Crise politique en Syrie : Le nouveau pouvoir se veut rassurant

22/12/2024 mis à jour: 08:57
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Après s’être engagées à respecter les libertés et promis de «garantir les droits de tous», les nouvelles autorités syriennes ont annoncé, avant-hier, vouloir contribuer à la «paix régionale» et construire des «partenariats stratégiques» avec les pays de la région, alors que  Washington a abandonné l’offre de récompense pour l’arrestation d’Ahmed Al Sharaa. 

Le nouveau pouvoir syrien a tenu à «affirmer le rôle de la Syrie dans la promotion de la paix régionale et la construction de partenariats stratégiques privilégiés avec les pays de la région», dans un communiqué publié à l'issue de la première rencontre officielle entre Ahmad Al Sharaa, nouveau dirigeant syrien, et une délégation diplomatique américaine. 

Un responsable syrien avait auparavant qualifié de «positive» la rencontre de M. Sharaa avec la délégation américaine conduite par Barbara Leaf, responsable du Moyen-Orient au sein du département d'Etat. «La partie syrienne (...) a indiqué que le peuple syrien se tenait à distance égale de l'ensemble des pays et des parties dans la région et que la Syrie refuse toute polarisation», a ajouté le nouveau pouvoir syrien dans le communiqué. M. Sharaa, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir Al Sham (HTS) qui a pris le pouvoir à Damas, était lui-même visé par des sanctions américaines avant cette réunion. 

Après ce premier contact formel à Damas, Washington a annoncé avoir abandonné l'offre de récompense pour l'arrestation du nouveau dirigeant syrien. «Sur la base de notre discussion, je lui ai dit que nous abandonnions l'offre de récompense» pour son arrestation «en vigueur depuis quelques années», a affirmé Barbara Leaf aux journalistes à l'issue de cette rencontre. Elle a précisé avoir fait part au nouveau dirigeant syrien de la «nécessité cruciale de veiller à ce que les groupes terroristes ne puissent pas constituer une menace à l'intérieur de la Syrie ou à l'extérieur, y compris pour les Etats-Unis et nos partenaires dans la région».

 Il «s'est engagé à le faire», a-t-elle assuré, indiquant qu'il lui était «apparu comme pragmatique». HTS, à la tête de la coalition de groupes armés, a affirmé avoir rompu avec le djihadisme et cherche à rassurer sur sa capacité à relancer le pays, après une guerre civile de près de 14 ans déclenchée en 2011 par la répression sanglante de manifestations prodémocratie. 

Mme Leaf a en outre souligné qu'elle s'attendait à ce que l'Iran, qui était l'un des principaux alliés de Bachar Al Assad, ne joue plus «aucun rôle» dans le pays. Selon l'ambassade américaine en Syrie a indiqué sur X que les entretiens ont porté sur «le soutien à un processus politique inclusif dirigé par les Syriens, qui aboutit à un gouvernement représentatif respectant les droits de tous les Syriens». Les «événements régionaux, l'intention de la Syrie d'adopter une politique de bon voisinage et l'importance des efforts communs dans la lutte contre le terrorisme» ont aussi été abordés, a ajouté l'ambassade. 

Par ailleurs, les nouvelles autorités syriennes ont annoncé avoir nommé, hier, Assaad Al Chibani comme chef de la diplomatie du gouvernement chargé de la transition. «Le commandement général annonce la nomination de M. Assaad Hassan Al Chibani au poste de ministre des Affaires étrangères dans le nouveau gouvernement syrien», ont-elles indiqué dans un communiqué. 

Il a «rejoint la révolution syrienne dès 2011», selon le texte qui souligne qu’il a participé à la «fondation du gouvernement du salut». Créé en 2017 dans l’enclave rebelle d’Idleb, dans le nord-ouest du pays, pour fournir des services aux populations coupées des infrastructures étatiques, ce gouvernement autoproclamé possédait ses propres ministères et autorités. La majorité des nouveaux ministres sont issus de ce «gouvernement du salut». Né en 1987 dans la région de Hassaké (nord-est), M. Chibani est diplômé de l’Université de Damas en littérature anglaise et d’un master en sciences politiques et relations internationales. 


Ballet diplomatique 

Le Qatar a rouvert  son ambassade en Syrie, fermée depuis 13 ans, au moment où plusieurs chancelleries étrangères, au départ prudentes, envoient des délégations à Damas pour établir un contact avec le nouveau pouvoir. Le Qatar est le deuxième pays, après la Turquie, à avoir officiellement annoncé la réouverture de son ambassade dans la capitale syrienne depuis le chute de l’ex-régime. L'Union européenne doit  «intensifier» sa relation avec HTS au pouvoir en Syrie depuis l'éviction de Bachar Al Assad, a déclaré, mardi dernier, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. L’envoyé spécial de l’ONU en Syrie, Geir Pedersen, a appelé de Damas à des «élections libres et justes» après la période de transition, insistant sur le besoin d’une «aide humanitaire immédiate» dans le pays, exsangue après des années de guerre. 

