Accueilli au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA), le concert, organisé sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, a embarqué le public dans une randonnée onirique à travers une vingtaine de pièces tirées du dernier album et des répertoires multiples de la cantatrice, qui a choisi de rendre un récital de circonstance conforme aux atmosphères solennelles du mois sacré du ramadan.
Dans une ambiance sereine et apaisée, Beihdja Rahal a su orner les silences, en créant un sentiment de béatitude chez les spectateurs qui ont savouré, dans la sérénité et le bien-être, tous les moments du spectacle, judicieusement construit sur les belles nuances des tons et des couleurs de cette musique savante, entre inqilabet, h’waza, madihs et aroubi, notamment. Dans son accoutrement de haute couture orné de belles broderies traditionnelles, la chanteuse à la kouitra et à la direction artistique de son orchestre, s’est entourée du professionnalisme et de la virtuosité des musiciens, Hichem Hassani, El Hadi Boukoura et Mahmoud Boukhefardji aux violons alto, Mansour Brahimi à la mandoline, Amine Belounis et Nadji Hamma, aux ouds, Khaled Ghazi au tar et Sofiane Bouchafa à la derbouka. Parmi les pièces entonnées par l’artiste, avec une voix présente et étoffée, à la tessiture large, Zarni el malih wahdou, Moudh badet, Kaliftou bi badrin, Akhdamli saadi, inchakawta L’hawa, Saber men ketret lem’wadjaâ, Amchi ya Rassoul, Salla Allah âala Mohamed, sid aâbed Allah, Koul nour men’Nour El Hachemi kmel et Ida daka sadri.
Sur le lit apaisant des variations modales et rythmiques entrainantes, Beihdja Rahal promène sa voix limpide et fait montre de toute l’étendue de ses talents multiples, d’instrumentiste et de cantatrice sur les différentes pièces rendues, mettant en valeur le génie créatif des maîtres de la musique andalouse qui ont écrit ses textes et composé ses airs à travers les siècles. Les sonorités relevées des instruments à cordes rappellent la noblesse de la musique andalouse et la beauté mélodique, «aux traits classiques et universels» de ses airs entraînants et prolongés, lesquels, de l’avis d’un spectateur, musicien et connaisseur en la matière, «s’ouvriraient bien - malgré les normes conservatrices bien établies de cette musique savante - sur de belles distributions harmoniques». Dans une atmosphère empreinte de spiritualité, créée entre autres par un éclairage de «qaâda andaloussia», élément d’une scénographie traditionnelle de circonstance, faite notamment, de portes orientales disposées de part et d’autre de la scène, dotées d’auvents (petit toit en saillie), de tambours (heurtoirs) et d’un haut en arc, avec au-dessus, des petites fenêtres derrières des grilles, la cantatrice a déployé un programme qui «découlait de source», car en naturelle adéquation avec le ton ramadanesque de la soirée.
Dans le respect des préceptes et des normes régissant ce genre d’expression relevé que lui ont transmis ses maîtres, Mohamed Kheznadji et Aderrezak Fekhardji notamment, Beihdja Rahal avait déclaré qu’elle n’entendait travailler au studio que sur la nouba, tout en s’ouvrant, bien évidemment, sur «les autres genres andalous lors des réceptions ou des diverses cérémonies» qu’elle anime également.