Deux écrivains lauréats du prestigieux prix Goncourt, Amin Maalouf et Jean-Christophe Rufin, briguent la direction de l’Académie française, l’institution gardienne des règles de la langue française depuis sa fondation au XVIIe siècle.
Le scrutin pour désigner le successeur d’Hélène Carrère d’Encausse, décédée en août, est prévu demain après-midi, selon des modalités simples : seuls les votes se portant sur l’un de ces deux hommes seront comptabilisés.
A la clôture des candidatures, lundi soir, il y en avait eu deux, a indiqué à l’AFP un membre de la commission administrative hier.
Amin Maalouf, écrivain franco-libanais de 74 ans et prix Goncourt 1993 pour Le Rocher de Tanios, est candidat déclaré depuis un certain temps. Figure du roman historique d’inspiration orientale qui a consacré son œuvre au rapprochement des civilisations, il est vu comme le favori. Sa personnalité fait l’unanimité, il est très impliqué dans les activités de l’institution où il est entré en 2011, et il a comme avantage, entre autres, d’être vu comme un secrétaire perpétuel qui aurait plu à Hélène Carrère d’Encausse, grande spécialiste de la Russie.
Amin Maalouf va devoir affronter un ami, Jean-Christophe Rufin, ancien diplomate de 71 ans et prix Goncourt 2001 (Rouge Brésil). Ce médecin de formation est à l’Académie depuis 2008. Celui-ci, moins consensuel, a hésité avant de finalement se lancer. «D’abord tenté de renoncer, je suis parvenu à la conclusion que notre grande cause mérite bien quelques sacrifices», écrit-il dans sa lettre de candidature, citée par le quotidien Le Monde. Il avait laissé savoir qu’il trouvait frustrant d’avoir un seul candidat. «C’est la Corée du Nord», déclarait-il, cité samedi par le magazine M, supplément du grand quotidien français Le Monde. Cet hebdomadaire racontait qu’un autre académicien, Marc Lambron, avait mené contre lui ces derniers mois une campagne active, en lui reprochant un manque d’indépendance.
Pérennité financière à assurer
Jean-Christophe Rufin, qui multiplie les activités, a en effet rendu en mai un rapport pour le groupe pétrolier TotalEnergies sur la situation au Mozambique. Et il préside depuis 2020 la fondation d’entreprise Sanofi Espoir, issue du groupe pharmaceutique.
Le secrétaire perpétuel de l’Académie française est le membre qui dirige cette institution chargée de défendre et promouvoir la langue française. Il n’y a eu que 32 personnes pour occuper ce poste depuis 1634. En juillet, les «immortels» ont terminé l’examen des mots de la 9e édition du Dictionnaire de l’Académie française, près de deux fois plus nombreux que dans la 8e.
Mme Carrère d’Encausse, entrée en 1990 et élue à la tête de l’institution en 1999, restera «le» secrétaire perpétuel – elle tenait au masculin, arguant qu’«il n’y a qu’un seul secrétaire perpétuel depuis trois siècles et demi» – qui a fait prendre à l’Académie française le virage d’internet. Quoique contesté par de nombreux linguistes pour son conservatisme, le Dictionnaire de l’Académie est un outil précieux pour suivre l’évolution de la langue française. Toutes ses éditions sont disponibles en ligne gratuitement.
Pour son successeur, l’une des tâches cruciales sera d’assurer la pérennité financière qui, selon un rapport de la Cour des comptes sur l’Institut de France en 2021, n’est pas assurée. L’autre sera d’attirer des candidats de valeur pour revêtir «l’habit vert».
Hélène Carrère d’Encausse n’a en effet pas toujours eu du succès dans ses tentatives de susciter ou faire avaliser les candidatures d’écrivains plus jeunes et populaires. Michel Houellebecq n’a pas répondu à ses appels du pied, et des auteurs comme Frédéric Beigbeder ou Benoît Duteurtre ont été recalés.
L’Académie compte 40 sièges, dont 28 occupés par des hommes et sept par des femmes. Cinq autres sont vacants, en l’attente d’élections.