Quelque 244 millions d’Américains sont appelés demain aux urnes pour élire leur président.
Ils ont à choisir entre le républicain Donald Trump, président de 2016 à 2020, et Kamala Harris, vice-présidente de Joe Biden, dans un pays profondément polarisé et au climat politique tendu, illustré notamment par la tentative d’assassinat de Donald Trump le 13 juillet, lors d’un meeting en Pennsylvanie.
Plus de 75 millions d’Américains ont voté en avance pour ce scrutin, selon le décompte samedi de l’Université de Floride. Un peu partout aux Etats-Unis, les électeurs peuvent voter par correspondance, ou physiquement de manière anticipée, avant le jour de l’élection.
Dans un scrutin au suffrage universel indirect, les Américains votent pour 538 grands électeurs, qui désignent ensuite le Président. Pour être élu, le candidat doit obtenir la voix de 270 grands électeurs. Chaque Etat a un nombre de grands électeurs différent. Il varie en fonction de la population de l’Etat. Ainsi, le vainqueur n’est pas toujours le candidat qui remporte le plus de voix d'électeurs au niveau national.
Hillary Clinton était l’adversaire de Donald Trump en 2016.
Elle a remporté près de trois millions de voix de plus que D. Trump, principalement parce qu’elle a recueilli un nombre élevé de voix dans des Etats bastions démocrates densément peuplés, comme New York et la Californie. Cependant, son rival l’a largement battue dans la course au collège électoral, avec 304 grands électeurs contre 227, parce qu’il a remporté plusieurs élections serrées dans des Etats clés. George W. Bush a gagné en 2000 contre Al Gore, qui avait pourtant recueilli près de 500 000 voix en plus.
Ce système se base sur une règle du «winner-takes-all», en d’autres termes, le candidat qui remporte le plus grand nombre de voix de grands électeurs se voit attribuer toutes les voix du collège électoral de l’Etat. Ainsi, les candidats concentrent leurs efforts sur une douzaine d’Etats, où les positions des électeurs sont plus indécises et varient d’une élection à l’autre en faveur du Parti républicain ou du Parti démocrate. C’est ce qu’on appelle les Etats clés ou les «swing states» (Etats qui balancent).
Kamala Harris a redonné du souffle à la campagne du Parti démocrate, dont elle est devenue la candidate en remplacement du président Joe Biden, 81 ans, qui a annoncé le 21 juillet mettre fin à sa campagne de réélection, plombée par une prestation jugée désastreuse lors du débat présidentiel face à Donald Trump près d’un mois plus tôt. La vice-présidente a désigné le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, pour être son numéro deux en cas de victoire à la Maison-Blanche. Cet ancien enseignant de 60 ans incarne l’Amérique profonde et une aile modérée du Parti démocrate. Sa popularité, toujours intacte après cinq ans d’exercice dans le Minnesota, est un avantage pour Kamala Harris dans cet Etat, où la partie n’est pas gagnée d’avance.
Donald Trump a choisi J. D. Vance pour être son vice-président en cas de victoire à l’élection présidentielle. Le sénateur de l’Ohio se distingue par sa rhétorique climato-sceptique et sa ligne dure sur l’immigration. Parmi les membres de la potentielle future administration Trump figure Elon Musk, le patron de SpaceX et Tesla, à qui le candidat républicain a promis une nomination à la tête d’une «commission sur l’efficacité gouvernementale».
Au-delà de la présidentielle, les Américains vont également voter pour renouveler le Congrès : 34 sièges de sénateurs (sur 100) et les 435 sièges de la Chambre des représentants sont en jeu. A la Chambre haute, les sénateurs sont élus pour six ans. Les républicains espèrent bien inverser la courte majorité démocrate. Les représentants effectuent un mandat de deux ans. Les démocrates espèrent reconquérir cette Chambre, actuellement à majorité républicaine.
Les deux candidats s’opposent sur tous les sujets qui imposent le débat. Donald Trump qui a, lorsqu'il était président, réduit le taux d’imposition des plus riches et des entreprises, a promis des droits de douane de «plus de 10%» sur toutes les importations, ce qui lui permettra de financer une large baisse d’impôts.
Enjeux
De son côté, la démocrate Kamala Harris se présente comme la candidate des classes moyennes et veut créer une «économie des possibles». Elle promet une aide à l’accession à la propriété immobilière et un coup de pouce à la création d’entreprise.
Volet immigration le républicain soutient que la question de la frontière est une des priorités de sa politique intérieure. Sous la présidence Biden, le pays a connu un pic d’entrées illégales. Et D. Trump, qui a fait campagne en 2016 en promettant de construire un mur le long de la frontière mexicaine, est allé plus loin en promettant la plus grosse opération d’expulsion de migrants clandestins de l’histoire du pays.
