Contes & histoires : Le livre des Mille et Une nuits

12/03/2024 mis à jour: 08:56
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HISTOIRE DU ROI SCHAHRIAR ET DE SON FRÈRE, LE ROI SCHAHZAMAN
 

Il est raconté – mais Allah est plus savant et plus sage et plus puissant et plus bienfaisant – qu’il y avait – dans ce qui s’écoula et se présenta en l’antiquité du temps et le passé de l’âge et du moment – un roi d’entre les rois de Sassan, dans les îles de l’Inde et de la Chine. Il était maître d’armées d’auxiliaires de serviteurs et d’une nombreuse suite. 

Et il avait deux enfants, l’un d’eux grand et le dernier petit. Tous les deux étaient d’héroïques cavaliers ; mais le grand était meilleur cavalier que le petit. 

Ce grand régna sur les pays et gouverna avec justice entre les humains ; aussi l’aimèrent les habitants du pays et du royaume. Son nom était le roi Schahriar. Quant à son frère le petit, son nom était le roi Schahzaman et il était roi de Samarkand Al-Ajam.

Cet état de choses ne cessant point, ils résidèrent dans leur pays ; et chacun d’eux fut, dans son royaume, gouverneur juste de ses ouailles durant l’espace de vingt années. Et ils furent tous deux à la limite de la dilatation et de l’épanouissement.

Et ils ne cessèrent d’être ainsi, jusqu’à ce que le roi le grand eût l’ardent désir de voir son frère le petit. Alors il ordonna à son vizir de partir, et de revenir avec lui. Le vizir lui répondit : «J’écoute et j’obéis !»
 

Puis il partit et arriva en toute sécurité par la grâce d’Allah : il entra chez le frère, lui transmit la paix et lui apprit que le roi Schahriar désirait ardemment le voir, et que le but de ce voyage était de l’inviter à aller visiter son frère. Le roi Schahzaman lui répondit : «J’écoute et j’obéis !» Puis il fit faire ses préparatifs de départ et sortir ses tentes, ses chameaux, ses mulets, ses serviteurs et ses auxiliaires. Ensuite il éleva son propre vizir gouverneur du pays, et sortit demandant les contrées de son frère.

Mais, vers le milieu de la nuit, il se rappela une chose oubliée au palais, et revint et entra dans le palais. Et il trouva son épouse étendue sur sa couche et accolée par un esclave noir d’entre les esclaves. À cette vue, le monde noircit sur son visage. 

Et il dit en son âme : «Si telle aventure est survenue alors que je viens à peine de quitter ma ville, quelle serait la conduite de cette débauchée si je m’absentais quelque temps chez mon frère !» Sur ce, il tira son épée et, frappant les deux, les tua sur les tapis de la couche. Puis il s’en retourna au moment même et à l’heure même, et ordonna le départ du campement. 

Et il voyagea la nuit jusqu’à ce qu’il fût arrivé à la ville de son frère. Alors se réjouit son frère de son approche, et sortit vers lui et, en le recevant, lui souhaita la paix ; et il se réjouit à la limite de la joie, et décora pour lui la ville, et se mit à lui parler avec expansion. Mais le roi Schahzaman se souvenait de l’aventure de son épouse, et un nuage de chagrin lui voilait la face ; et jaune était devenu son teint et faible son corps. 

Aussi, lorsque le roi Schahriar le vit dans cet état, il pensa en son âme que cela était dû à l’éloignement du roi Schahzaman hors de son pays et de son royaume et, ne lui demandant plus rien à ce sujet, il le laissa à sa voie. Mais, un de ces jours, il lui dit : «Ô mon frère, je ne sais ! mais je vois ton corps maigrir et ton teint jaunir ! » Il répondit : Ô mon frère, j’ai en mon être intime une plaie vive.» Mais il ne lui révéla pas ce qu’il avait vu faire à son épouse. 

Le roi Schahriar lui dit : « Je désire fort que tu partes avec moi à la chasse à pied et à courre, car peut-être ainsi se dilatera ta poitrine.» Mais le roi Schahzaman ne voulut point accepter ; et son frère partit seul à la chasse. Or, il y avait, dans le palais du Roi, des fenêtres ayant vue sur le jardin, et, comme le roi Schahzaman s’y était accoudé pour regarder, la porte du palais s’ouvrit et en sortirent vingt esclaves femmes et vingt esclaves hommes ; et la femme du Roi, son frère, était au milieu d’eux qui se promenait dans toute son éclatante beauté. Arrivés à un bassin, ils se dévêtirent tous et se mêlèrent entre eux. 

Et soudain la femme du Roi s’écria : « Ô Massaoud ! Ya Massaoud ! » Et aussitôt accourut vers elle un solide nègre noir qui l’accola ; et elle aussi l’accola. Alors le nègre la renversa sur le dos et la chargea. À ce signal, tous les autres esclaves hommes firent de même avec les femmes. Et tous continuèrent longtemps ainsi et ne mirent fin à leurs baisers, accolades, copu- lations et autres choses semblables qu’avec l’approche du jour.
 

Traduit par Dr Joseph-charles Mardus  

(A suivre)

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