Décoration de Ramadan : Une tendance devenue tradition

11/03/2024 mis à jour: 01:11
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D.R

Eminente nouvelle tradition du mois sacré du Ramadan, la décoration d’intérieur révèle la fibre créative des Algériens. C’est une manière artistique d’accueillir ce mois de jeûne sur les réseaux sociaux comme à la réalité.
Dans le dédale des ruelles d’Alger centre, les boutiques et étales de décoration ne passent pas inaperçues. Diverses sortes d'ornements se présentent : des lanternes, des bougies, des lumières, des lampions, des stickers, des guirlandes, des étoiles, des croissants et beaucoup d’autres. En effet, depuis quelques années, les Algériens célèbrent le mois de Ramadan avec des décorations et des rituels inédits.
« Il faut accueillir ce mois sacré avec la joie et la bonne humeur. On a toujours redécoré toute la maison quand j’étais jeune. Ma mère ressortait un service de vaisselle spécialement pour le mois de Ramadan, et on préparait un coin exclusivement pour la prière. Refaire la peinture était presque obligatoire chaque mois de Chaabane », raconte Fatima, une mère de famille qui s’apprêtait à acheter de la toile cirée pour chacune de ses tables. Mais réellement, quelle est l’origine de cette tradition ? On raconte qu’à l’ère des fatimides, le calife Al-Moezz li-Dine Allah est entré au Caire une nuit du Ramadan, et que le peuple est sorti l’accueillir en nombre, tenant des lampes pour éclairer les rues. Ainsi est née la lanterne du Ramadan et la tradition de tout décorer et illuminer. Chose sûre, c’est une tradition importée au peuple Algérien.  « Cela fait partie des innovations religieuses nouvelles en pratique. Ce ne sont pas nos traditions. Par exemple les fawaniss (lanternes) c’est égyptien” , confirme Ahmed qui faisait ses courses en compagnie de sa femme. Il confirme que chez-lui, ce n’est que l’essentiel qui est acheté.  Même si plusieurs consommateurs retrouvés sur place prétendent faire de même (acheter juste l’essentiel), tous les vendeurs de décorations se plaignent de la rupture de stocks de guirlandes et de bougies.

Un marché 2.0

Sur les réseaux sociaux et les sites de vente, le E-commerce connait son effervescence. De la décoration jusqu’aux effets vestimentaires passant par la vaisselle et l’électroménager, tous se vend comme des croissants. “C’est notre seule saison de vente réelle. Nous totalisons des chiffres d’affaires qui compensent nos pertes durant l’année. Généralement, les femmes, provocatrice du besoin d’achat, profite de ce mois sacré pour refaire leur cuisine, acheter de l’électroménager ou juste refaire leur vaisselle. C’est vrai que la décoration est nouvelle mais la frénésie d’achat à toujours existé”, souligne Abderraouf, e-commerçant spécialisé dans l’électroménager et l’ameublement. Parce que dans le commerce en ligne, la spécialité n’est pas importante, les e-commerçants doublent le nombre d’annonces sur les réseaux sociaux et marketplaces. Des ateliers et des petits business se lancent ou se relancent durant cette période de grande consommation. Des tenues de prière à la mode, des coins de prière, des livres de Coran colorés et décorés, des tasbihs et des tapis de prière pour couples sont les plus vendus. Il y a aussi ces magasins d’ameublement qui vendent tables et chaises et surtout des salons. “Ramadan est la période des rencontres de familles, des invitations à manger et des grandes préparations à manger. Si la table de cuisine ou celle de la salle à manger n’est pas importante durant l’année, à l’approche du ramadan elle est primordiale”, explique Salim, vendeur de meubles à Koléa dans la wilaya de Tipaza. Pour les mêmes raison citées par notre interlocuteur, les vêtements pour femmes, notamment les robes d’hôtesse, et ceux pour enfants inondent la toile. La concurrence est des plus rudes. Selon les e-commerçants, elle restera aussi active jusqu’au dernier jours de ce mois sacré. 

Ramadan à la vue de tous

Il ne faut pas chercher loin pour savoir d’où vient réellement cette course d’idées pour décorer son intérieur et plaire. En effet, de nombreux influenceurs/ses, notamment ceux partis vivre à Dubaï, se targuent de faire le ramadan sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, Instagram, Tiktok ou même Youtube, ce type de contenu fait rage accumulant des nombres extraordinaires de réactions. C’est d’ailleur la tendance depuis quelques années. 
« On a fait de ramadan une sorte de noël musulman. Je n’aime pas cette comparaison mais c’est bien le cas. Les équipes marketing ont compris que nous sommes des gros consommateurs. Ils veulent nous vendre des objets qui ne font pas partie de nos traditions »,  rétorque Zahra, épouse d’Ahmed.  Elle affirme, sous les regards affirmatifs de son mari, qu’elle n’apprécie guère cette exposition de vie personnelle sur la toile. Selon Souhila, une cliente qui a rejoint la discussion, cette nouvelle mode, poussée à l’extrême, dépossède le mois de Ramadan de sa symbolique religieuse pour mettre l’accent sur le décorum. A côté de cette volonté de s’afficher et de se conformiser aux autres, les vedettes du net font de cette période de ramadan « un business » afin de toucher la communauté musulmane et gagner de nouveaux abonnés. Ils profitent de cette qualité des médias sociaux connus par leur culture de l’exposition et de la promotion de soi, surtout lors des circonstances d’actualité.
« Pendant ramadan, nous devons faire preuve d’humilité, de solidarité en pensant aux plus nécessiteux.  Au lieu d’acheter des croissants en plastiques et des bougies parfumées, je peux donner cet argent pour une famille qui en a vraiment besoin », souligne Sidali, un sexagénaire et père de famille avant d'affirmer que beaucoup d’Algériens ont oublié que la chaleur du mois de ramadan ne vient des guirlandes et des bougies mais dans le partage, la tolérance, l'amour et l'acceptation de l'autre

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