Par Lallam Nabyl
Ancien chef de projet Sonatrach
Il y a 54 ans, jour pour jour, dans un discours prononcé devant les cadres et dirigeants de l’UGTA, le défunt Président Houari Boumediène annonçait la nationalisation des hydrocarbures à travers la fameuse phrase «Nous avons décidé ce jour». La nouvelle allait tomber comme une bombe sur les télescripteurs des multinationales et des différentes rédactions étrangères.
Par cette décision historique, l’Algérie prenait en main les destinées de son industrie pétrolière et gazière mettant ainsi fin à un type de rapport néocolonialiste favorisant une main-mise et un pillage féroce de ses ressources énergétiques par des monopoles étrangers.
Les commentaires allaient bon train. Pour certains spécialistes occidentaux, cette décision (qui est, en fait un acte de souveraineté nationale) n’était qu’une utopie, voire un feu de paille, arguant le manque de cadres à l’époque, les plus sceptiques n’hésitaient pas à prédire en plus de l’arrêt total de la production pétrolière, le fiasco économique pur et simple du pays.
Chantage et boycottage
Dans un premier temps et pour combler le départ massif des étrangers, Sonatrach fit appel aux agents et techniciens algériens employés par les sociétés françaises dans le sud du pays, aux stagiaires des Ecoles de formation tel que l’Institut algérien du pétrole de Hassi Messaoud ainsi qu’aux jeunes pétroliers sous les drapeaux qui vinrent renforcer l’effectif de cadres déjà sur place. Cette solution s’avéra adéquate, puisque les forages continuèrent de plus belle, avec un nombre d’appareils plus important et les raffineries ne s’arrêtèrent guère.
On arriva même à une augmentation sensible de la production.
Cette prise en main s’est accompagnée d’une formation massive d’ouvriers et de cadres algériens changeant ainsi le paysage de l’activité pétrolière dans le sens d’une algérianisation toujours plus grande. La main au cœur et après un bras de fer vain, les multinationales prirent alors conscience de la réalité algérienne et de la part du gâteau qui leur échappait.
L’appareil grossissant de l’intox occidental et les mass-média déploient leurs batteries et partent en guerre contre l’Algérie. Une campagne hystérique visant la communauté algérienne en France coûta la vie à plusieurs de nos compatriotes. Les pressions allant du chantage économique au boycottage du pétrole «rouge» algérien se multiplièrent sans pour autant ébranler la politique anti-monopole suivie par la direction politique.
Loin de se cantonner dans le rôle de simple fournisseur de matières premières brutes et de réservoir de carburant pour les pays étrangers aguerris et mûris dans le feu de l’action, Sonatrach rentrait ainsi de plain-pied dans l’échiquier mondial des sociétés pétrolières et s’imposait en tant qu’entité nationale souveraine, partenaire à part égale et représentant d’un pays du «Tiers-Monde».
Gaz : la deuxieme bataille
L’expérience algérienne allait servir de modèle à d’autre pays producteurs de pétrole qui allaient se regrouper au sein de l’OPEP en vue de lutter contre le gaspillage, de sauvegarder leurs réserves et préserver leurs intérêts contre les appétits illimités des géants du Cartel mettant ainsi un terme à la voracité des superprofits.
La décision historique du 24 février 1971 n’est donc ni le fait du hasard ni celui d’une politique irréfléchie. Elle découle d’un processus naturel des pays à disposer de leurs richesses et fait partie d’une stratégie globale de développement socio-économique planifiée et menée en corrélation avec les options politiques du pays pour répondre aux impératifs dictés par les intérêts nationaux.
Hier pétrole «rouge» et gaz qu’on voulait à bas prix, les discours ont aujourd’hui évolué pour prendre un virage tout autre, contraignant ainsi les pays importateurs à plus de pondération et des relations commerciales apaisées dictées par une conjoncture géopolitique où la problématique de la disponibilité et des livraisons a lourdement impactée ces pays qui n’ont eu d’autre alternative que de parvenir à un consensus sur la réalité des prix.
