La campagne pour l'élection présidentielle de novembre aux Etats-Unis s'annonce atypique : deux hommes très âgés, en lice pour un poste qu'ils ont déjà chacun occupé, se livreront à ce qui devrait être l'un des plus longs face-à-face électoraux de l'histoire américaine.
Le président sortant démocrate Joe Biden, 81 ans, et son prédécesseur républicain Donald Trump, 77 ans, ont obtenu dès mardi au terme de primaires dans quatre Etats américains (Georgie, Mississippi, Washington, Hawaï) assez de délégués pour s'assurer chacun l'investiture de leur parti, selon des estimations de médias américains. Les résultats étaient pratiquement acquis d'avance, les deux hommes – le duo le plus âgé de candidats jamais investis – ayant éliminé la concurrence.
Joe Biden n'a jamais fait face à une opposition sérieuse et la dernière rivale de Donald Trump, Nikki Haley, a jeté l'éponge le 6 mars. M. Biden a franchi le seuil des 1968 délégués nécessaires en remportant la primaire démocrate de Georgie (Sud). Et M. Trump, grâce à sa victoire dans l'Etat de Washington (Nord-Ouest), a dépassé la barre des 1215 délégués nécessaires. Alors que les deux hommes s'apprêtent à refaire le match de 2020, ils ont échangé des mots durs, donnant le ton à une campagne qui promet d'être âpre pendant presque huit mois. «Je suis honoré que la large coalition de votants représentant la riche diversité du parti démocrate à travers le pays aient placé leur foi en moi une fois encore pour conduire le parti – et le pays –, à un moment où la menace que constitue Trump est plus grande que jamais», a déclaré M. Biden.
Si la ré-investiture précoce d'un président sortant est la norme, la victoire de M. Trump dans quasiment toutes les primaires républicaines à ce jour lui a permis de s'assurer l'investiture bien plus tôt que la plupart des candidats de l'opposition lors des précédentes campagnes. M. Trump fait l'objet de multiples poursuites judiciaires qui pour le moment n'ont pas entravé sa campagne. Il a assuré dans un communiqué de victoire que le parti républicain restait fort et uni derrière lui. «Nous devons maintenant nous remettre au travail parce que nous avons le pire Président de l'histoire de notre pays – son nom est Joe Biden le véreux – et il doit être vaincu», a déclaré M. Trump dans une vidéo diffusée sur X. «Notre pays décline, nous sommes un pays en grave déclin. Nous sommes considérés presque comme une blague», a-t-il poursuivi.
Le «mugshot»
«Nous devons gagner et nous devons gagner avec une large avance parce qu'il n'y a jamais eu quelqu'un de pire pour faire le travail que Joe Biden.» D'ici au scrutin du 5 novembre, les deux candidats pourront désormais consacrer toute leur énergie à leur face-à-face.
Donald Trump fait campagne en s'opposant frontalement à la politique de Joe Biden en matière d'immigration, l'accusant d'avoir transformé en passoire la frontière sud des Etats-Unis. Mais c'est aussi à la demande de M. Trump qu'une loi sur l'immigration, négociée durant des mois par les deux partis, a finalement été rejetée par les républicains au Congrès. La question est devenue particulièrement sensible en Georgie, où le meurtre d'une étudiante américaine par un Vénézuélien en situation irrégulière a été mis en avant par le camp républicain.
Donald Trump en a fait le symbole de la politique d'immigration de Joe Biden, qu'il accuse d'être trop laxiste face aux nombreuses arrivées à la frontière avec le Mexique. En 2020, la Georgie, Etat traditionnellement républicain, avait à la surprise générale voté démocrate, contribuant de façon décisive à la victoire de Joe Biden. Donald Trump avait fait pression sur des responsables électoraux locaux, leur demandant de «trouver» le nombre de voix nécessaires pour combler son retard.
L'ancien Président a été inculpé dans ce dossier et a fait de sa photo d'identité judiciaire (le fameux «mugshot»), prise dans la capitale Atlanta, un article de campagne. La Georgie risque d'être à nouveau décisive en novembre, l'écart entre MM. Trump et Biden y étant très serré, selon les sondages. Les deux hommes y ont tous deux mené campagne samedi. Dans l'élan d'un discours particulièrement pugnace devant le Congrès jeudi, Joe Biden s'est rendu à Atlanta pour tenter de mobiliser l'électorat afro-américain et hispanique.
Donald Trump s'est livré dans une imitation d'un Joe Biden bégayant, moquant comme il le fait régulièrement la forme mentale et physique qu'il juge défaillante de son concurrent. La Pennsylvanie, le Michigan, l'Arizona, la Caroline du Nord, le Wisconsin et le Nevada figurent parmi les autres Etats potentiellement décisifs en novembre, ce que les Américains appellent les «swing states».