L’ONU s'est réjouie du «plein accès humanitaire» accordé par les nouvelles autorités syriennes, qui ont pris le pouvoir après avoir chassé Bachar Al Assad, mettant fin à un plus d'un demi-siècle de règne sans partage. Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a salué «l'engagement du gouvernement intérimaire à protéger les civils, y compris les travailleurs humanitaires» et «le fait qu'il ait accepté d'accorder un plein accès humanitaire à travers tous les points de passage frontaliers», dans un communiqué.

Les femmes sont «absolument indispensables» pour reconstruire la Syrie, a de son côté affirmé, avant-hier, la directrice générale de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), Amy Pope. De retour de Syrie, elle a aussi appelé à «réévaluer» les sanctions internationales pour permettre la reconstruction du pays. Face au défi d'unifier le pays et aux attentes des capitales étrangères, Abou Mohammad al-Jolani s'est engagé à dissoudre et à intégrer dans l'armée les factions qui ont contribué à la chute de l'ex-président Bachar Al Assad. Les groupes combattants «seront dissous et leurs combattants préparés à rejoindre les rangs du ministère de la Défense, et tous seront sous le coup de la loi», a affirmé, mardi dernier,le chef du groupe HTS. 

Le Premier ministre chargé de la Transition en Syrie a assuré  que le groupe  HTS garantirait les droits de toutes les communautés, appelant les millions d'exilés à rentrer au pays. «C'est précisément parce que nous sommes musulmans que nous garantirons les droits de tous (...) et de toutes les confessions en Syrie», a-t-il affirmé dans une entrevue au quotidien italien Corriere della Sera, au lendemain de sa nomination pour diriger un gouvernement transitoire jusqu'au 1er mars prochain.
 

 

 

 

Bendjama : «La situation fragile en Syrie exige notre solidarité»

L’Algérie a salué vendredi l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies d’une résolution renouvelant le mandat de la force onusienne chargée d’observer le désengagement (FNUOD) et a réitéré son appel au respect de l’intégrité territoriale de la Syrie. En réaction à l’adoption à l’unanimité de la résolution 2766 (2024), présentée par les Etats-Unis et la Russie, renouvelant le mandat de la FNUOD pour une période de six mois, soit jusqu’au 30 juin 2025, le représentant permanent de l’Algérie auprès des Nations unies,  Amar Bendjama a affirmé que cette résolution intervenait à «un moment critique pour la Syrie et la région». A cet égard, M. Bendjama a tenu à mettre en exergue que la résolution souligne qu’«aucune force militaire, aucun équipement militaire ni aucun personnel ne doivent se trouver dans la zone de séparation, à l’exception de ceux de la FNUOD». Par conséquent, a-t-il souligné, la présence des forces sionistes dans cette zone est «illégale et constitue une violation flagrante de l’Accord de désengagement de 1974 ainsi que des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, y compris celle que nous venons d’adopter», tout en insistant que «rien ne peut justifier une telle présence». A ce propos, a-t-il dit, la résolution «insiste sur le fait que les deux parties doivent respecter les termes de l’Accord de désengagement des forces de 1974 et observer scrupuleusement le cessez-le-feu», sur terre, en mer et dans les airs et s’abstiendront de toute action militaire à compter de la signature de ce document, en application de la résolution 338 du Conseil de sécurité. Les attaques sionistes contre les infrastructures civiles et militaires, ainsi que les incursions et occupations de nouveaux territoires syriens, constituent «des violations claires de l’accord et des résolutions du Conseil de sécurité», a souligné le représentant de l’Algérie, en faisant remarquer qu’une manifestation qui a eu lieu dans le gouvernorat de Daraa (Syrie) pour protester contre la présence des forces sionistes en territoire syrien et exiger leur retrait, a été violemment réprimée par les soldats sionistes qui ont ouvert le feu en blessant un jeune homme.  Le diplomate algérien a insisté sur le fait que la résolution adoptée par le Conseil de sécurité «exhorte les parties concernées à mettre immédiatement en œuvre la résolution 338», laquelle appelle à «l’application immédiate de la résolution 242 du Conseil de sécurité dans toutes ses dispositions» qui demandent explicitement le retrait des forces armées sionistes des Territoires occupés en 1967. Par conséquent, la présence sioniste sur le plateau du Golan «constitue une occupation». «A ceux qui doutent encore que nous assistons à l’occupation de nouveaux territoires en Syrie, je pose la question : quelle est votre position sur cette situation ?» s’est-il interrogé, avant de rappeler que «ces actes ne sont ni défensifs ni justifiés. Ils constituent une agression contre un Etat membre des Nations unies et méritent notre condamnation sans équivoque». «L’Algérie réaffirme sa position ferme selon laquelle le Golan est un territoire syrien occupé», a souligné M. Bendjama, ajoutant que «l’Algérie réitère son plein soutien à la FNUOD et à ses Casques bleus, dont la sécurité doit être garantie par toutes les parties». Rappelant que «la situation fragile en Syrie exige notre solidarité et notre soutien collectifs», M. Bendjama a appelé la communauté internationale à «mettre de côté ses rivalités et ses compétitions pour éviter un scénario catastrophique en Syrie et dans la région». «Nous devons œuvrer ensemble pour aider le peuple syrien à préserver l’indépendance, l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale de son pays, tout en établissant de nouvelles institutions pour un avenir meilleur pour la Syrie», a-t-il conclu.

 

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