-Il y a beaucoup de films de guerre, pourquoi un autre film de guerre ?
Ce n’est pas un film de guerre, c’est un film contextuel qui ne parle pas d’un affrontement armé, on est en 1945, il n’y a pas encore l’idée de maquis et de moudjahid, on ne parle pas de FLN.
-Film de guerre avant la guerre, un peu comme Chronique des années de braise, de Lakhdar Hamina ?
Oui, ce qu’il s’est passé en 1945 était la situation de trop après 120 ans de colonisation, à Sétif, Kherrata et Guelma, un génocide a eu lieu et les Algériens ont pris le dessus sur ceux qui voulaient négocier avec la France. Déclarer l’indépendance, c’était la dernière étape avant la guerre d’Algérie et l’indépendance. Un peu comme ce qu’il se passe aujourd’hui au Moyen-Orient, avec la gestation et l’idée que la seule issue est de prendre les armes. En 1945, le général Duval lui-même, qui a aidé et couvert les milices pendant les massacres de 1945, avait déclaré après cette répression sauvage : «Je vous ai donné la paix pour 10 ans». 10 ans après c’était la guerre d’indépendance. Héliopolis est une fiction basée sur des faits réels, avec ce petit conflit dans le grand conflit, entre père et fils, le père rêvant des idées assimilassionistes de Ferhat Abbas, et son fils rêvant d’utopie qui croit à l’indépendance. Le père a compris qu’il s’est trompé. On peut faire une centaine de films sur ce qu’il s’est passé en 1945, mais j’ai choisi ce thème qui m’a semblé très riche
-Pourquoi le titre Héliopolis ?
L’histoire se répète, les juifs ont été gazés par les Allemands dans les années 40 et dans ces mêmes années 40, les colons français ont incinéré les morts algériens dans des fours à chaux dans la petite bourgade d’Héliopolis pour les faire disparaître. D’autres bien sûr ont été jetés dans des ravins, mais c’est cette symbolique des fours à Héliopolis que j’ai choisie, d’où le titre.
-Difficile de faire un film de guerre ?
Il faut faire une guerre artistique pour faire un film de guerre en Algérie. Pas de studios, pas d’infrastructures liées au cinéma, d’accessoires ou d’objets militaires de l’époque, on tourne avec des armes et des véhicules des années 60 que l’armée nous a gracieusement prêtés et on a triché, bien sûr, pour reconstituer. Les petits métiers de cinéma n’existent plus et on se bat avec des collègues dans des associations pour créer des accessoires et objets d’époque. On a donc fabriqué quelques objets mais pour faire des Jeeps, c’est impossible. Pour tourner par exemple des actions militaires, c’est encore plus difficile ; ailleurs, on fait appel à des réalisateurs précis uniquement pour ce genre de séquences. Nous, on est obligés de tricher un peu, on ne dispose pas aujourd’hui de moyens techniques pour faire de véritables films de guerre. Mais je suis convaincu qu’on a en Algérie des capacités humains pour recréer des accessoires par des ateliers de confection pour les costumes militaires mais aussi des costumes d’époque. Ce qui diminuera les budgets des films
-Il est plus facile de faire des comédies que des films de guerre...
Dans les comédies, on peut se permettre de se tromper, dans le genre de film Héliopolis, on n’a pas le droit. Dans les films de guerre, on reconstitue, villages, costumes, voitures, tout doit être vraisemblable. Même si on a tous les moyens pour reconstituer l’époque, ça ne veut pas dire qu’on est aptes à filmer des scènes de guerre. D’ailleurs, dans la plupart des films de guerre algériens, le manque est au niveau des batailles et actions militaires, on voit que c’est un peu fake, pour ne pas dire plus.
-L’anecdote du drapeau français à El Malleh...
Quand les jeunes du village nous ont vus pendant le tournage avec le drapeau français, des costumes d’époque et des décors reconstitués, ils ont protesté. Mais on leur a dit ensuite que c’était un film, du cinéma, une reconstitution, ils nous ont dit que ça ne se faisait pas. C’est là où j’ai compris qu’il y a un malentendu entre nous, qui faisons du cinéma, et entre ceux qui consomment le cinéma.
-Un autre projet cinéma ?
Je suis pressenti pour réaliser le film sur l’histoire du colonel M’hamed Bouguerra qui devrait être tourné l’année prochaine après le ramadan. On travaille sur un script, on prépare, ça à l’avance. Mais j’ai aussi envie de faire des films sociaux, drames, des histoires algériennes contemporaines, on a plein de choses à raconter.
-Après le succès de Achour el Acher, une série TV pour le ramadan ?
Oui, la saison 2 de Dar Lefchouch, même si ça n’a rien à voir avec le cinéma. Petite série TV pour montrer le côté culturel algérien, culinaire, musical, pour que les gens apprécient un petit moment familial pendant le ramadan.
Propos recueillis par Chawki Amari