Dans un communiqué rendu public hier, le ministère de la Santé est sorti de son silence pour démentir l’information qui, selon lui, remonte à 2022.
Balancé sur les réseaux sociaux, mercredi dernier, le courrier du wali d’Alger aux services de la Protection civile et de la DSP, alertant sur l’apparition de quelques cas de tuberculose au sein de la communauté des migrants subsahariens, au sud de la capitale, a fait rapidement le tour de la Toile et suscité une grande inquiétude chez les internautes.
De leur côté, les professionnels de la santé se montrent rassurants en évoquant «un foyer circonscrit bien pris en charge par l’autorité sanitaire». Hier, le ministère de la Santé a démenti «tout cas de tuberculose parmi les migrants».
Dans un communiqué rendu public en fin de journée, il est revenu avec des statistiques sur le bilan de la politique de l’Algérie en matière prévention contre la tuberculose, qui a «permis de passer de 1 à 23 cas par 100 000 habitants en 2010 à 9,8 cas en 2022, soit une baisse de 58% en 10 ans», avant de démentir les informations sur le cas de Subsahariens atteints de tuberculose : «Aucun cas de tuberculose n’a été enregistré dans la wilaya d’Alger, parmi les migrants subsahariens en 2023.
En 2022, 5 cas ont été signalés : 2 à Blida au niveau de l’établissement sanitaire de proximité de Bouinane, et 3 autres au niveau de l’établissement de santé de Meftah, parmi lesquels un enfant de 3 ans est décédé. Les malades ayant bénéficié des soins, sont guéris et ont quitté les établissements hospitaliers.»
Énigmatique sortie du ministère de la Santé, sachant que le courrier du wali d’Alger alertant sur les cas de tuberculose parmi les migrants date du 3 mai courant et celui du ministre de l’Intérieur, cité en référence, date du 24 avril 2023.
Cela étant, le Pr Mustapha Khiati, président de la Forem (Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche en Algérie), ne se montre pas surpris par d’éventuels cas de tuberculose parmi les migrants.
Contacté, il explique : «La promiscuité, l’éclosion de foyers d’infection et l’absence d’hygiène mettent les migrants dans une grande précarité qui les laisse à la merci de n’importe quelle maladie infectieuse. Le plus important est de ne pas les laisser sans couverture sanitaire, d’autant qu’ils viennent de pays confrontés aux maladies tropicales et, donc, peuvent se transformer en vecteur de propagation de celles-ci.»
Observatoire des maladies tropicales
Le Pr Khiati estime que «les trois ou quatre cas de tuberculose confirmés sur la base de symptômes ont été pris en charge et bénéficié d’un traitement. Il faut attendre quelques jours pour savoir s’il n’y a pas d’autres cas asymptomatiques qui vont apparaître. Nous ne sommes qu’en début d’un foyer, fort heureusement, circonscrit grâce à la réaction rapide des autorités sanitaires. Action qu’il faut saluer». Interrogé sur l’éventuelle propagation de cette maladie, il se montre catégorique : «Elle très bien connue et son traitement existe. Le plus important c’est d’assurer une couverture sanitaire aux migrants et leur permettre d’avoir accès à ce traitement.
Cela étant, celle-ci doit nous interpeller sur la nécessité de se doter d’un observatoire des maladies tropicales avec des sentinelles au niveau de tous les accès au pays et dotés de moyens pour le diagnostic, sachant que ces maladies sont transmises par les anophèles qui utilisent l’homme comme vecteurs de propagation.»
M. Khiati plaide pour le retour de l’ancien dispositif qui était en place sur la Transsaharienne : «A l’époque, des centres de santé étaient installés sur chaque 50 ou 100 km de cette route où des moyens étaient déployés pour faire le diagnostic de ces maladies. Le résultat a été était très important puisqu’on a constaté un recul considérable de ces maladies. Malheureusement, ces infrastructures ont été transformées en établissement de proximité par l’ancien ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, ce qui s’est traduit par le retour inquiétant du paludisme.
Lorsqu’on enregistre des cas de cette maladie à Ghardaïa, c’est qu’il y a un problème.» Pour le Pr Khiati, quand ils sont diagnostiqués, l’Ebola ou le virus Marburg «nécessitent un dispositif spécifique ou des plans Orsec, comme cela a été le cas pour la Covid-19. Ce qui est dangereux c’est de se dire que ce sont des maladies tropicales banales et qu’après l’on se rend compte qu’elles sont beaucoup plus dangereuses».
Le Professeur plaide pour que le HCR (Agence des Nations unies pour les réfugiés) «assume ses responsabilités en prenant en charge la population de migrants qui vit dans la précarité et qui a donc besoin de protection».