La Caravane passe est un groupe qui porte bien son nom. Il a marqué son passage en Algérie. Après avoir observé des haltes à Annaba, Oran, Tlemcen et Constantine, ces saltimbanques sont passés à Alger. Et ils ont fait la fête. Ils ont célébré le solstice et la fête de la musique, le mardi 21 juin de 20h30 à 22h à l’Institut français d’Algérie à Alger.
Les «fêtards» de la fête de la musique dont c’est le 40e anniversaire - un événement créé par l’ancien ministre français de la Culture, Jack Lang, une institution en France exportée dans plus d’une centaine de pays dont l’Australie et les Etats-Unis sont des caravaniers.
Toma Feterman (chant guitares, trompette, mandolines…), Patrick Gigon (batterie percussions), Cyril Moret (saxophones, flûtes), Olivier LLugany (fiscorn, trombone, chant), Benjamin Body (basse, tuba), Nicolas Bouchillou (ingénieur son) et Cassandre Daumont-Marx (régisseur plateau). Et ils ont mis sens dessus-dessous, la salle de spectacle de l’Institut français d’Algérie d’Alger. En adéquation avec un public en furie, en folie, ils n’étaient pas du tout dépaysés.
«Je sens les gens, les Algériens, comme des ami»
«Je ne suis pas du tout dépaysé en me produisant avec La Caravane passe, ici, en Algérie. En fait, à la base en Algérie, je le dis sincèrement, sans flagornerie, je sens les gens, les Algériens, comme des amis. Comme à la maison. Partout où j’ai été, je me sens très bien. Moi, j’ai grandi dans un quartier à Paris, Ménilmontant, où il y a beaucoup d’Algériens. Adolescent, je jouais à des musiciens algériens d’expression kabyle. Je jouais tour le temps avec l’association Culture berbère... Je ne suis jamais venu en Algérie. Une fois où j’y ai mis les pieds, c’était une évidence.
Je m’y sentais très bien. J’étais bien avec tout le monde. Et j’ai compris beaucoup de choses par rapport aux mentalités des Algériens en France. En venant ici, en Algérie, cela m’a beaucoup apporté. Et pendant les concerts, c’est magique. C’est comme ci, moi, nous, La Caravane passe, et le public, nous nous connaissions depuis toujours...», nous confiera Toma Feterman, chanteur, auteur-compositeur, multi-instrumentiste, producteur et leader de la formation La Caravane passe- ayant collaboré avec les Négresses Vertes et produit Fela Kuti, Femi Kuti, les Têtes Raides, IAM, la Mano Negra, Sinsemilia-.
Version balkane et endiablée de Ya Rayah
Et puis la magie a opéré. Avec le groupe La Caravane passe, on ne peut pas tenir sur place. C’est un spectacle normalement sans sièges. Donc, une fiesta, une invitation à danser et s’éclater.
Sur un rythme effréné et endiablé manouche, balkan, slave, gitan, hispanique, arabisant… Bref, ça déménage et ça décoiffe avec ces gens du voyage, les gars de La Caravane passe, et ce, avec chansons festives, festoyantes et intelligentes. C’est qu’il y a un effort remarquable en matière de texte. Et qui est derrière les manettes ? Et bien, sans démagogie, c’est Toma Feterman, l’homme-orchestre.
Des titres tels que Shouf la shapka, T’as la touche manouche, Perdu ta langue, Maria Kalash, Nomadic Spirit, Sacha Mona, J’Bivouak, Zinzin Moretto, ou encore Mirsilou. Mais La Caravane passe a déchaîné le public à travers un hommage à Rachid Taha. Avec la chanson Baba (c’était un featuring avec Taha et la Caravane passe en 2016) et une reprise balkane de Ya Rayah du maître de la musique chaâbie Dahmane El Harrachi, immortalisée par Rachid Taha.
