Chine-USA : la guerre aura-t-elle lieu ?

13/04/2023 mis à jour: 00:16
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Il est une phrase de Gandhi, qui survit au temps. «Un arbre qui tombe fait beaucoup de bruit, une forêt qui germe ne s'entend pas.» Partout, un monde se forme, mais l'intérêt et l'attention qu'on lui porte sont parasités par le fracas du vieux monde qui s'écroule…

Présentement, les convulsions d'un monde en dépression nous offrent des basculements et des mutations bien réels, qui présagent effectivement de paradigmes nouveaux quant à la gestion du monde…

Ce monde-là ne serait plus l'apanage de la puissance américaine, dépositaire du destin universel, et dont le statut de gendarme du monde lui est contesté par des forces émergentes, dont la Chine lointaine, mystérieuse, sur ses gardes, qui cristallise tous les fantasmes.

Seulement, les transmutations qui se dessinent sont porteuses d'autant de menaces que de promesses. Sur le plan des échanges, si la Chine et les Etats-Unis s'invectivent, ils n'ont jamais autant commercé, malgré les graves tensions politiques. A contrario, il est même arrivé au Congrès américain de considérer la Chine comme une menace «existentielle». Dans cette atmosphère pesante, on remarque que la première mutation est géopolitique.

On la voit dans la volonté de Washington de préserver son influence à des milliers de kilomètres de son sol, avec un arsenal militaire sophistiqué implanté aux quatre coins du monde, surtout aux océans Indien et Pacifique, tout en tentant de tenir en laisse, en s'appuyant sur ses alliés de la région, japonais et taiwanais, son rival chinois, qui lui dispute une suprématie, devenue pour lui étouffante.

Les Etats-Unis incarnaient en fait tout l'Occident, qui gouvernait, depuis quatre siècles, dominait et «civilisait», soit par les armes, soit par l’influence. On assiste ces dernières années au «décentrement» du monde incarné par la volonté des pays émergents : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, contestant l'hégémonie et appelant à un nouvel ordre mondial équitable et plus juste.

La nouveauté est que même Macron semble avoir changé son fusil d'épaule, en se délestant de ses amis américains, appelant à se départir du rôle de «suiviste», lui qui obéissait, sans coup férir, à toutes les démarches venues d'outre-Atlantique !!! La Chine, devenue grande puissance économique, représentait, sans aucun doute, une menace pour l'Amérique, alors que jusqu'à la fin de ce XXe siècle, le monde l'avait ignorée, ainsi que l'Inde et l'Afrique.

Le monde se développant, jusqu'alors, qu'avec une moitié seulement de l'humanité. Devenue un farouche adversaire, la Chine était clouée au pilori, par ses contempteurs, parce que son économie, en net essor, est la 4e au monde, surclassant la Grande-Bretagne, la France et l'Italie.

Si les craintes américaines viennent de la féroce concurrence économique à venir, qui pourrait déborder encore davantage, elles le sont autant par la mutation induite par les technologies les plus avancées, dont la révolution numérique, auteure de l'implantation  d'un immense territoire virtuel, habité par des millions de sites, qui surpassent les espaces géographiques traditionnels.

Car la plupart des activités, surtout commerciales et financières, quittent la terre pour émigrer vers le virtuel insaisissable, souvent imprévisible et parfois dangereux, cynique et amoral, comme l'intelligence artificielle, qui n'a pas livré certains de ses sombres projets.

Les Américains avaient déjà suspecté le danger, lors de leurs démêlés politiques, à propos de la téléphonie Huawei 5G, mastodonte chinois des télécoms, qui avait donné le ton , en se plaçant à la pointe de la technologie mondiale, mais qui a valu à sa directrice financière d'être arrêtée en 2018 et assignée à résidence pendant 3 ans à Vancouver à propos d'un mensonge, au sujet des transactions avec l’Iran. Elle a fini par être blanchie par la justice américaine. C'était une des péripéties des rapports clairs-obscurs sino-américains.

Un expert américain a classé Huawei à l'avant-garde de cet espace de technologie pointue. «En fait, les Occidentaux commencent à perdre le combat technologique face à la Chine.» C'est le sérieux institut australien de stratégie politique qui le dit, en précisant que les Chinois dominent les Américains dans 37 technologies «critiques» sur 44, et commencent même à établir un monopole dans huit d'entre elles.

La Chine règne, notamment, sur les communications radiofréquences avancées, telles que la 5G ou la 6G, mais aussi l'hydrogène et les batteries électriques, domaine où environ 60% de la recherche viennent de Chine. Il y a quelques mois, les hostilités entre les USA et la Chine étaient ouvertes suite à l'affaire du ballon espion chinois, abattu par l'aviation américaine après avoir survolé l'ensemble du territoire américain.

Ce qui a amené Blinken à bouder une rencontre, préalablement, programmée à Pékin. Depuis, l'un et l'autre se regardent en chiens de faïence. Nous sommes en plein dans le temps des incertitudes, au cœur d'un siècle sûrement tumultueux, comme annoncé.

En 1991 déjà, le prix Nobel de littérature, le Colombien Garcia Gabriel Marquez, prédisait des moments de tension extrême. «N'attendez rien du XXIe siècle, c'est le XXIe siècle qui attend tout de vous !!» Le grand écrivain, qui n'est pas adepte de la boule de cristal, a vu juste, et l'histoire lui a donné pleinement raison.

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