Une demande sans cesse croissante, une production qui se veut en adéquation pour répondre, un tant soit peu, aux besoins exprimés, une revalorisation des prix du pétrole et du gaz accompagnée par de nouvelles découvertes ainsi qu’une augmentation des capacités d’exploration, de production et de transport, par Sonatrach, sont autant d’atouts et de paramètres économiques à même de favoriser un changement de cap à travers la mise en œuvre d’une stratégie de diversification économique.
La transition a travers une diversification économique
En effet, pour rompre avec la spirale de la dépendance avec ses ressources en hydrocarbures, une énergie précaire soumise, de surcroit, aux fluctuations des prix qui oscillent au gré des besoins et des tensions géopolitiques, l’Algérie a décidé de préserver l’exploitation du pétrole et gaz de schiste qui la place pourtant parmi les premiers pays au monde, en termes de gisements et de potentiel de production, un patrimoine à léguer aux générations futures avec l’exploitation des terres rares.
En dépit de ce que peut représenter cette manne financière, dans le court terme, les pouvoirs publics ont décidé d’amorcer un virage stratégique pour alternative plus pragmatique à travers une transition économique qui s’inscrit dans une vision multisectorielle.
Une dynamique de développement sereine qui se traduit par de nombreux investissements structurants à l’exemple du secteur minier et le mégaprojet de Gara Djebilet, à travers une mutation énergétique, par des exportations hors hydrocarbures, au droit d’une intensification de l’agriculture pour atteindre l’autosuffisance alimentaire avec entre autres axes stratégiques la production du blé dur, par l’extension et la réalisation de nouvelles infrastructures routières, ferroviaires avec le renforcement de la flotte maritime nationale, notamment l’acquisitions de vraquiers pour l’exportation du minerai de fer de Gara Djebilet, en boostant le développement de la petite et moyenne entreprises, par l’intégration des technologies numériques dans le processus économique en plus de l’exploitation du riche potentiel touristique existant et qui reste encore en jachère.
Autant d’indicateurs et de moteurs économiques et financiers, non exhaustifs, à même de transformer le paysage socioéconomique et favoriser une croissance exponentielle avec la création de dizaines de milliers de postes de travail. La dimension d’une telle stratégie et une synergie entre les différents opérateurs économiques ainsi qu’une rationalisation des dépenses publiques assureront à l’Algérie, à court terme, une place honorable parmi les grands pays émergents.
La nouvelle forme de chantage apres celle des hydrocarbures
Faut-il rappeler à cet égard, en ouvrant une parenthèse pour les besoins de l’histoire, que le chantage, la stigmatisation et le mépris sont les armes de prédilection qui ont toujours été utilisées contre l’Algérie, tant par les nostalgiques de l’Algérie française que par certains officiels à la recherche d’un strapontin dans les partis de l’extrême droite.
Tous les coups et subterfuges sont permis pour jeter l’anathème sur le pays, notamment à travers des campagnes de dénigrement et une stratégie de désinformation qui évoluent au gré du temps et des conjonctures. Hier pétrole «rouge» et un gaz qu’on voulait imposer au plus bas prix à l’achat, aujourd’hui, c’est notre émigration qui fait les frais d’une marginalisation, tous azimuts, conséquence d’une errance politique de discours haineux et xénophobes alimentés par une faune de vindicatifs qui dispose de tous les moyens pour baigner dans la gadoue devenue le réceptacle de tous ces marginaux pour puiser leur venin.
Des pressions et un chantage ne pouvant, en aucune manière, porter préjudice aux valeurs du pays, ébranler ses instituions ou altérer son avancée économique. In fine, les chiens aboient et la caravane passe. Faisant fi de toutes les embûches semées sur son chemin et des débats stériles, l’Algérie d’aujourd’hui s’est résolument engagée dans la voie du développement à travers une stratégie économique multisectorielle, qui doit la hisser dans le giron des grands pays émergents, une démarche sereine tournée vers l’avenir sans pour autant lui faire oublier le passé colonial et ses crimes odieux, commis par le pays de la démocratie et des droits de l’homme, dont l’histoire restera gravée, ad vitam, dans la mémoire de chaque Algérien.