En parallèle, Kamala Harris a expliqué qu’elle aurait une politique de fermeté. Elle a soutenu un projet de net durcissement de la politique migratoire de Joe Biden, prévoyant notamment d’investir dans des barrières physiques.
L’avortement constitue une question qui pourrait mobiliser les citoyens à se rendre aux urnes, ce qui pourrait avantager les démocrates. Car, en parallèle de la présidentielle, des référendums sont organisés sur le sujet dans dix Etats. Il s’agit de la première présidentielle depuis que la Cour suprême, remaniée par D. Trump, est revenue sur la protection fédérale de l’avortement en révoquant en juin 2022 l’arrêt Roe v. Wade. Depuis, au moins 20 Etats ont mis en place des restrictions partielles ou totales à l’interruption volontaire de grossesse. Kamala Harris tient son rival pour responsable de la situation actuelle, qu’elle décrit comme «horrible et déchirante».
Elle veut une loi fédérale qui reprendrait les dispositions de l’arrêt Roe v. Wade. Son adversaire demeure ambigu sur ce thème. Il se dit fier d’avoir remis entre les mains des Etats cette question grâce à la décision de la Cour suprême, mais a déclaré que certains «étaient allés trop loin». Il a promis que son administration serait «formidable pour les femmes».
Côté politique étrangère, les deux candidats ont des visions différentes. Concernant l’Ukraine, la vice-présidente affiche un soutien «inébranlable» à Kiev. Elle devrait poursuivre ainsi la politique de Joe Biden en continuant à fournir des armes à l’Ukraine, tout en fustigeant la vision de son adversaire qu’elle qualifie de «capitulation» face au président russe, Vladimir Poutine.
De son côté, D. Trump observe que «cette guerre n’aurait jamais dû avoir lieu», et «blâme en grande partie» son prédécesseur. Il évoque sa «très bonne relation» avec son homologue russe et promet de résoudre la guerre, sans préciser comment.
Sur la question du Moyen-Orient, Kamala Harris s’inscrit dans la lignée de Joe Biden. Elle défend «le droit d’Israël à se défendre», mais promet de «se battre pour que les Palestiniens puissent concrétiser leur droit à la dignité, à la liberté, à la sécurité et à l’autodétermination».
Alors que son adversaire exhorte le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, à «finir le boulot» et affirme qu’«il n’y aurait jamais eu de 7 octobre en Israël», en référence à l’attaque du Hamas, s’il était resté Président. S’il gagne, «nous aurons à nouveau la paix dans le monde. C’est garanti». Il a accusé Kamala Harris de «détester Israël», vante ses liens avec l’Arabie Saoudite. Sur l’Iran, Donald Trump a accusé l’administration Biden d’avoir laissé la République islamique «s’enrichir» malgré les sanctions, et d’avoir, par sa faiblesse, permis à l’Iran d’attaquer Israël par deux fois, en avril et début octobre.
Au sujet de la Chine, les deux candidats considèrent Pékin comme le principal adversaire des Etats-Unis. La vice-présidente estime cependant que lorsqu’il a occupé la Maison-Blanche, Donald Trump «nous a grosso modo vendus, alors qu’une politique vis-à-vis de la Chine devait s’assurer que les Etats-Unis remporteraient la compétition du XXIe siècle».
Si elle devenait présidente, elle devrait poursuivre la politique actuelle de stabilisation des relations entre Washington et Pékin, et de gestion «responsable» de leurs différends. L’ex-Président observe que l’administration Biden a largement conservé les droits de douane qu’il a mis en place sur un certain nombre de produits chinois. Il s’est montré plus agressif contre Pékin, qu’il qualifie d’ennemi.
Quant aux relations des Etats-Unis avec leurs alliés et l’Otan, Kamala Harris se félicite que son pays ait rétabli la confiance des Alliés sous Joe Biden, y compris au sein de l’Organisation de l'Atlantique Nord. Elle juge que son rival est la «risée» des dirigeants internationaux. Ce dernier a provoqué de l’inquiétude au sein des partenaires de son pays en déclarant qu’il encouragerait V. Poutine à «faire ce qu’il veut» si un pays de l’Otan ne respectait pas ses engagements financiers envers l’Alliance.
Les années Trump ont été marquées par une rupture avec des accords multilatéraux, comme sur le climat ou le nucléaire iranien, des guerres économiques, notamment à l’encontre de la Chine, l’Iran et Cuba, et des rencontres avec le leader nord-coréen Kim Jong-un. Sa rivale a indiqué qu’elle ne sera pas l'amie des dictateurs.