Crise politique, cherté de la vie et crise économique : La grande inquiétude des Tunisiens

02/04/2022 mis à jour: 09:12
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Dans l’impasse politique, les Tunisiens sont malmenés aussi par la crise économique

Le président tunisien Kaïs Saïed a décidé, mercredi 30 mars, la dissolution de l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) gelée, suite à sa réunion à distance, le jour même. L’ARP gelée a décidé l’abrogation des mesures exceptionnelles du 25 juillet 2021. Saïed a considéré illégales aussi bien ladite réunion, que les décisions prises. Il a menacé de répondre par les forces légales de l’armée et de la police à quiconque fomenterait des troubles dans le pays. C’étaient ses propos lors de l’ouverture du Conseil supérieur de la Sécurité nationale, réuni dans l’après-midi du 30 mars. 

Fait notable, avant-hier, le président Saïed n’a pas présidé le Conseil des ministres, dirigé pour la 1re fois par Mme Najla Bouden. Une première depuis sa nomination, le 29 septembre 2021. Le Président avait sûrement plus important à faire. La journée d’hier a été surtout marquée par deux communications téléphoniques de Kaîs Saïed avec les présidents algérien, Abdelmadjid Tebboune, et égyptien, Abdelfattah Sissi. Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Othman Jerandi, a même fait un saut à Alger pour rencontrer le président Tebboune. 

C’est dire que le président Saïed a pris très au sérieux la tentative de déstabilisation, opérée par l’ARP gelée, à travers sa plénière à distance, transmise en direct sur Al Jazeera Moubashir. Saïed a qualifié ladite réunion de putsch et il a dissous l’ARP en vertu de l’article 72 de la Constitution, qui considère que «Le président de la République est le chef de l’Etat, symbole de son unité, il garantit son indépendance et sa continuité et il veille au respect de la Constitution». Le président Saïed a annoncé que ladite réunion pourrait être le prélude d’un nouveau gouvernement et du désordre qui pourrait en découler.

Le ministère public a lancé, le soir même de la réunion de l’ARP gelée, une affaire contre les 116 députés ayant participé à ladite réunion, pour tentative de déstabilisation du pays, en vertu de la loi antiterroriste. Plus d’une trentaine de parlementaires auraient même été convoqués par la brigade antiterroriste, selon Rached Ghannouchi, le président du Parlement dissous, qui qualifie cette démarche de «dangereuse», dans une déclaration à la chaîne qatarie Al Jazeera. Ghannouchi refuse la dissolution de l’Assemblée et appelle à un dialogue national, alors que le président Saïed considère que «le dialogue n’est pas prévu avec ceux qui complotent contre la sécurité de l’Etat».

Réactions

Le bureau exécutif de la centrale syndicale a annoncé, suite à sa réunion tenue le lendemain de la décision présidentielle, son accord avec cette dissolution, qu’il considère même tardive, tant «cette Assemblée donnait une mauvaise image reflétant le pourrissement de la vie politique». Le communiqué de l’UGTT «rejette, également, le recours de parties influentes au Parlement aux pays étrangers ainsi que leurs plans pour disloquer l’Etat et le pousser vers l’inconnu». 

L’UGTT ne donne toutefois pas de chèque en blanc au président Saïed, il demande à «saisir cette opportunité pour rétablir l’espoir après une période d’hésitation». La centrale syndicale appelle à «rassembler les forces nationales et démocratiques dans un dialogue inclusif permettant de sauver la Tunisie». 

A l’étranger, seuls les Américains ont réagi. Le porte-parole du Département d’Etat a considéré que «les Etats-Unis sont profondément préoccupés par la décision du Président tunisien de dissoudre unilatéralement le Parlement», en rappelant «avoir constamment informé les responsables tunisiens que tout processus de réforme politique doit être transparent et inclusif, qu’il doit être entrepris en coordination avec un éventail de partis politiques, de syndicats et de la société civile».

Au niveau de la rue, c’est carrément de l’indifférence par rapport à cette décision. 
Le Parlement fait déjà partie du passé pour le commun des Tunisiens. Une bonne majorité pensait même que l’ARP avait été dissoute depuis le 25 juillet dernier, malgré les plateaux télévisés successifs, où la parole a été longuement donnée à l’opposition pour exprimer son refus aux choix présidentiels. «Le Tunisien en a marre de ces débats infructueux entre des opportunistes qui ne cherchent que leurs intérêts personnels et ceux des lobbies qui les manipulent», résume le député Haykel Mekki, qui fait pourtant partie de ce système. 

Les Tunisiens sont plutôt inquiets par la cherté de la vie en ce début de Ramadhan et par les pénuries frappant certaines denrées alimentaires comme la semoule, la farine ou l’huile végétale subventionnée. La majorité des citoyens est convaincue que le président Saïed est sincère dans sa lutte contre la corruption et les réseaux mafieux. Ce soutien populaire est traduit par les sondages d’opinion le donnant régulièrement en tête avec des scores astronomiques allant de 65 à 88%, selon les périodes. Par contre, les mêmes sondages donnent le leader islamiste Rached Ghannouchi comme la personne la plus haïe des Tunisiens, avec des taux avoisinant les 85%. 

Tunis
De notre correspondant  Mourad Sellami

Une consultation largement boudée plébiscite un régime présidentiel

Une consultation en ligne organisée par le président tunisien Kaïs Saïed, et très largement boudée, a plébiscité l’instauration d’un régime présidentiel à la place du système hybride actuel, selon des données officielles. 

Les résultats de cette consultation, qui a eu lieu entre le 15 janvier et le 20 mars, ont été présentés à M. Saïed jeudi soir lors d’une réunion à laquelle ont participé la Première ministre Najla Bouden et le ministre des Technologies, Nizar Ben Néji, selon une vidéo postée hier par la Présidence. 

La tenue de cette consultation faisait partie d’une feuille de route présentée par M. Saïed en décembre pour mettre fin à la crise dans le pays après s’être arrogé les pleins pouvoirs en juillet en limogeant le gouvernement et suspendant le Parlement, qu’il a finalement dissous mercredi. Les réponses recueillies serviront de base à une commission d’experts chargée d’élaborer des réformes politiques qui seront soumises en juillet à un référendum sur une nouvelle Constitution, avant des élections législatives prévues en décembre. M. Ben Néji a annoncé que 534 915 personnes avaient participé à cette consultation électronique, ouverte à tous les Tunisiens âgés de plus de 16 ans. La Tunisie compte une population de près de 12 millions d’habitants. 

A signaler que le président du Parlement tunisien dissous Rached Ghannouchi a été convoqué par la justice pour « complot contre la sûreté de l’Etat » après la tenue d’une séance plénière malgré le gel de la chambre depuis fin juillet par le chef de l’Etat.

A. Z.

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