Les risques géopolitiques, la crise politique au Niger et ses conséquences sur les pays voisins remettent le continent africain au devant de l’actualité mondiale.
Continent riche de sa jeunesse et de ses ressources naturelles, l’Afrique peut-elle réinventer ses opportunités économiques au profit de ses populations, condamnées souvent à l’exil et en quête de pays plus cléments. De bonnes gouvernances politiques et économiques, conjuguées à plus de solidarités interafricaines feraient certainement sortir le continent de sa léthargie. D’ici 2050, environ 25% de la population mondiale sera originaire du continent africain.
Avec une population de 1,3 milliard de personnes réparti dans 54 pays, l’Afrique a une économie de 2,5 billions de dollars. Loin d’être un groupe monolithique, le continent peut-être réparti en quatre groupes de pays : les producteurs constants, les accélérateurs récents, les ralentissements récents et les pays à croissance lente.
Le cabinet conseil américain McKinsey, qui a produit récemment un rapport sur la question estime qu’environ la moitié de l’Afrique vit dans des pays au-dessus de la moyenne. Ils ont connu une croissance supérieure à la moyenne au cours des dix dernières années.
Mais ces pays ne représentent qu’un quart du PIB de l’Afrique, car ils ont tendance à être principalement des pays plus petits d’Afrique de l’Est et de l’Ouest. «Ce qui a fait baisser la moyenne de croissance, c’est le fait que les six premières économies, à savoir l’Algérie, le Nigeria, l’Egypte, le Maroc, l’Afrique du Sud et l’Angola» ont toutes ralenti, selon le cabinet conseil.
Ce rapport qui s’ouvre sur le contexte pessimiste de la chute du PIB et du retard de productivité en Afrique reste tout de même optimiste quant à l’avenir. Une explication, selon les rédacteurs du rapport, liée au fait qu’une personne sur six dans le monde vient d’Afrique. D’ici 2050, ce nombre passera à 2,5 milliards.
C’est presque une personne sur quatre dans le monde. Par ailleurs, c’est la région qui s’urbanise le plus rapidement au monde. 500 millions de personnes vont quitter la campagne pour s’installer dans les villes d’ici 2040, indique-t-on. Donc, une population massive conjuguée à une urbanisation rapide aura des conséquences bénéfiques sur les entreprises.
D’ailleurs le rapport du cabinet conseil a identifié des entreprises valant des milliards de dollars, appelés les champions d’Afrique. Ce sont des entreprises qui génèrent 1 milliard de dollars ou plus de revenus et qui sont dans le secteur privé, les entreprises du secteur public, les entreprises d’Etat ou les multinationales.
Elles sont au nombre de 345 entreprises, selon le rapport. «Il y a donc certainement du dynamisme dans l’économie, et c’est une autre raison d’être optimiste», a-t-on tenu à souligner. Autre raison d’optimisme des rédacteurs du rapport, c’est qu’au cours des cinq dernières années, le montant des investissements réalisés dans les entreprises technologiques en Afrique a dépassé la croissance observée dans le reste du monde.
Il a en fait grandi environ 20 fois. Les PME (petites et moyennes entreprises), qui sont des moteurs de l’économie et de la croissance de l’emploi, malgré le niveau macroéconomique global de l’Afrique, sont un autre facteur d’optimisme, selon le cabinet conseil. Mais même s’il existe des tendances optimistes, la vérité est que la productivité est encore bien inférieure à ce qu’elle devrait être.
Et les causes de la baisse de productivité sont multiples, selon les rédacteurs du rapport. En effet, a-t-on indiqué, durant les années 1990, le PIB a augmenté d’environ 2,7% en Afrique, mais la population a augmenté d’environ 12,7%. Donc, net à filet, nous ne faisions aucun progrès. Et puis 2000 est arrivé, et le PIB a grimpé à 5,1%.
C’est ce que les gens appellent la période de «montée de l’Afrique». Tout le monde s’est enthousiasmé à ce sujet, car la productivité a explosé. Les 30 premières économies d’Afrique étaient en croissance. Cependant, au cours des dix dernières années, cela a été plus difficile.
La productivité est un gros problème depuis longtemps sur tout le continent. En outre, tous les secteurs en Afrique, qu’il s’agisse des services, de l’agriculture, des ressources ou de la fabrication, ont soit la productivité la plus faible, soit la deuxième plus faible productivité de toutes les régions du monde. Et le plus grand défi est comment relancer la croissance ?
La croissance a été beaucoup trop tirée par les prix des produits de base et par les investissements directs étrangers sur le continent. «Nous devons la relancer de manière à modifier structurellement nos secteurs et à nous attaquer réellement à la productivité», estiment les rédacteurs du rapport.
Seulement 2% de la production manufacturière mondiale
Et la question de savoir comment pouvons-nous augmenter la productivité dans le secteur des services, les experts de McKinsey estiment que différents pays ont des points de départ différents, estimant que quelques éléments généraux peuvent aider à stimuler la productivité.
Le premier est numérique et la technologie. La technologie peut être un moyen de résoudre les problèmes du continent avec des solutions africaines. Le deuxième est le talent et le développement des talents. «Nous pouvons aider la main-d’œuvre croissante à acquérir les compétences dont les employeurs ont besoin. Il ne s’agit pas seulement de développer des talents pour l’Afrique, mais aussi pour le reste du monde», a-t-on indiqué.
De même qu’il existe des opportunités incroyables dans l’amélioration de la productivité par la technologie dans les secteurs bancaires et financiers. Dans ces domaines, nous voyons comment les téléphones mobiles et Internet aident à attirer de nouveaux clients.
Aussi, cela peut également aider les prestataires de services financiers à être plus efficaces et à faire plus avec moins dans leurs processus de back-office. La technologie permet aux fournisseurs de créer, stocker et analyser de grands ensembles de données pour mieux servir leurs clients. Donc, dans une seule industrie, en regardant un levier, vous pouvez déjà voir d’énormes possibilités d’amélioration.
La croissance dans le secteur manufacturier a pris du retard. Aujourd’hui, l’Afrique ne représente que 2% de la production manufacturière totale mondiale. En outre, seulement 0,6% des importations mondiales de produits manufacturés proviennent d’Afrique. «Donc, c’est vraiment sous-pénétré», estiment les rédacteurs du rapport.
Et de citer les défis d’accéder à des ventilateurs, à des trousses de test, puis à des vaccins durant la crise pandémique de Covid-19. A cet effet, l’accent a été mis sur la transformation du secteur manufacturier de deux manières. L’un est pour l’autosuffisance : réfléchir aux produits à fabriquer localement comme le blé, importé à environ 71% alors que des régions d’Afrique peuvent bien en cultiver. La deuxième dimension de la fabrication est la valeur ajoutée.
Les ressources naturelles sont sorties du sol et exportées directement sans ajouter de valeur à ces ressources. Et non seulement, il y a lieu de résoudre le problème de la fabrication, mais aussi il y a lieu de le faire de manière concurrentielle, estiment les expert de McKinsey. «Tout le monde n’a pas besoin de fabriquer la même chose. Nous devons également apprendre à mieux commercer avec nous-mêmes et à améliorer la connectivité à travers le continent» a-t-on tenu à souligner.
Et d’ajouter : «A l’heure actuelle, nous échangeons le moins. Il est inférieur à 17% en Afrique, contre 60% en Europe et 30% en Amérique latine. Ainsi, veiller à ce que nous ayons une meilleure connectivité entre les Etats-nations africains peut aider indirectement à stimuler la productivité, car il existe un marché captif pour les produits fabriqués au niveau régional.»