Une des femmes courage ayant marqué le cinéma algérien, la battante réalisatrice Yamina Bachir-Chouikh, autrice de Rachida, Louisa Sid Ammi ou encore Hier... aujourd’hui et demain, est décédée hier matin à l’âge de 68 ans des suites d’une longue maladie.
Yamina Bachir-Chouikh est une cinéaste jusqu’au bout des ongles. Depuis 50 ans de carrière au service du 7e Art, sa passion, sa vie. Elle ne faisait pas de la figuration dans le cinéma algérien. Elle montait, écrivait, scénarisait, réalisait et même jouait. Yamina Bachir - Chouikh n’est autre que la mère réalisatrice Yasmina Chouikh - telle mère telle fille -, l’épouse et l’égérie du cinéaste Mohamed Chouikh.
Le cinéma, chez les Chouikh est une affaire de famille. Yamina Bachir-Chouikh. «J’étais au chevet de Yamina Bachir-Chouikh, hier, à l’hôpital Aïn Naâdja. On avait pris toutes les dispositions pour l’évacuer à l’étranger. On s’accrochait à une lueur d’espoir.
Le destin. Yamina est partie entourée de sa famille, son mari et surtout par ses filles. C’était douloureux. Allah Yarhamha. J’ai vu Yamina évoluer, monter en puissance, elle a suivi les étapes, la confection et l’industrie du film. Elle était passionnée par le cinéma. D’ailleurs, elle était avec moi, sur de nombreux films, notamment L’Opium et le bâton et Le Moulin de Monsieur Fabre.
Elle avait un touche délicate féminine en matière de montage. Elle apportait, ajoutait quelque chose au film. Elle a suivi tout le processus dans la réalisation d’un film. C’était une boulimique du cinéma. Yamina avait toutes les dispositions, les aptitudes et le ressort pour réaliser un film.
Et le fera avec sa dextérité et regard de femme. Elle représentait beaucoup pour moi. Je me rappelle, je l’avais recrutée à l’ONCIC (Office national pour le commerce et l’industrie du film), alors jeune fille. C’était une amie, une sœur, très proche de moi… Yamina, c’est un membre de la famille que je perds. J’ai vécu auprès de sa famille, de Mohamed, son mari, ses filles, c’est vraiment une grande affliction que je ressens. Allah yarhamaha… », saluera, Ahmed Rachedi, la mémoire de la regrettée Yamina Bachir-Chouikh, non sans une immense tristesse.
Sa biographie retrace que Yamina Bachir-Chouikh est née à Alger le 20 mars 1954. Yamina Bachir-Chouikh fait ses premiers pas dans le cinéma en 1973 en entrant au Centre National du Cinéma algérien, où elle s’initie aux métiers de la profession. Elle est scripte pour deux films importants du cinéma maghrébin : Omar Gatlato (1976) de Merzak Allouache et Vent de sable de Mohamed Lakhdar-Hamina (1982).
Elle assume, par la suite, la responsabilité du montage sur la plupart des réalisations de Mohammed Chouikh dont elle deviendra l’épouse : La Citadelle (1989), Youcef ou la Légende du septième dormant (1993), L’Arche du désert (1997), Douar de femmes (2005), mais aussi pour Okacha Touita avec Le Cri des hommes (1994). En 2002, Yamina-Bachir Chouikh signera son premier film, Rachida.
Scénario et réalisation. Le pitch ? Pendant la décennie noire en Algérie, Rachida, une jeune institutrice d’Alger est violemment prise à partie par une bande de terroristes, dans laquelle se trouve un de ses anciens élèves.
Il lui demande de placer une bombe dans son école, mais elle refuse d’obtempérer et on l’abat sur place. Elle survit et se réfugie avec sa mère dans un petit village, mais la violence règne partout. Rachida est un film poignant sur la folie meurtrière terroriste dont les victimes, les cibles étaient les femmes, les intellectuels, les policiers, de paisibles anonymes… Un long-métrage très fort. En 2014, elle réalisera une série de neuf épisodes intitulées Casbah, j’écris ton nom, une production pour la télévision nationale, l’ENTV. A propos de Rachida, Yamina Bachid Chouikh, dira : «Je montre dans ce film le courage et la force morale des femmes de mon pays.
Un jeune instituteur est arrêtée dans la rue par un groupe de terroristes. Ils veulent lui donner un colis piégé pour le faire exploser à l’intérieur de l’école. Nous sommes en Algérie et la bataille sanglante fait rage entre les fondamentalistes islamiques et le gouvernement laïc. La population est celle qui paie le prix de ce conflit.
L’institutrice refuse de prendre l’engin explosif et puis des collégiens, ses anciens élèves, lui tirent une balle dans le ventre...
C’est une histoire tragique, même si elle est pleine d’espoir. Le désespoir et la peur contrastent avec la force morale des femmes courageuses qui ne baissent pas la tête en signe de soumission…
La plupart des femmes algériennes sont comme les protagonistes du film : elles ont le même courage et le même engagement civique.
Malheureusement, les horreurs du terrorisme transforment les victimes en chiffres pour les statistiques… J’aimerais faire des films plus légers. Mais la réalité actuelle m’oblige à faire des œuvres de contestation sociale… ». La défunte Yamina Bachir-Chouikh devait être inhumée, hier, au cimetière d’El Alia, à Alger.