Réalisateur, notamment de Fi rassi rond-point (Dans ma tête un rond-point) et surtout de 143 rue du désert, prix du meilleur réalisateur émergent à Locarno, prix du public au Festival des trois continents, mention spécial du jury au film arabe de Fameck ou encore grand prix du Festival du film méditerranéen de Bastia, Hassan Ferhani travaille toujours sur la frontière entre la fiction et le documentaire. Il s’explique.
Propos recueillis par Chawki Amari
-L’Algérie est un grand documentaire, on peut parler de votre prochain projet ?
Je suis superstitieux, donc je ne vais pas en parler. Mais je peux annoncer que cette fois, c’est un projet plus personnel, déposé au FDATIC (ex-fonds algérien de soutien au cinéma, ndrl), un mélange de poésie et une déclaration d’amour à Alger. Par ailleurs, j’ai aussi un film sur Miami aux USA où une institution m’a invité pour y faire un documentaire, je suis donc allé en repérage et j’ai trouvé un hippodrome particulier (rires…). Ce sera probablement le sujet.
-Y a-t-il encore une distinction entre la fiction et le documentaire où tout n’est que cinéma aujourd’hui, un film étant d’abord un film ?
D’abord, le cinéma est né documentaire, le premier film des frères Lumière était un documentaire. Mais aujourd’hui, il n’y a pas de distinction, il y a des films de fiction pauvres en cinéma et des films dit «documentaires» très riches, comme ceux de Claire Simon ou Wiseman. Aliénations de Malek Bensmaïl est un documentaire, mais c’est avant tout du cinéma, Tarik Teguia fait de la fiction mais nourrie de documentaire, il est dans une frontière trouble, c’est pour moi le cinéma intéressant actuellement. 143 rue du désert est une histoire, celle de Malika, ce n’est ni fiction ni documentaire, si une fiction se base sur un scénario, pour nous, notre base de scénario, c’est le réel, l’humain. Ceux qui croient encore au «documentaire» sont les gens de la télévision, «charit wathaiqi», qui pensent qu’un documentaire, c’est objectif, alors que l’objectivité n’existe pas, même si on ne trahit pas les gens. Le dernier Ours de Berlin est un documentaire, il y a eu une palme d’or à Cannes, Etre et avoir, un documentaire, et au festival de Locarno des documentaires sont en compétition avec des fictions.
-Au niveau administratif et bureaucratique, est-il plus facile de faire un documentaire qu’une fiction en Algérie ?
Le documentaire ou la fiction c’est un peu la même chose, c’est compliqué en Algérie, j’ai été assistant réalisateur pendant 10 ans sur des fictions donc je connais les deux volets. C’est difficile, bien sûr, à titre d’exemple et même si ce point a été abordé dans les récentes assises du cinéma à Alger, l’autorisation de tournage délivrée par le ministère de la Culture n’a pas le poids qu’elle devrait avoir. On nous demande à chaque fois des autorisations supplémentaires quand on veut tourner dans d’autres lieux. Normalement, un papier qui est passé par le ministère devrait être officiel et ouvrir toutes les portes. Mais je dirai peut-être qu’il est plus facile de faire une fiction, on a beaucoup plus de temps pour le préparer, alors que dans un documentaire, on doit être plus souple, pouvoir changer de cap et tourner d’autres scènes non prévues.
En réalité, il ne faut pas oublier qu’il est difficile de faire un film partout dans le monde et pas qu’en Algérie, même s’il y a encore du travail à faire ici.