Crise au Niger : Niamey dénonce les sanctions «injustes» de la Cédéao

15/08/2023 mis à jour: 02:55
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Photo : D. R.

Les militaires au pouvoir à Niamey se montrent sereins face aux sanctions «injustes» imposées le 30 juillet par la Communauté  économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), lors d’un sommet de l’organisation tenu à Abuja, au Nigeria.

Dans un entretien accordé hier au média allemand Deutsche Welle (DW), le Premier ministre nommé par les putschistes, Ali Mahaman Lamine Zeine, a estimé que le Niger est en mesure de «surmonter» les  sanctions imposées à la suite du coup d’Etat, même si elles représentent «un défi injuste». «Nous pensons que même s’il s’agit d’un défi injuste qui nous a été imposé, nous devrions être en mesure de le surmonter.

Et nous le surmonterons», a-t-il déclaré, au moment même où le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine (UA) tenait, à Addis Abeba, une réunion pour discuter de «l’évolution de la situation au Niger et des efforts pour y remédier», a indiqué hier l’organisation dans un communiqué.

Dimanche soir, les militaires nigériens avaient déjà dénoncé «les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes» de la Cédéao. Des sanctions qui frappent en premier lieu la population locale «durement éprouvée par les sanctions illégales, inhumaines et humiliantes de la Cédéao, qui vont jusqu’à priver le pays de produits pharmaceutiques, de denrées alimentaires» et «de fourniture en courant électrique», a déploré dimanche le porte-parole du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), le colonel-major Amadou Abdramane, dans un communiqué lu à la télévision nigérienne.

Le Niger, où la moitié des habitants vit avec moins  de 2,5 dollars par jour, affiche en effet l’un des pires indices de développement humain au monde et souvent confronté à des crises alimentaires récurrentes.

Ali Mahaman Lamine Zeine a également affirmé à DW que le Nigeria et la Cédéao sont des partenaires importants. «Nous avons un grand intérêt à préserver cette relation importante et historique et à faire en sorte que la Cédéao travaille d’abord sur des questions purement économiques», a-t-il noté, estimant qu’il serait «très regrettable» de constater que «le principe politique et militaire passe au premier plan, à la place de cette solidarité économique», s’agissant de la Cédéao. Il a, par ailleurs, jugé «positive» la visite effectuée samedi à Niamey par une délégation de chefs religieux nigérians en mission de médiation.

Des chefs religieux à Niamey

Une délégation conduite par le Sheikh Bala Lau, le chef d’Izala, un mouvement islamique d’inspiration salafiste, au Nigeria. Une source proche de la délégation, citée par la presse occidentale, a confirmé cette «mission de médiation» menée avec l’accord du président du Nigeria Bola Tinubu, également président en exercice de la Cédéao, avait pour objectif d’«apaiser les tensions créées par la perspective d’une intervention militaire de la Cédéao».

Bala Lau et d’autres chefs religieux avaient auparavant rencontré Bola Tinubu à Abuja où ladite mission avait été discutée. «Les religieux sont à Niamey pour expliquer aux putschistes que le Nigeria ne combat pas le Niger et que les décisions prises au sujet du Niger ne sont pas celles du Nigeria mais celles de la Cédéao en tant que bloc régional», a déclaré la même source.

La mission a pu rencontrer les représentants des putschistes alors que ces derniers ont refusé le 8 août d’accueillir une délégation conjointe de la Cédéao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU. La mission de médiation intervient au moment où les opinions africaines s’opposent, de plus en plus fort, à une intervention militaire pour le retour de Bazoum au pouvoir.

Des parlementaires nigérians ont d’ailleurs demandé à Bola Tinubu de reconsidérer une éventuelle intervention militaire de la Cédéao au Niger. Une intervention synonyme de forte instabilité dans toute la région, y compris au Nigeria.   Le feu vert donné par la Cédéao pour l’usage de la force au Niger, acté le 10 août à Abuja, ne fait pourtant pas l’unanimité, tandis que de nombreux observateurs n’hésitent pas à qualifier cette option de démarche à haut risque et difficile à mettre en œuvre.

Ce qui pourrait expliquer le report samedi dernier d’une rencontre des chefs d’état-major de la Cédéao, dont l’ordre du jour visait à faire part aux dirigeants «des meilleures options» militaires envisagées.  Les dirigeants de la Cédéao ont toutefois réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour une résolution de la crise.

Une solution politique que privilégient les putschistes et des capitales de plusieurs pays, dont l’Algérie qui considère que toute intervention «est une menace» pour le pays.
C’est dans ce contexte que les militaires nigériens ont annoncé dimanche vouloir «poursuivre» le président Bazoum pour «haute trahison» et «atteinte à la Sûreté nationale».

«Le gouvernement nigérien a réuni à ce jour» les «preuves pour poursuivre devant les instances nationales et internationales compétentes le président Bazoum et ses complices locaux et étrangers, pour haute trahison et atteinte à la sûreté intérieure et extérieure du Niger», a déclaré le colonel-major Amadou Abdramane. Le gouvernement appuie ses accusations sur des «échanges» de Bazoum avec des «nationaux», des «chefs d’Etat étrangers», et des «responsables d’organisations internationales».

A propos du président Bazoum, les militaires au pouvoir à Niamey ont appelé à «s’interroger sur la sincérité de sa prétention à soutenir qu’il est séquestré, alors même que les militaires n’ont jamais investi sa résidence présidentielle et qu’il dispose encore de tous les moyens de communication». Ils assurent que Bazoum «reçoit régulièrement la visite de son médecin», qui n’«a soulevé aucun problème quant à son état de santé».             

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