Et ce fut rappel sur rappel, à ne plus en finir. Le public avait adopté ces «gypsys», ces «gitanos». Il y avait quelque chose dans l’air, une magie, une fébrilité. En fait, Toma Feterman et son «Band of Gypsys» très cher au dieu des six cordes, l’extra-terrestre Jimi Hendrix étaient des amis de Rachid Taha. Et ils avaient collaboré ensemble des années. Toma Feterman, chanteur, auteur-compositeur, multi-instrumentiste et leader de la formation La Caravane passe est le producteur du dernier l’album de Rachid Taha intitulé Je suis africain, sorti après sa disparition, en septembre 2019.
«J’ai été à Sig me recueillir sur la tombe de Rachid Taha»
Toma Feterman était un ami et un frère du regretté Rachid Taha, la rock star. «On était censé prendre l’avion, Alger-Oran. Je leur ai fait changer tout le planning. Alors, on l’a fait par bus. On est parti en retard. Le chauffeur, au bout d’un moment, il était fatigué nous a dit qu’il ne pouvait y aller à Sig où repose le regretté Rachid Taha.
J’ai insisté et été intraitable en rigolant : ‘‘Ecoute, si on n’y va pas voir la tombe de Rachid Taha, je prends l’avion d’Oran et je rentre à Paris…’’ Il a compris que c’était important pour moi et s’est dirigé vers le cimetière de Sig. Les gens rencontrés, ressemblaient, en fait à Rachid Taha. Tous serviables, hospitaliers, à notre écoute. C’était super ! Ils étaient comme Rachid l’était. Pour vous dire, je ne suis jamais allé dans un cimetière en Afrique.
Et cela m’a rappelé les cimetières dans les films de Sergio Leone (Le Bon, la brute et le truand). Et cela m’a parlé, parce que Rachid adorait les westerns. Et je me suis dit, il est là où il faut. C’était très émouvant…Je me produis souvent à L’Armée mexicaine, les musiciens de Rachid Taha… On ne cesse de lui rendre hommage, il le mérite. L’Armée mexicaine continue à jouer…», nous confiera Toma Feterman, non sans émotion.
«Laisse tout branché, on va créer tous les deux»
A propos de l’album Je suis Africain du regretté Rachid Taha, Toma Feterman se souviendra : «On faisait avec Rachid une chanson. Et en 2015, on a fait ensemble Baba avec La Caravane passe. Il était venu le soir à la maison pour enregistrer la voix. Il m’avait dit : ‘‘Laisse tout branché, on va créer tous les deux.’’ Je lui ai dit : ‘‘Oula, qu’est-ce que tu veux dire ?’’. Et là, on a enregistré juste guitare-voix.
Je proposais des airs tristes, joyeux… Et puis Rachid improvisait des paroles dessus. Et comme ça, on a enchaîné douze chansons dans la nuit… En une seule nuit, on a enregistré douze chansons improvisées en octobre 2015. Mais on ne savait pas que cela sera de la matière pour un album. C’est juste Rachid était comme ça. On improvisait énormément.
Parfois, quand il avait un coup de blues, il m’appelait en me demandant s’il pouvait passer chez-moi. Pour enregistrer. Je lui disais : ‘‘bien sûr’’. Alors, il venait et on faisait d’autres chansons. Quelques mois après, Rachid, m’a demandé de lui réaliser deux maquettes des chansons improvisées et bien conçues pour les présenter à sa maison de disque. C’est ce que j’avais fait. Une présentation des meilleures chansons composées ensemble.
Et c’est là qu’il m’annonçait que l’on voulait que je réalise tout le nouvel album. Alors, on effectué une sélection parmi les premières chansons. On refait d’autres chansons. Puis ont suivi les arrangements, le mixage…». Le concert de La Caravane Passe aura été un beau «trip». Et on a pas été déçu de ce voyage plein de générosité et fraternité. Il faut que la Caravane… repasse en Algérie !