La guerre contre les Palestiniens accentue la tension autour d’un passage commercial clé et fait craindre l’élargissement du conflit israélo-palestinien.
Depuis leur décision d’attaquer tous les navires commerciaux en lien direct ou indirect avec Israël qui traversent le golfe d’Aden, les rebelles houthis ont obligé cinq géants du transport maritime mondial par conteneurs à suspendre temporairement leur activité en mer Rouge. Il s’agit de l’Helvético-Italien MSC, du Français CMA-CGM, du Danois Maersk, de l’Allemand Hapag-Lloyd, auxquels s’est joint, samedi soir, OOCL (Orient Overseas Container Line Ltd) de Hong Kong, qui avait annoncé, dans un communiqué, qu’en «raison de problèmes opérationnels, OOCL arrêtera l’acceptation des marchandises à destination et en provenance d’Israël avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre».
Le même jour, le site de l’UKMT (United Kingdom Maritim Trad Operation), autorité des opérations de transport maritime britannique, a publié une carte montrant les différents incidents qui ont eu lieu en mer Rouge, au détroit de Bab El Mendeb, du 19 novembre au 15 du mois en cours. L’autorité a recensé 13 opérations de prise en otage de navires et 7 actes d’avertissements contre les bateaux, menés par les rebelles houthis.
Leur première action avait surpris le monde. Il s’agit du spectaculaire assaut donné au cargo Galaxy Leader, un transporteur automobile et propriété de Ray Car Carriers, une société contrôlée par un des plus riches hommes d’affaires israélien, Abraham Rami Ungar, en pleine mer Rouge par des hommes armés, vêtus de treillis militaire et appuyés par un hélicoptère de combat. Filmée, la scène de la prise de contrôle du navire a fait le tour du monde.
Le jour même, le porte-parole militaire des Houthis, Yahya Seer, a expliqué que la saisie du navire «se fonde sur la responsabilité religieuse, humanitaire et morale envers le peuple palestinien opprimé, soumis à un siège injuste et à la poursuite des massacres horribles et odieux perpétrés par l’ennemi israélien». Le responsable des rebelles a interdit l’accès à tout navire en lien direct ou indirect avec Israël, tant que la guerre contre la Palestine ne s’arrête pas.
Moins de 24 heures après, les Houthis ont attaqué, à l’aide d’un drone armé, le navire (français) CMA-CGM-Symi, battant pavillon maltais et exploité par Israël, sans faire de victimes. Ils ont tenté de rééditer l’assaut du Galaxy Leader avec le M/V Central Park, un chimiquier (acide phosphorique) immatriculé au Liberia et exploité par Zodiac Maritime, une société contrôlée par le milliardaire israélien Eyal Ofer.
Le navire a été visé par un drone kamikaze, qui lui a causé des dégâts matériels, avant que le «destroyer» américain USS Mason, ainsi qu’un navire de la Force maritime d’autodéfense japonaise ne lui portent secours. Le 4 décembre dernier, les Houthis ont ciblé deux autres navires israéliens Unity Explorer et NO-9 avec des drones kamikazes, ainsi qu’un troisième, AOM Sophy, qui a réussi à prendre la fuite. Le 11 décembre, le cargo norvégien STRDA, qui était en route vers Israël, a été la cible d’une attaque par drone. Deux autres, MSC Palatium III et MSC Alanya ont été visés par deux missiles.
Hausse de 200% des primes d’assurance
Toutes ces attaques ont lourdement inquiété les compagnies de transport maritime. Vendredi dernier, des missiles ont été tirés contre deux porte-conteneurs de l’armateur italo-suisse MSC. Une attaque de trop qui a poussé les cinq compagnies de transport à éviter la mer Rouge et le golfe d’Aden, devenus extrêmement dangereux.
Vingt-quatre heures plus tard, CMA CGM a annoncé avoir suspendu ses activités dans la région, au même titre que les groupes Maersk et Hapag-Lloyd, ainsi que OOCL. Dans un communiqué, le groupe CMA CGM a déclaré avoir «décidé d’ordonner à tous les porte-conteneurs de CMA CGM dans la région qui doivent passer par la mer Rouge, de rejoindre des zones sûres ou de ne pas sortir des eaux jugées sûres, avec effet immédiat et jusqu’à nouvel ordre», affirmant que «la situation continue de se détériorer et les inquiétudes en matière de sécurité augmentent».
La compagnie MSC a affirmé que ses navires n’emprunteront plus le canal de Suez «jusqu’à ce que le passage de la mer Rouge soit sûr». Maersk et Hapag-Lloyd ont, quant à eux, annoncé avoir pris la même décision. Le premier «jusqu’à nouvel ordre», après avoir essuyé une attaque contre son navire Le Gibraltar, et le second au moins jusqu’à aujourd’hui.
Devenu, l’une des routes maritimes les plus dangereuses, qui relie la Méditerranée à l’océan Indien, le détroit de Bab El Mendeb risque d’être fermé à plus de 40% du commerce international.
Les rebelles houthis ont d’ailleurs réitéré leur menace contre tout navire à destination d’Israël. Ils ont clairement affirmé qu’aucun ne naviguera «en mer d’Arabie et mer Rouge jusqu’à l’entrée de la nourriture et des médicaments dont nos frères de la Bande de Ghaza ont besoin». De nombreux cargos israéliens ont décidé de contourner la mer Rouge, mais la menace reste toujours pesante.
Les rebelles houthis n’ont pas hésité à tirer des missiles et à envoyer des drones kamikazes sur des bâtiments de guerre français et américains, détruits avant qu’ils n’atteignent leurs objectifs.
La situation n’a cessé de s’aggraver. D’abord sur le plan sécuritaire puisque les Etats-Unis sont actuellement en discussion avec des pays de la région pour aller vers «une force opérationnelle navale» chargée de faire face aux menaces, également économiques, vu la hausse, atteignant les 200%, des primes d’assurance dans la zone, poussant les cargos à faire le tour du continent africain pour rejoindre la Méditerranée.
La perturbation de cette route d’importance majeure va avoir des incidences majeures. D’abord pour les compagnies d’assurances maritimes, mais aussi pour l’économie des pays de la région, particulièrement l’Egypte, à laquelle le détroit de Bab El Mendeb, par lequel passe plus de 25 000 navires, rapporte chaque année une rente de 7 et 8 milliards de dollars. La guerre contre la Palestine est en train de s’étendre.
D’abord au Liban, où Israël a multiplié ses raids sur les zones contrôlées par le Hezbollah, mais aussi en Syrie. De leur côté, les navires de guerre américain, britannique et français, qui sillonnent la mer Rouge, ont déjà répondu militairement aux attaques des Houthis.
Ce qui a fait réagir les Houthis, dont le porte-parole a déclaré samedi dernier : «Nous n’abandonnerons pas la question palestinienne quelles que soient les menaces d’Israël, des USA et de l’Occident. Toute mesure hostile au Yémen aura des conséquences désastreuses et des coûts importants.»