Dr Merah Hiba. Maître assistante spécialiste en physiologie clinique et explorations fonctionnelles métaboliques et nutrition au CHU Benflis Touhami de Batna : «Les Sarms sont un danger invisible pour La santé des sportifs»

21/01/2025 mis à jour: 13:50
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Dans cet entretien accordé à El Watan, elle nous apporte un éclairage précis et documenté sur les risques associés à la consommation non encadrée de compléments alimentaires, une pratique de plus en plus répandue notamment dans le milieu sportif mais souvent mal comprise. Réputée dans le milieu sportif, son expertise en la matière va démystifier un sujet d’actualité et fournir des conseils précieux aux sportifs pour une  consommation responsable et contrôlée.

  • Comment décririez-vous les habitudes de consommation des compléments alimentaires dans la société algérienne ?

La consommation de compléments alimentaires en Algérie est en nette augmentation, notamment depuis la pandémie de Covid-19. Une étude menée à Tébessa a révélé que 88% des personnes interrogées consomment des compléments alimentaires, avec une prédominance chez les jeunes (âge moyen de 30 ans) et sans différence significative entre les sexes. Les vitamines (66%), les oligoéléments (44,5%), les protéines (37%) et les sels minéraux (33%) sont les plus utilisés. Les motifs principaux incluent l’augmentation de la masse musculaire (49%) et la lutte contre la fatigue (45%).

  • Que cherche-t-on dans les compléments alimentaires et quels types de compléments sont les plus prisés en Algérie et pourquoi ?

Les Algériens cherchent principalement à combler des carences nutritionnelles, à améliorer leurs performances physiques et à prévenir les problèmes de santé. Les vitamines (C, B, D), les protéines et les minéraux sont les plus prisés en raison de leur rôle dans le renforcement du système immunitaire, la croissance musculaire et la prévention des déficiences comme la carence en vitamine D (56,92%) et en fer (49,23%).

  • Quels sont les risques sanitaires les plus fréquents liés aux compléments alimentaires, notamment ceux importés ?

Les risques sanitaires incluent des interactions médicamenteuses, des problèmes hépatiques, rénaux et cardiaques, ainsi que des effets secondaires graves dus à des surdosages ou à des composants non déclarés. Certains produits importés contiennent des substances chimiques non autorisées, comme des médicaments pour l’impuissance sexuelle, ce qui représente un danger pour la santé.

  • Existe-t-il des substances spécifiques dans ces produits qui posent un danger particulier pour les consommateurs algériens ?

Des analyses ont révélé la présence de composants chimiques non déclarés, tels que des médicaments pharmaceutiques (comme le Viagra) et des substances toxiques. Ces produits, souvent étiquetés comme «naturels», peuvent contenir des ingrédients nocifs pour la santé.

  • Quels sont les dangers spécifiques pour eux en termes de santé (cardiaque, rénale, hépatique...) ? 

Les sportifs, en particulier les amateurs, risquent des problèmes cardiaques, hépatiques et rénaux dus à une consommation excessive ou inappropriée de compléments alimentaires. Les professionnels, souvent encadrés médicalement, sont moins exposés, mais les amateurs peuvent souffrir de complications graves en raison d’un manque de supervision. Les sportifs amateurs sont-ils plus à risque que les professionnels, qui ont parfois un encadrement médical ?

  • Qu’est-ce que les SARMs, et pourquoi sont-ils utilisés en musculation ?

Les SARMs, ou Modulateurs sélectifs des récepteurs androgéniques, sont des composés qui imitent les effets anabolisants des stéroïdes tout en ciblant de manière plus sélective les tissus musculaires et osseux. Cela les rend populaires en musculation, bien qu’ils comportent des risques importants, surtout lorsqu’ils sont utilisés sans suivi médical.

  • Quels sont les principaux effets secondaires des SARMs ?

Les effets secondaires les plus courants incluent une suppression de la production naturelle de testostérone, pouvant entraîner une atrophie testiculaire, une baisse de libido, une infertilité et des déséquilibres hormonaux, tels que la gynécomastie. Les SARMs peuvent également être toxiques pour le foie, avec des dommages signalés comme une élévation des enzymes hépatiques, notamment avec des composés comme le Ligandrol.

Au niveau cardiovasculaire, ils peuvent réduire le bon cholestérol (HDL) et augmenter le mauvais cholestérol (LDL), ce qui accroît les risques de maladies cardiaques. Sur le plan psychologique, ils peuvent provoquer irritabilité, agressivité et fatigue, et certains utilisateurs rapportent également une perte de cheveux ou de l’alopécie.

  • Quels sont les risques à long terme des SARMs, notamment pour les jeunes ?

