence de la République française devrait être en tête dimanche soir après le dépouillement. Sauf que les dernières dynamiques des sondages publiés jeudi et vendredi peuvent laisser croire que les courbes d’intention de vote se croiseraient peut-être : avec quelques points perdus pour Macron et Le Pen, et des points en hausse pour Mélenchon. Tout peut se jouer sur ce jeu des baisses et des hausses, dans l’isoloir que nul ne peut sonder !
Cependant, les scrutins ont parfois révélé des surprises inattendues mais ils se sont rarement trompés sur les tendances. Surtout cette année. D’abord parce que les deux outsiders ne sont pas là pour faire de la figuration. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont largement su fédérer autour de leur programme comme jamais. Aiguillonnée par les excès droitiers, racistes et fascistes du multi-condamné Eric Zemmour, la candidate Le Pen a pu lisser son image au point que son programme d’extrême-droite n’apparaisse plus comme un danger, ce qu’il est pourtant, selon de nombreux articles qui ont attendu la fin de la semaine dernière pour le rappeler, notamment dans Le Monde et Libération. Pour Mélenchon, sa tonitruante campagne a porté ses fruits. Honni jusque- là par les désespérés de la gauche, il se retrouve en être le seul rêve aujourd’hui. A tel point que les électeurs devraient pour une bonne part renoncer à voter pour le candidat écolo Yannick Jadot ou pour le communiste Fabien Roussel et opter pour le vote efficace de mettre Mélenchon en position d’être au deuxième tour.
UNE CAMPAGNE SANS DÉBATS CONTRADICTOIRES
Ensuite deuxième inconnue : la position fragile de favori de Macron. Porté par la guerre en Ukraine, il a cru qu’il pourrait se passer de campagne. Refusant tout débat contradictoire télévisé. Les douze candidats le lui ont reproché et les électeurs ont trouvé atones les échanges à la télévision sans échanges entre les candidats et surtout sans la présence du chef de l’Etat-candidat. Macron n’a peut-être pas mesuré que la mesure de suppression de l’impôt sur la fortune, la crise des Gilets jaunes en 2018 puis la pandémie de la Covid et l’obligation du passe vaccinal ont exacerbé le ressentiment de larges pans de la société à son égard. Sans compter les questions sociales : le pouvoir d’achat en berne et les salaires qui ne suivent pas ; les retraites insuffisantes ; le déclassement de nombreuses catégories sociales ; le problème du logement, du travail…
Et enfin la guerre d’Ukraine où si le soutien au peuple ukrainien ne fait l’ombre d’aucun doute, le bellicisme des va-t-en guerre fait peur… Ce qui fait dire au candidat communiste Fabien Roussel : «On a vécu une campagne sous Pfizer, on la finit sous morphine», regrettant de ne pas avoir pu «débattre avec le candidat Macron de la fraude fiscale, de la vie des salariés, des retraités.» «C’est grave qu’il ait refusé», a ajouté le candidat communiste, crédité de quelque 3% des intentions de vote. Comme le note le quotidien Libération, pour l’entourage du Président, «la sérénité a disparu.
«DE ‘‘TOUT SAUF LE PEN’’ A UN ‘‘TOUT SAUF MACRON’’» ?
La panique n’est pas de mise. Mais une certaine nervosité gagne le camp présidentiel. A l’inverse, Marine Le Pen, principale concurrente d’Emmanuel Macron, surfe sur une dynamique qui impose plus que jamais d’alerter sur le danger que représente l’extrême droite. Si Emmanuel Macron reste le favori, il n’a pas su, depuis son entrée en campagne, créer la dynamique qui l’aurait mis à l’abri de toute fébrilité».
Certains n’hésitant pas à dire que si en 2017 le slogan «Tout sauf Le Pen» était en vogue, l’ensemble des candidats se sont nettement placés contre le bilan du président, dans un «Tout sauf Macron». Le danger de voir l’extrême-droite en position de force au premier tour n’est pas exclu avec le risque de voir au second tour céder le «barrage» contre l’extrême droite le 24 avril. D’où le forcing du candidat Mélenchon qui fait feu de tout bois pour créer les conditions d’un second tour offensif. «Bien que distancé assez largement par Marine Le Pen, l’Insoumis à la tête de l’Union populaire veut jouer les trouble-fêtes.
Cette campagne, il la sent bien. S’il parvient à siphonner les voix des autres partis de gauche, c’est jouable pense-t-il», écrit Libération. Citer par Le Figaro, Mélenchon indique : «Nous savons que nous pouvons porter la plus incroyable bifurcation politique qu’on puisse imaginer», croyant que la qualification au second tour «peut se jouer à peu de chose».
La grande question sera de savoir s’il serait contre Macron ou contre Le Pen. Personne ne se risquerait à faire un pronostic sur un scrutin qui pourrait apporter une nouvelle fois une surprise comme les élections françaises savent parfois en réserver aux analystes trop pressés de conclure.
Paris
De notre bureau Walid Mebarek
Macron, Jadot en tête d’un classement sur le volet européen de leur programme
Emmanuel Macron, l’écologiste Yannick Jadot, la socialiste Anne Hidalgo et la candidate de la droite Valérie Pécresse obtiennent les meilleures notes d’un classement d’organisations européennes sur le volet européen de leur programme à la présidentielle française, les deux candidats d’extrême droite obtenant les plus mauvaises notes. L’agence de notation «EEE» a été mise en place par six organisations européennes «afin d’évaluer le volet européen des programmes des principaux candidats» à la présidentielle de 2022 et «remettre l’Europe au coeur des débats de la campagne», selon un rapport publié fin mars. Le président sortant et candidat à sa réélection Emmanuel Macron obtient la note de 17,5 sur 20, Yannick Jadot (15), Anne Hidalgo (12,5), Valérie Pécresse (11,5), le communiste Fabien Roussel (8,5), Jean-Luc Mélenchon (6,5 - gauche radicale). Les candidats d’extrême droite Marine Le Pen (5) et Eric Zemmour (2) ferment la marche. L’agence EEE estime notamment que le programme du candidat Macron «pour atteindre l’objectif européen de neutralité carbone à 2050 est ambitieux et réaliste». «En matière économique et financière, l’ambition se décline dans plusieurs propositions éligibles, audacieuses et très pertinentes (rénovation du modèle de croissance européen, réforme des règles budgétaires, appui à une nouvelle initiative de relance, synergies environnement-commerce et économie)», ajoute l’agence. R. I.