- Vous êtes membre du comité scientifique et technique de la lutte contre la désertification et de la restauration du barrage vert, installé en juin dernier. Quelle en est la mission ?
Il s’agit de l’accompagnement des opérations d’aménagement qui entrent dans le cadre de la relance du projet du barrage vert. Les opérations sont multiples. De la monoculture, reboisement avec le pin d’Alep, comme cela a été l’usage dans l’ancienne version du projet, où seule la steppe pastorale a été prise en compte, il faut passer à la diversification, en considérant d’autres aspects dont ceux forestiers, fourragers et fruitiers.
Et c’est là qu’intervient le comité scientifique et technique. L’impact du changement climatique n’est pas à ignorer, il est au cœur du procédé et c’est du ressort des universitaires issus, dont certains d’entre eux, du comité du climat et impliqués dans le projet sur décision du président Abdelmadjid Tebboune. Ils veilleront à ce que les choix, concernant les plantes et les sites à reboiser, soient les mieux adaptés.
Le rôle du comité, dont le président est le Pr Abdelkader Morsli de l’Ecole nationale supérieure d’agronomie (ENSA), est tout d’abord d’évaluer, d’expertiser et de formuler des recommandations à caractère scientifique pour mener à bien les programmes de lutte contre la désertification et le développement du barrage vert.
- Le comité en question a-t-il déjà élaboré une feuille de route ? Si oui, quelles en sont les principales actions ?
Les ateliers qui ont ponctué la journée d’étude, organisée à la faveur de la célébration de la Journée mondiale de lutte contre la désertification, ont permis au comité scientifique et technique d’évaluer les états des lieux, puis de dégager les thématiques qui formeront la base de son intervention.
En amont, les membres ont débattu des différents scénarios que peut engendrer le réchauffement climatique sur 30, voire 50 ans. L’enjeu est d’anticiper les effets dus aux aléas climatiques pour assurer la viabilité du barrage vert. D’où la proposition de favoriser les plantes résistantes à ces éventuelles évolutions.
C’est aussi le rôle du comité d’effectuer des études scientifiques en employant les modèles de distribution des espèces.
- En somme, il est recommandé de diversifier le couvert végétal, étant donné que la conception monoculture n’a pas été totalement concluante ?
Effectivement, la nouvelle conception du projet implique dans ses contours la prise en compte des produits du terroir et la culture vivrière, représentant des actions génératrices d’économie. C’est aussi le principe d’avantager les espèces indigènes dont les semences peuvent être fournies par les pépinières locales.
Ces dernières existent en nombre suffisant pour satisfaire la demande en la matière, mais peuvent nécessiter une main-d’œuvre qualifiée, donc il faut penser à l’encadrement. Il y aura aussi des zones fourragères.
Un recours à la plantation des arbustes «Atriplex» dont les capacités de résistance au climat chaud ne sont plus à démontrer ; reste aussi une possibilité. Pour l’heure rien n’est encore tranché ou définitif, le projet reste ouvert aux différentes options d’aménagement. Tout se décidera lors de la première réunion du comité, prévue en septembre prochain.
- La relance du barrage vert, si en premier lieu est destinée à stopper l’avancée du désert, elle aspire aussi à apporter une autre valeur ajoutée…
L'approche basée sur la sensibilisation et l’implication des populations évoluant sur le tracé de la bande verte s’inscrit dans cette optique. Celle de réaliser une chaîne de valeur, écologique et socioéconomique. Il y va de soi que les programmes de plantation se feront par zones biogéographiques.
Il est dévolu au comité la tâche d’élaborer une nomenclature pour classer les espèces par catégories, dont celles forestières, fruitières, pastorales et fourragères, qui pourront servir de moyens de subsistance, de sédentarisation des populations et d’amélioration de leurs conditions de vie.
En parallèle, la protection des espèces pérennes, ainsi que l’aménagement intégré contribueront à la fixation du carbone dans ces régions, et par conséquent à la diminution du rejet dans l’atmosphère de ce même gaz qui, selon les experts, est la principale cause du réchauffement climatique.