Bruxelles multiplie les pressions sur le président Saïed : La tension monte entre la Tunisie et l’UE

25/03/2023 mis à jour: 18:45
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Le président tunisien Kaïs Saïed et le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell - Photo : D. R.

Déclarations alarmistes du commissaire européen Borell, annonçant un risque imminent d’effondrement financier. Réactions modérées de la Tunisie, insistant sur son indépendance et sa souveraineté nationale. Les dessous et les perspectives d’une crise complexe entre la Tunisie et l’UE.

La tension est montée d’un cran ces derniers jours entre la Tunisie et l’Union européenne. Aux arrestations de personnalités politiques amies de l’Europe pour «complot contre la sûreté de l’Etat», s’ajoute la question du refus par la Tunisie de sa transformation de «voie de passage vers l’Europe» à «destination finale», pour les  Subsahariens. Problèmes multiples sur fond de crise économique et sociale. Or, pour l’UE et la Tunisie, chacune a ses propres priorités.

Le torchon brûle entre la Tunisie et l’Union européenne. Les Européens trouvent, semble-t-il, que le chambardement politique, opéré par le Président Saïed depuis le 25 juillet 2021, ne vient pas au bon moment. «Il est crucial que les différentes forces politiques et sociales en Tunisie travaillent ensemble sur un projet commun et inclusif pour le pays», si l’on creuse dans les propos de Josep Borell, commissaire des Affaires étrangères et de la politique de sécurité.

Dans sa déclaration, ce dernier insinue que la purge opérée par Saïed ne vient pas au bon moment, puisque ladite purge empêche un consensus national, crucial, selon Borell, pour sortir de la crise traversée par le pays. Propos auxquels répond le ministère tunisien des Affaires étrangères par : «Ces propos sélectifs continuent d’ignorer toute responsabilité dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu’au 25 juillet 2021.»

Les autorités tunisiennes responsabilisent partiellement l’Europe dans ce qui s’est passé en Tunisie durant la période entre 2011 et le 25 juillet 2021. Tout le monde se rappelle les multiples initiatives européennes, notamment allemandes et britanniques (avant le Brexit), pour rapprocher les islamistes et leurs adversaires, afin de gouverner par des consensus en Tunisie, Libye et ailleurs. 

Vu sous cet angle, il ne s’agit plus de mode opératoire pour sortir de la grave crise économique et financière, traversée par la Tunisie. Il s’agit, plutôt, d’immixtions dans les affaires internes tunisiennes de la part de l’Union Européenne, si l’on extrapole les propos de Borell.

Il s’agit toutefois de les nuancer, l’Europe est plutôt favorable, en toute logique, à une option d’aide à la Tunisie, en collaboration avec les institutions souveraines dans le pays. Par contre, le commissaire Borell, d’appartenance socialiste, s’en prend clairement au Président Saïed pour être allé trop fort dans ses purges, en rompant cette politique de conciliation au profit d’une lutte acharnée contre la corruption qui a ravagé le pays. C’est de là que la tension est montée.

Perspectives

Cette polémique n’empêche pas que la Tunisie traverse une crise profonde et que, pour le moment, seule l’Algérie lui est demeurée solidaire. Le président Abdelmadjid Tebboune l’a rappelé dans sa récente interview sur Al Jazeera en disant que «la Tunisie est visée par un complot et que l’Algérie se tient à ses côtés». Le Président algérien a clairement exprimé son soutien au Président Saïed «élu par des millions de Tunisiens et représentant légitime du pays».

En plus, les autorités tunisiennes sont conscientes de la crise traversée par leur pays et de l’urgent besoin d’un accord avec le FMI, pour débloquer d’autres accords avec les institutions financières internationales et certains pays comme l’Arabie Saoudite ou le Qatar.

Toutefois, Tunis veut que «cela n’empêche pas une reddition des comptes de ceux qui sont responsables de l’actuelle crise», comme ne cesse de réclamer le Président Saïed. Pour expliquer les réticences de ce dernier par rapport à l’accord avec le FMI, le politologue Hamza Meddeb, spécialiste des relations entre la Tunisie et les institutions financières internationales, n’est pas affirmatif.

Il s’interroge s’il «s’agit d’une posture idéologique hostile vis-à-vis des institutions financières internationales et de la politique d’austérité qui serait imposée par les termes de l’accord avec le FMI» ou si c’est juste «une stratégie de négociation pragmatique et opportuniste qui consiste à expliquer qu’un accord de la Tunisie avec le FMI ne sert pas uniquement les intérêts tunisiens mais les intérêts de l’Europe pour éviter le risque d’une explosion de la migration». Une situation compliquée à l’avenir incertain.

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