Conférence mondiale de l'industrie extractive (ITIE) : L’Afrique face aux défis de la transparence et de la redevabilité

03/06/2023 mis à jour: 04:06
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Le continent est riche en ressources naturelles mais beaucoup reste à faire en matière de transparence - Photo : D. R.

L’enjeu majeur pour l’Afrique est de parvenir à atténuer les risques de corruption à travers la chaîne de valeur de l’industrie extractive, donc en rapport avec la lutte contre la grande délinquance économique, de toutes natures, qui caractérise le secteur.

Pour une première, c’en est une. La  conférence mondiale de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE), organisée tous les trois ans, se tiendra, cette année, en Afrique, continent riche en ressources naturelles, minières et énergétiques, mais où en matière de transparence et bonne gouvernance dans le secteur extractif, beaucoup reste à faire. Pas moins d’un millier de parties prenantes issues  des gouvernements, des grandes entreprises, du milieu universitaire et de la société civile seront réunies, du 13 au 14 juin courant à Dakar (Sénégal), autour du thème «Transparence en transition ».

La finalité étant de faire le point sur les progrès accomplis, les efforts à consentir, les défis mondiaux à relever ainsi que sur les nouvelles opportunités pour la mise en œuvre de l’ITIE et la direction stratégique à suivre. D’autant que « les secteurs extractif et énergétique évoluent rapidement à mesure que la demande d’accès à une énergie propre et abordable augmente. Sans un débat public robuste et une bonne gouvernance, la transition énergétique risque que les groupes vulnérables soient laissés-pour-compte.

La transition peut et devra entraîner un meilleur accès à l’énergie et des possibilités économiques pour tous», insistent, dans une déclaration publique, les organisateurs de cette 9e édition de la conférence mondiale. Ce forum inclusif marquant le 20e anniversaire de l’ITIE sera ainsi l’occasion d’évaluer et de partager les réalisations et avancées en matière de transparence et de dialogue multipartite dans les pays adhérents et au-delà, et ce, dans un contexte tourné vers la transition énergétique et marqué par les fortes turbulences géostratégiques de l’heure.

Aux 57 Etats issus des cinq continents, l’ayant, jusqu’ici, mis en œuvre, et la soixantaine de grandes entreprises et multinationales la soutenant, à travers l’engagement de renforcer la transparence et la redevabilité de la gestion de leur secteur extractif, sont exigées, faut-il le souligner, l’adoption de politiques nationales en matière de données ouvertes, la publication des données nationales sur la production, les revenus et la gestion du secteur extractif, librement accessibles, ponctuelles, exhaustives, fiables et compréhensibles et qui contribuent au débat public. «L’industrie du commerce de matières premières continue de faire face à des défis en matière de transparence et de redevabilité, comme en témoignent les récentes affaires judiciaires aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Suisse» et en Algérie aussi, sous le règne de la «îssaba».

L’enjeu majeur s’avérant, ainsi, être l’atténuation des risques de corruption à travers la chaîne de valeur de l’industrie extractive, donc en rapport avec la lutte contre la grande délinquance économique, de toutes natures, dont se distingue le secteur :  «La corruption est un défi pressant pour de nombreux pays riches en ressources et un domaine prioritaire pour l’ITIE. Selon l’OCDE, un cas de corruption transnationale sur cinq se produit dans le secteur extractif.

L’opacité des structures de propriété des entreprises, des processus d’octroi de licences, des négociations de contrats et des transactions peut rendre les projets extractifs lucratifs particulièrement vulnérables aux abus ou à l’enrichissement illicite, privant les citoyens des recettes qui leur sont dus», tient à rappeler, depuis son siège à Oslo (Norvège), l’ITIE.

Cette organisation internationale multipartite regroupant des représentants de gouvernements, d’entreprises, d’investisseurs, d’organisations de la société civile ainsi que d’autres organisations partenaires, devenue au fil des années «cette voix influente sur la gouvernance des industries extractives». Surtout lorsqu’on sait qu’en termes de redevabilité, les écarts de conduite fiscale à l’actif de la filière sont des plus retentissants, notamment en Afrique.

Bannir la corruption, les pillages et la rapine

Transparence des revenus et responsabilité fiscale, ces deux principes universels sont-ils respectés par les grandes compagnies nationales et leurs partenaires étrangers, spécialisés dans l’extractif, intervenant en Afrique ?

Y croire serait un leurre, car à l’exception de ceux qui tiennent les rênes des secteurs énergétique et minier, d’aucuns ne savent que très peu sur la manière dont se comportent fiscalement et combien rapporte au juste l’exploitation de chacune des ressources naturelles par les multinationales dont regorge le sol du Continent noir. De plus en plus criante, la responsabilité des industries extractives dans les Flux financiers illicites (FFI) en donne un aperçu.

En effet, avec plus de 40 milliards de dollars, ce secteur, considéré comme l’une des principales causes de l’hémorragie financière dont est victime l’Afrique, est, à lui seul, à l’origine de près de la moitié des flux financiers sortants.

Et si l'omerta a commencé à sauter, sous la pression de l’ITIE et autres puissantes ONG ou instances œuvrant pour la justice fiscale dans le monde, l’opacité entourant les revenus des colosses de la filière ainsi que leur régime fiscal reste un facteur prépondérant de leurs très faibles retombées pour les populations des pays africains, riches en ressources, tel que soulevé dans le rapport 2020 de la Commission des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

Bien d’autres tabous ont, également, pu être brisés grâce à la norme globale de l’ITIE dans la mesure où elle vise à contrôler et à «réconcilier les paiements effectués par les sociétés aux Etats et les recettes des paiements par les gouvernements des industries extractives».

Les résultats jusque-là obtenus depuis sa mise en œuvre en 2003 sont des plus éloquents : en 2020, plus de 2300 milliards de dollars de revenus gouvernementaux divulgués en format ouvert par les 51 pays membres contre 2950 milliards de dollars divulgués, en 2023 par les 57 membres actuels de l’ITIE qui aspirent «venir à bout des inégalités fiscales et l’opacité de la rente, de lutter contre la corruption et d’améliorer la gestion du secteur aux fins d’initier le cercle vertueux du développement».

Dans une déclaration conjointe G8/Afrique, datant du 27 mai 2011, l’Algérie, à l’instar d’autres pays africains, comme l’Egypte, l’Ethiopie, le Nigeria ou le Sénégal, s’était engagée à «continuer à soutenir la transparence dans d’autres domaines, y compris à travers la mise en œuvre intégrale de l’initiative ITIE», et à « (…) à mettre en place des règles sur la transparence des lois et réglementations ou à la promotion de normes volontaires qui obligent ou encouragent les sociétés pétrolières, gazières et minières à divulguer les paiements qu’elles versent aux gouvernements».

Or, à l’exception de la Mauritanie, aucun autre pays d’Afrique du Nord, ensemble régional qui a son poids sur l’échiquier énergétique et minier mondial, ne figure parmi les 57 pays membres de l’ITIE.

Cette dernière étant «un processus national souverain et volontaire, avec des critères internationaux. Il ne peut y avoir une transparence sur les revenus du secteur que si les dirigeants politiques le décident. Certains pays adhèrent pour renouveler leur image, car ils ont la volonté d’attirer de nouveaux investisseurs», tel que nous l’expliquait une représentante du réseau Oxfam France. Processus d’adhésion que l’Algérie s’affaire à affiner, sur instruction des plus hautes autorités du pays, considérant le caractère strict et tatillon des exigences et des critères requis.

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