L’aval donné le 18 décembre par le Conseil de sécurité au plan de l’envoyé de l’ONU en Libye, Abdoulaye Bathily, a constitué le tremplin recherché par l’ambassadeur américain, Richard Norland, pour reprendre ses manœuvres en Libye.
Il s’agit surtout pour M. Norland de contrer les dernières tentatives russes exploitant l’absence de changements réels sur le paysage politique libyen, pour avancer ses pions et installer de nouvelles bases. Les Etats-Unis craignent que l’Est et le Sud libyens ne tombent complètement entre les mains des Russes aux côtés de leurs derniers acquis au Mali, Niger et Burkina. Norland a donc pris sa baguette de pèlerin et fait le tour des principaux acteurs libyens, énumérés par le plan Bathily. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le diplomate américain a commencé sa tournée par une rencontre avec Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est libyen. Les deux communiqués indépendants publiés, suite à cette entrevue, traduisent les intérêts de chacune des parties. La partie libyenne a insisté sur la nécessité d’un gouvernement unifié pour chapeauter les élections.
L’ambassade américaine a axé sur l’unification de l’armée libyenne, la protection de la souveraineté nationale et la libéralisation des fonds servant à la reconstruction de Derna. «Les Américains cherchent clairement un tremplin pour accéder dans l’Est libyen et la reconstruction de Derna pourrait être l’une des voies», selon le politologue Ezzeddine Aguil qui ajoute que «le paragraphe concernant la protection de la souveraineté constitue clairement un avertissement à Haftar sur les bruits courants à propos d’éventuels avantages à l’armée russe en Libye».
Différends persistants
Les Etats-Unis ne sont pas l’unique acteur cherchant à faire bouger ses pions en Libye. L’Egypte a parrainé, la semaine dernière, une nouvelle rencontre entre le président du Conseil présidentiel, Mohamed Younes El Menfi, Khalifa Haftar, le chef d’état-major de l’armée, désigné par le Parlement, et Aguila Salah, le président du Parlement. Haftar et Aguila ont transmis à El Menfi leurs exigences d’un gouvernement restreint pour parrainer les élections. Ils refusent également toute exclusion, parlant à demi-mot du gouvernement de Hamad, parrainé par le Parlement. Pour l’Est, la proposition de Bathily exclut le gouvernement de Hamad alors que ce dernier constitue le pouvoir exécutif légitime. Le président du Conseil d’Etat, Mohamed Takala, demande, lui-aussi, un gouvernement unifié pour chapeauter les élections.
Le chef du gouvernement d’Union nationale, Abdelhamid Dbeiba, a exprimé son adhésion complète au plan Bathily. Il a même désigné ses représentants au dialogue entre les représentants du Parlement, du Conseil d’Etat, du Conseil présidentiel, du gouvernement d’Union nationale et de l’armée de l’Est. Dbeiba est même le seul à avoir déjà désigné ses représentants. «C’est normal puisqu’il est l’unique acteur dont la présence pose problème pour Haftar, Aguila et Takala qui réclament un gouvernement d’élections», ajoute le politologue Ezzeddine Aguil. Ce dernier pense que «le plan Bathily ne dispose pas d’éléments nouveaux pouvant lui assurer sa réussite avec, surtout, un pouvoir politique qui n’est pas encore centralisé».
Décès de Barghathi, ancien ministre de la Défense d’El Sarraj
Le parquet militaire de Benghazi a annoncé, jeudi dernier, le décès de Mahdi Barghathi, l’ancien ministre de la Défense du gouvernement d’Union nationale de Fayez Al Sarraj. Le procureur militaire de l’Est, Faraj Soussaa, a déjà annoncé, dans un précédent point de presse tenu le 13 octobre, à Benghazi, que Barghati a été grièvement blessé lors d’échange de coups de feu le 7 octobre dernier lorsque les militaires sont venus le chercher au quartier Salmani, à Benghazi, pour l’emmener avec eux. Les hôpitaux de Benghazi ont déploré 16 décès et 16 blessés dans ces affrontements qualifiés par le parquet militaire de tentative de déstabilisation. Le procureur Soussaa a accusé Barghathi, emprisonné depuis le 7 octobre, d’avoir été escorté par une quarantaine de militants armés djihadistes de Ançar Chariaâ et Majliss Choura Benghazi, lors de son retour à Benghazi. L’épouse de Barghathi a répliqué que le défunt est revenu chez lui sur insistance de quelques chefs de tribus et qu’il a exigé le maintien de son statut militaire en tant que chef de la brigade 204 Chars. La veuve Barghathi accuse les fils de Haftar, Saddam et Khaled, d’être derrière ce qu’elle qualifie d’assassinat. La délégation de l’ONU en Libye a exigé, dans un communiqué, une enquête indépendante sur le décès de Barghathi.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami