La présidente mexicaine de gauche, Claudia Sheinbaum, a réagi en assurant, le 20 février, que son pays ne tolérerait aucune atteinte à sa «souveraineté» au motif de lutte contre les cartels.
Le Mexique peut-il poursuivre aux Etats-Unis des fabricants d’armes américains dont la production alimente la violence des cartels de narcotrafic sur son territoire ? Telle est la question sur laquelle s’est penche hier la Cour suprême américaine, à majorité conservatrice.
Cette affaire arrive devant la plus haute juridiction au moment où l’administration Trump intensifie les pressions sur le Mexique pour endiguer le trafic de drogue, notamment par l’imposition de droits de douane. En février, les Etats-Unis ont ainsi placé huit organisations criminelles, dont plusieurs cartels mexicains, sur leur liste noire des organisations «terroristes».
La présidente mexicaine de gauche, Claudia Sheinbaum, a réagi en assurant le 20 février que son pays ne tolérerait aucune atteinte à sa «souveraineté» au motif de lutte contre les cartels. Elle a également évoqué un possible élargissement de la plainte de son gouvernement devant la justice américaine contre les fabricants d’armes pour y ajouter l’accusation de complicité avec des organisations «terroristes».
Le Mexique a néanmoins livré aux Etats-Unis 29 narcotrafiquants la semaine dernière. Deux entreprises américaines, Smith & Wesson et Interstate Arms, demandent à la Cour suprême d’annuler la procédure engagée par le Mexique, qui réclame des milliards de dollars de dommages et intérêts aux fabricants d’armes aux Etats-Unis.
Les neuf juges de la Cour devront déterminer si le comportement de ces fabricants relève de la «complicité» de contrebande et si le Mexique a établi un lien de causalité entre leurs agissements et le préjudice qu’il subit. C’est à ces conditions que la plainte peut être déclarée recevable.
«Hommes de paille»
Dans leurs arguments écrits, les avocats du gouvernement mexicain accusent les fabricants de «soutenir délibérément et systématiquement le commerce illégal» de leurs armes, notamment via des «hommes de paille». Ils soulignent que la grande majorité des armes sur les lieux de crime au
Mexique proviennent de la contrebande avec les Etats-Unis, en raison notamment de la facilité à se procurer des armes dans ce pays.
Le Mexique minimise également la portée d’une éventuelle décision en sa faveur, particulièrement si elle venait à toucher au droit au port d’arme, question très sensible aux Etats-Unis. «A entendre les requérants, le ciel va nous tomber sur la tête (en cas de décision favorable au Mexique, ndlr), les droits constitutionnels des Américains sont en jeu, et seule cette Cour peut y remédier. Faux, faux et archi-faux», assurent ses avocats.
Les fabricants d’armes reprochent au Mexique de vouloir «éviscérer» la loi de 2005 sur la protection du commerce légal des armes (PLCAA) les immunisant contre des poursuites pour utilisation illicite de leurs produits. «La seule connaissance générale du fait qu’une fraction inconnue de la production sera utilisée ou vendue illégalement ne fait pas du fournisseur un criminel», affirment leurs avocats, mettant en garde contre un précédent dangereux pour de très nombreuses activités économiques.
«Toute entreprise peut faire davantage pour empêcher des crimes impliquant ses produits : Budweiser peut dire à ses distributeurs de cesser d’approvisionner les bars étudiants qui servent à des jeunes en dessous de l’âge légal, Ford peut dire aux concessionnaires d’arrêter de vendre des voitures à des conducteurs ayant commis des excès de vitesse.
Mais cela n’a jamais été une cause de responsabilité pénale», disent-ils. La décision de la Cour suprême est attendue d’ici le terme de sa session actuelle, fin juin. Quelque 480 000 personnes ont péri de mort violente liée au narcotrafic au Mexique depuis 2006, date à laquelle le gouvernement a déployé l’armée pour combattre les cartels de la drogue, selon des statistiques officielles.