Les risques à long terme incluent des perturbations du développement hormonal, notamment chez les jeunes, pouvant entraîner des problèmes de croissance, un retard dans la maturation sexuelle et des dommages irréversibles au système reproducteur.

Une utilisation prolongée peut causer des lésions hépatiques chroniques, voire une cirrhose, ainsi que des problèmes rénaux. Les effets cardiovasculaires augmentent les risques d’athérosclérose, de crises cardiaques et d’accidents vasculaires cérébraux.

Une dépendance psychologique peut également se développer, certains cherchant à maintenir une apparence physique idéalisée au détriment de leur santé. Enfin, bien que les données soient limitées, certains experts craignent un risque accru de cancers hormonodépendants, comme celui de la prostate. Les SRAMs représente un danger représente un danger invisible pour la santé des sportifs.

  • Comment les SARMs diffèrent-ils de la testostérone synthétique ?

La testostérone synthétique agit sur tous les récepteurs androgènes du corps, entraînant des effets secondaires systémiques, tandis que les SARMs sont conçus pour cibler spécifiquement les récepteurs des muscles et des os, bien que cette sélectivité ne soit pas parfaite.

La testostérone est utilisée médicalement pour traiter des conditions comme l’hypogonadisme sous contrôle strict, tandis que les SARMs, non approuvés pour un usage médical dans la plupart des pays, sont souvent importés illégalement pour un usage sportif, augmentant les risques d’abus.

Bien que les risques de la testostérone soient bien documentés, incluant des problèmes cardiovasculaires, de gynécomastie et de suppression hormonale, ceux des SARMs restent moins étudiés, avec une toxicité hépatique potentiellement plus marquée. Enfin, la testostérone est disponible légalement sur ordonnance pour des raisons médicales, tandis que les SARMs sont illégaux dans de nombreux pays, y compris pour un usage sportif.

  • Quelles sont vos recommandations pour ceux qui envisagent d’utiliser des SARMs ou de la testostérone ?

Il est fortement recommandé d’éviter toute automédication, car l’utilisation des SARMs et de la testostérone synthétique sans suivi médical peut entraîner de graves conséquences pour la santé.

Il est préférable de privilégier des alternatives naturelles comme une alimentation équilibrée, un programme d’entraînement adapté et une bonne gestion du stress pour optimiser les performances et la santé. Enfin, en cas de suspicion de déficit hormonal, il est essentiel de consulter un médecin pour effectuer des tests et envisager un traitement approprié.

  • Pensez-vous que les compléments alimentaires importés disponibles en Algérie respectent les normes sanitaires internationales ?

De nombreux compléments alimentaires importés en Algérie ne respectent pas les normes sanitaires internationales. Des produits interdits, contenant des substances dangereuses, sont souvent vendus sans contrôle adéquat.

  • Quels types de contrôles devraient être mis en place pour protéger la santé des consommateurs ?

Il est essentiel de mettre en place des réglementations strictes, des contrôles de qualité rigoureux et des analyses approfondies des composants. Les autorités devraient également interdire la vente de produits non conformes et sensibiliser les consommateurs aux risques.

  • Une alimentation équilibrée peut-elle remplacer totalement l’usage des compléments alimentaires chez les sportifs et les non-sportifs ?

Une alimentation équilibrée peut souvent remplacer les compléments alimentaires, en fournissant tous les nutriments nécessaires. Cependant, dans certains cas (carences spécifiques, besoins accrus chez les sportifs), des compléments peuvent être utiles sous supervision médicale.

  • Quels conseils donneriez-vous en tant spécialiste en nutrition aux consommateurs pour choisir des compléments sûrs et adaptés ?

Consulter un médecin ou un pharmacien avant de prendre des compléments, privilégier les produits certifiés et contrôlés et faire attention aux produits aux allégations miraculeuses ou non réglementés.

  • Estimez-vous que le public algérien est suffisamment informé sur les risques liés aux compléments alimentaires ?

Le public algérien n’est pas suffisamment informé sur les risques liés aux compléments alimentaires. Des campagnes de sensibilisation, des formations pour les professionnels de santé et un étiquetage clair pourraient améliorer la situation.

  • Avez-vous observé des cas concrets en Algérie où la consommation de compléments alimentaires a causé des problèmes de santé graves ?

Des cas de complications hépatiques et rénales ont été signalés en raison de la consommation de compléments alimentaires contenant des substances dangereuses. Ces cas pourraient être évités par une réglementation plus stricte et une meilleure éducation des consommateurs.

  • Comment ces cas pourraient-ils être évités grâce à des mesures préventives ou éducatives ?

Mettre en place des campagnes de sensibilisation sur les risques des compléments alimentaires.  Renforcer les contrôles sur les produits importés et locaux. Former les professionnels de santé à conseiller les consommateurs de manière éclairée.

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